Etude de la réponse anticorps spécifique du paludisme en relation avec les facteurs génétiques d’hôte

Difficultés de lutte contre le paludisme

Le paludisme constitue un problème majeur de santé publique qui touche environ 41% de la population mondiale, ce qui signifie que 2,4 milliards d’individus sont exposés à cette maladie. Trois cent à cinq cent millions de cas sont recensés chaque année dont 90% en Afrique subsaharienne, conduisant à 1,5 à 2,7 millions de morts dont un million parmi les enfants de moins de cinq ans (estimation de l’OMS en 2001).
Différentes stratégies ont été développées pour lutter contre le parasite, notamment la chimiothérapie basée sur l’utilisation de médicaments antipaludiques.
Cette lutte est aussi dirigée contre le vecteur par l’utilisation de moustiquaires, d’insecticides et de répulsifs.

Polymorphisme érythrocytaire en relation avec le paludisme

De nombreuses études ont montré l’existence d’une association entre des facteurs génétiques affectant le globule rouge et la susceptibilité et/ou la résistance à l’infection par P. falciparum.

Le trait drépanocytaire

La drépanocytose, anomalie génétique de l’hémoglobine consistant en la substitution d’une adénine par une thymine sur l’exon 6 du gène de la bêta globine conduisant au remplacement d’un acide glutamique par une valine a été le facteur génétique le plus connu pour être impliqué dans la protection contre le paludisme humain. Il est admis maintenant que la drépanocytose procure une résistance contre les accès pernicieux en réduisant le risque de 80 à 90% (Weatherall 1996). La fréquence élevée du gène de l’hémoglobine S dans les populations sub-sahariennes pourrait résulter d’un équilibre entre la mortalité précoce qu’entraînent les manifestations cliniques de la drépanocytose chez les sujets homozygotes (SS), et la protection vis-à-vis des accès palustres simples et graves que confère le gène aux sujets hétérozygotes (AS) (Nagel & Roth 1989).
Cette protection n’est pas totale et s’exprime essentiellement chez les enfants jeunes, la protection immunitaire étant assez forte au-delà de six ans pour masquer l’avantage dont ont bénéficié les sujets porteurs du trait drépanocytaire, surtout en zone hyperendémique (Allen et al., 1992). Il a été démontré in vitro que la croissance du parasite dans les hématies HbAS est inhibée lorsque le taux d’oxygène descend au dessous de 5% (Friedman 1978) et que le phénomène de rigidification de la membrane érythrocytaire ou falciformation concerne essentiellement les hématies parasitées par des trophozoïtes jeunes (Roth et al., 1978). Cependant, ces effets ne peuvent être observés qu’après des durées d’exposition à de faibles pressions d’oxygène, qui ne sont pas atteintes in vivo (Mozzarelli et al., 1987).

Le déficit en G6PD

Le déficit en G6PD (Glucose 6-Phosphate Déshydrogénase) est l’enzymopathie la plus répandue dans le monde puisqu’elle touche plus de 400 millions de personnes. Le gène de la G6PD, porté par le chromosome X, est l’un des plus polymorphes avec plus de 400 allèles connus. Sur le continent africain, l’allèle normal G6PD B présente une fréquence allélique de 60 à 80% avec une activité enzymatique de 100%. Les deux principaux variants alléliques rencontrés en Afrique sont :
1) le variant G6PD A d’activité enzymatique quasi normale (80%), résultant du remplacement d’une adénine par une guanine en position 376 de la partie codante du gène.
2) le variant G6PD A- d’activité enzymatique réduite (12%), résultant de l’association de la mutation en position 376 et d’une mutation ponctuelle additionnelle (remplacement d’une guanine par une adénine) aux positions nucléotidiques 202 ou 968.

L’antigène RESA

L’antigène RESA est un polypeptide de 155 kDa constitué de séquences répétitives d’acides aminés et de régions conservées (Figure 3): à l’extrémité C terminale se trouve un tétrapeptide EENV répété plus de 30 fois avec quelques variants et des délétions, suivi de 5 répétitions d’un octapeptide EENVEHDA. Au centre de la molécule se trouve une séquence de 11 acides aminés DDEHVEEPTVA répétée 7 fois. Les numéros des acides aminés réfèrent à la position des premiers et derniers résidus (Perlmann et al., 1989).
L’antigène RESA est déposé dans la membrane des hématies au cours du processus d’invasion par les mérozoïtes (Perlmann et al., 1984) et a été considéré dans notre étude pour plusieurs raisons. Bien conservé parmi les différentes souches de P. falciparum (Perlmann et al., 1987), cet antigène a fait preuve de son rôle protecteur chez l’animal (Collins et al., 1986) et l’augmentation des anticorps anti- RESA dans le sérum humain est corrélée avec l’acquisition d’une immunité clinique (Deloron et al., 1987). De plus les régions conservées et variables de cet antigène sont facilement reconnues par les anticorps et les lymphocytes T (Chougnet et al., 1991). Enfin in vitro les anticorps anti-RESA inhibent l’invasion érythrocytaire par les mérozoïtes (Wahlin et al., 1984).
Dans le cadre de notre étude, nous évaluerons le taux de prévalence et le niveau de réponse humorale spécifique à ces protéines recombinantes par la détermination des immunoglobulines (IgG) et sous classes d’IgG (IgG1 à IgG4) plasmatiques spécifiques en utilisant la technique ELISA (Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay).

