ETUDE DE LA REGLEMENTATION DE L’ACCES AUX RESSOURCES NATURELLES
Devant le processus actuel de dégradation accentuée des ressources naturelles et pour donner la chance aux générations futures d’en bénéficier, les populations locales elles-mêmes de concert avec les autorités locales ont senti la nécessité de mettre en place des règles d’accès aux ressources naturelles. De la gestion rationnelle et durable des ressources naturelles dépendra l’avenir du développement économique et social des populations de la CR. Pour avoir une lecture plus claire du système de gestion durable de cette diversité biologique, il est plus utile de procéder à une analyse du code de conduite dégagée pour chaque type de ressources.
La réglementation de l’accès aux ressources foncières
Historiquement, il y avait le système de gestion traditionnelle des terres dans lequel la terre était acquise dans le temps par le droit de feu ou par le droit de hache. En effet, comme il a été expliqué ci dessus, la terre appartenait au lamane ou l’alkaly. Ce dernier était le maître des terres de chaque village. Il attribuait à chaque famille un certain nombre de terres. Au sein même des familles, la propriété de la terre était commune et personne ne s’appropriait exclusivement d’aucune terre.
Donc la propriété de la terre était un patrimoine collectif et lignagère. Les principales lignées qui se partageaient les terres sont : les « Simala », les « Fata-fata », les «Wakhadou » et les « Thiofane ».
Egalement le potentiel de terres disponibles permettait de satisfaire les besoins agricoles.
Pour une telle situation, la terre était libre et son accès était gratuit. Ces faits se renforçaient par l’existence de jachère et on y prêtait même le reste de terres disponibles. Après cette étape, deux systèmes de réglementation prévalent pour l’accès au foncier que sont :
D’abord la terre est un bien familial et inaliénable. L’individu peut disposer d’une parcelle du domaine collectif qui permettra d’avoir un droit de propriété sur les cultures. Mais une nouvelle tendance va se dresser avec la nationalisation de toutes les terres du Sénégal par la loi 64 – 46 du 17 juin 1964. Celle-ci va modifier le mode de gestion coutumière de la terre et en limite l’accès à la population. Avec l’avènement de cette loi, la constitution sénégalaise donne d’égal accès à la terre à tous les hommes.
Par contre, le contexte actuel de la RBDS caractérisé par la présence de forêts classées et d’estuaires (CR de Dionewar), constitue des limites d’accès libre des populations locales à la terre. Cet état de fait se trouve renforcée par l’augmentation de la population ces dernières années. Il est important de rappeler que la réserve foncière de la CR de Dionewar est en quantité insuffisante et pour cela elle reste encore entre les mains des propriétaires traditionnels pour les besoins agricoles. Fort de ce constat, le potentiel foncier disponible n’est attribué que pour l’habitat rural ; il est plus délicat à Dionewar et à Niodior. Dans ce dernier village, les populations sont aujourd’hui obligées de construire en hauteur.
Désormais, c’est le conseil rural à travers la commission domaniale qui se charge de la réglementation de l’accès aux ressources foncières.
Trois processus régulent l’accès à la ressource foncière : il s’agit entre autres de l’affectation, de la désaffectation et de la réaffectation.
La réglementation de l’accès aux ressources forestières
Les essences forestières malgré les potentialités dont elles regorgent font aujourd’hui l’objet d’une exploitation irrationnelle et anarchique. Cette situation résulte de la conjonction actuelle marquée par la cherté de la vie où les populations sont obligées de se rabattre à cette ressource afin de satisfaire leurs besoins sociaux les plus impérieux.
Alors devant cette dualité de situation, les populations elles – mêmes se sont bien organisées pour exploiter les ressources de manière raisonnable. Un rappel du passé permet d’affirmer que les populations exploitaient la mangrove de manière judicieuse dont l’objectif principal reposait uniquement sur la satisfaction des besoins sociaux (poutres de case, perches, claies, chaux, etc.).
Pour ce qui concerne les essences forestières, les populations cueillaient uniquement les fruits de ditaax, le pain de singe, l’huile de palme pour la consommation locale après leur période de maturité. L’exploitation rationnelle de ces ressources était également due à une population moins nombreuse.
Aujourd’hui, l’exploitation des essences forestières et de la mangrove répond à une logique de réglementation qu’il importe de voir ci après :
D’abord par rapport à la mangrove qui est un véritable facteur de production, il est interdit toute coupe pendant toute l’année. La réglementation qui régit son accès repose sur la délivrance de permis de coupe. Toutefois, il n’est autorisé la coupe du bois mort de mangrove.