La technique ELISA

La méthode

Les IgG et sous classes IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4 plasmatiques humaines dirigées contre les trois protéines recombinantes MSP2/3D7, MSP2/FC27 et RESA de P. falciparum ont été mesurées par ELISA. Ces protéines exprimées chez Escherichia. coli ont gracieusement été fournies par le Dr Robin Anders (La Trobe University, Victoria, Australie) et conservées à +4°C une fois reconstituées à 1mg/ml dans de l’eau distillée stérile. La technique, présentée dans l’Annexe 2, se déroule en trois jours et consiste dans les étapes suivantes :
• Jour 1 : après avoir dilué l’antigène à 100μg/ml dans du tampon carbonate à pH = 9,6, on en dépose 50μl dans chaque puits de plaques 96 puits à fond rond. Les plaques sont recouvertes d’un film adhésif et enveloppées de parafilm (afin de réduire l’effet de bord occasionné par une ventilation plus importante des puits situésà la périphérie) et sont mises à incuber une nuit à +4°C.
• Jour 2 : on dépose 200μl/puits d’une solution de saturation de PBS(Phosphate Buffered Saline) BSA 5% (Bovine Serum Albumin). La BSA constituéede grosses molécules protéiques favorise le blocage des sites de fixation nonspécifiques. Après 6 heures d’incubation à température ambiante et 4 lavagessuccessifs des puits dans avec une solution de PBS-Tween 2%-azide de sodium 0,02%, les plasmas sont déposés en duplicata, en respectant des dilutions précises dans un tampon de PBS-BSA 5%-Tween 2%-azide de sodium 0,02%. Pour les IgG2 et IgG4, la dilution des plasmas est au 1/10, tandis que pour les IgG1 et IgG3, elle est au 1/50, et au 1/200 pour les IgG totales. Les plaques sont de nouveaurecouvertes de parafilm et mises à incuber une nuit à +4°C.
• Jour 3 : après 4 lavages, on dépose des anticorps monoclonaux anti-sous classes d’IgG humaines élaborés chez la souris aux dilutions de 1/500 pour les IgG1, 1/2000 pour les IgG2 et IgG4 et 1/1000 pour les IgG3, dans une solution de PBSTween 1%-BSA 5% azide de sodium 0,02%. Cette étape ne concerne que les sousclasses d’IgG et permet la sélection de la sous classe à doser. A la suite d’une incubation de deux heures à 37°C et de 4 lavages, on procède au dépôt des anticorps conjugués dilués respectivement au 1/1000 pour les IgG2 et IgG4, au 1/2000 pour les IgG totales et les IgG1, et au 1/4000 pour les IgG3. Le tampon de dilution est le PBS–Tween 1%-BSA 5%-azide de sodium 0,02%. Les anticorps conjugués sont tous élaborés chez la chèvre et sont dirigés contre les IgG humaines (IgG totales) ou contre les IgG de souris (sous-classes d’IgG). Ces anticorps sont couplés à l’enzyme phosphatase alcaline (PAL). Après une dernière incubation de 2 heures à 37°C et 4 lavages, la solution de révélation contenant le substrat de l’enzyme est déposée à raison de 100μl/puits. Cette solution est préparée en dissolvant 1 comprimé de p-nitro phényl phosphate (pNPP) et 1 comprimé de tampon Tris dans 20 ml d’eau. Après une dernière incubation dans l’obscurité dont la durée varie de 15 mn (IgG totales) à 2 heures (IgG2 et IgG4), l’intensité de la réaction colorée jaune est lue au spectrophotomètre à la longueur d’onde de 405 nm (filtre de référence à 620 nm) et donne pour chaque puits des valeurs de densité optique (DO).
∗ Chaque plaque comporte :
-deux puits blancs : puits contrôles où tous les éléments de la réaction ELISA sont déposés sauf les plasmas.
-deux puits de pool positif : mélange de plasmas de sujets fortement répondeurs constituant un témoin positif identique pour toutes les plaques de dosage d’une même classe d’anticorps dirigés contre une même protéine.
-deux puits de pool négatif : mélange de plasmas de sujets non immuns constituant un témoin négatif selon les mêmes conditions que pour le pool positif .
-deux puits de contrôle sans antigène destinés à vérifier de façon aléatoire pour chaque plaque l’absence de réaction non spécifique.
∗ Les mauvais duplicata et les plasmas des sujets dont la DO moyenne est supérieure à 3,5 sont repris. Dans le cas des fortes DO une dilution plus importante est effectuée, prise ensuite en compte dans le calcul des valeurs d’Unités Arbitraires (UA).
∗ Une batterie de 30 plasmas de sujets européens n’ayant jamais été exposés au paludisme est testée pour chaque type d’antigène et chaque type de dosage afin de définir les seuils de positivité : un sujet est considéré répondeur si son niveau de réponse (UA) est supérieur à la moyenne + 2 écartypes des réponses (UA) de la batterie de plasmas non immuns.

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Expression des résultats en Unités Arbitraires (UA)

La transformation des valeurs de DO en Unités Arbitraires (UA) consiste à pondérer les DO des échantillons par les valeurs de DO du contrôle positif et du contrôle négatif. Ces deux contrôles étant présents dans chaque plaque pour un type de dosage donné, ce calcul permet d’éliminer les variations inter-plaques liées notamment à de légères fluctuations des temps d’incubation, des conditions opératoires ou de température. Il permet donc d’exprimer de façon comparable les résultats du dosage d’un même échantillon lors de deux expériences différentes, tout comme il permet de comparer entre eux les résultats d’échantillons différents dosés au cours d’expériences différentes.
Ce calcul tient compte des DO des blancs dont la moyenne est soustraite des puits tests pour éliminer le bruit de fond, des valeurs du pool positif et du pool négatif. Il s’établit comme suit :
DO test, ou DO pool positif, ou DO pool négatif = moyenne (DO puits 1; DO puits 2) – moyenne (DO blanc1; DO blanc2), et : UA test = 100 x [(Ln DO test – Ln DO pool négatif) / (Ln DO pool positif – Ln DO pool négatif)].

Analyse statistique

Les comparaisons entre deux variables qualitatives ont été faites en utilisant le test de Chi-2. Les comparaisons de moyennes ont été effectuées par le test-t de Student pour les variables présentant une distribution normale de leurs valeurs. Dans le cas contraire, le test non paramétrique U de Mann Whitney a été employé. Le test non paramétrique de corrélation des rangs de Spearman a été employé pour mesurer le degré de corrélation entre deux variables quantitatives. Lorsque plusieurs co-variables ont été trouvées associées à notre variable d’intérêt qu’est le phénotype parasitologique, ces variables ont été intégrées dans un modèle d’analyse multivarié utilisant la régression linéaire, afin de vérifier le maintien ou non de ces associations, en considérant l’effet propre de chaque variable. Le logiciel Statview 4.5 (Abacus Concept, Berkely, CA, USA) a été utilisé pour l’analyse statistique univariée, et le logiciel STATA (StataCorp. 1999, Release 6.0) pour l’analyse statistique multivariée, avec dans les deux cas de figure un seuil de signification placé à p < 0,05.

Résultats du suivi parasitologique

En fonction des passages, le pourcentage de GE positives a fluctué de 19% en avril 2003 à 46% en octobre 2003 (résultats cumulés pour Toucar et Diohine). La distribution du nombre de GE recueillies est montrée sur la Figure 6, et le pourcentage de GE positives à chaque passage sur la Figure 7. On dispose pour au moins 50% des enfants d’au moins 9 GE. Les GE positives correspondent aussi bien
à des cas de portage symptomatique qu’asymptomatique de P. falciparum. Des données de morbidité palustre recueillies pendant la même période auprès d’une cohorte incluant 38% des enfants de notre suivi parasitologique indiquaient une fréquence d’accès palustres simples de 34% au cours de la saison de transmission 2002, un accès palustre étant défini dans cette zone par l’association d’une température axillaire > 37,5°C et d’une DP > 2500 parasites par microlitre de sang.

Relations entre le phénotype parasitologique et les facteurs génétiques d’hôte

Dans une première série d’analyses univariées, dont les résultats sont reportés sur le Tableau 3, l’effet sur la MLDP de plusieurs co-variables a été recherché : l’âge et l’appartenance à un des deux villages de Diohine ou de Toucar restent sans influence sur la MLDP ; par contre, les garçons ont tendance à présenter une MLDP plus élevée que les filles (p=0,08), ainsi que les enfants ayant présenté une infection mixte à P. falciparum et P. malariae par rapport aux non porteurs de P. malariae (p=0,0002). Les facteurs génétiques affectant l’érythrocyte sont sans effet sur la MLDP, qu’il s’agisse du groupe sanguin (O vs. non O ; A vs. non A), du portage de l’hémoglobine S ou du variant G6PD A-. Il n’a pas été nécessaire de réaliser un ajustement sur le passage : en effet, pour les enfants ne disposant que de 2, 3, 4 ou 5 mesures de la DP, la distribution de ces mesures en fonction des passages n’entraînait pas de modification de la MLDP (résultat non présenté ici). Il n’a pas non plus été nécessaire d’ajuster les DP sur les résultats du dosage de la chloroquine urinaire, effectué par la méthode colorimétrique de HMM II, selon (Mount et al., 1987), car la présence ou non de chloroquine à un taux de chloroquine base supérieur à 1,5 μg/ml n’influait pas sur la MLDP (résultat non présenté ici).

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