Pour exploiter la mangrove, la personne doit déposer une autorisation délivrée par le service des Eaux et Forêts. Celle-ci sera validée par le conseil rural après constatation de la commission environnementale des lieux de coupe. Il est nécessaire de rappeler que le stère de mangrove est égal à un mètre de hauteur sur un mètre de longueur. Il est soumis au paiement préalable de 500 FCFA le stère.
En plus du service des Eaux et Forêts, les comités de plage évoqués ci-haut se chargent de la surveillance de la coupe de la mangrove.
De la même manière pour les palétuviers le conseil rural, le service des Eaux et Forêts, les comités de plage et les populations elles-mêmes procèdent à la fermeture des essences forestières avant la maturité. Ce processus est appelé en sérère niominka « LAAF ». Il est observé une mise en défens des fruits de ditaax de septembre à octobre – novembre, concernant les pains de singe, ils sont fermés en général à partir du mois d’octobre jusqu’au mois de février, le tamarin de juillet à septembre – octobre etc.
Cependant, la réglementation des ditaax est plus respectée dans le village de Falia. Dans cette dernière localité, les pieds de ditaax qui grandissent dans la forêt ou la brousse inculte appartiennent à tout le village et sont soumis à une périodicité d’exploitation. Toutefois, les pieds qui grandissent dans les champs d’autrui relèvent de la propriété exclusive du propriétaire du champ. La raison trouvée à cette règle est qu’il est inconcevable qu’on cueille les fruits de ditaax tout en piétinant les semis.
Dans l’exercice de cueillette, les comités de surveillance ont formellement proscrit l’utilisation des instruments comme les coupe-coupe, le bâton ou tout simplement de secouer les branches. Il est donc permis d’utiliser une corde où on va attacher un sceau ou bien de mettre un pagne au niveau des reins afin d’éviter la cassure des fruits de ditaax.
Ainsi pour la délivrance d’un permis de vente, l’exploitation des fruits de ditaax est assujettie à un paiement de 1 000 FCFA par panier dont les 300 FCFA reviennent à la caisse du service des eaux et forêts et les 700 FCFA aux caisses des villages.
En revanche, au-delà du droit d’usage qui leur est reconnu, les usagers de la ressource forestière ne cessent d’enfreindre les dispositions mises en vigueur en voulant satisfaire leurs urgences de l’heure.
Pour ce qui est de la mangrove, l’infraction proprement dite consiste à la coupe du bois vert de mangrove sans autorisation préalable des autorités compétentes. A l’heure actuelle, seuls les habitants du village de Dionewar continuent à couper de manière frauduleuse le bois de mangrove vivant pour le substituer au bois mort. Au niveau du service forestier sis à Niodior, il a été enregistré un seul procès verbal en 2006 provenant de Dionewar. L’infraction consistait à couper frauduleusement cinq (5) stères de palétuviers. Dans le village de Niodior, il a été noté une exploitation frauduleuse de fruits non mûrs de « ditaax » en 2006.
Les sanctions consistent à infliger aux contrevenants une amende fixée par l’agent des eaux et forêts. Ainsi pour les cinq stères de mangrove coupés frauduleusement, le contrevenant a payé une amende de 60 000 FCFA.
La réglementation de l’accès aux ressources halieutiques
L’étude de la réglementation actuelle de l’accès aux ressources halieutiques n’est possible sans un rappel historique des anciennes pratiques de la pêche dans cette partie du delta.
Autrefois, il existait bel et bien des mesures de fermeture et d’ouverture des bolongs et des vasières. Celles-ci étaient prises par les « lamane » ou « alkaly » en commun accord avec les populations elles mêmes. Ces autorités locales traditionnelles procédaient à la fermeture des vasières et de certains bolongs qui se trouvaient dans les alentours juste des villages. Ce fut le cas pour les vasières de « Soonaan », « Buubo » et « Coco » à Niodior et où l’alkaly Sambou Sira Sarr fermait pendant un an.
A Falia, l’alkaly Famara Ngong de même que ces prédécesseurs interdisaient la capture des espèces halieutiques dans la vasière de « Séwègne » en général la nuit. La technique de capture consistait à fermer la vasière avec des feuilles de mangrove ou de la paille. Alors dès l’arrivée de la marée haute les espèces se trouvaient enfermées dans la zone de clôture, au retrait de la marée, les populations les ramassaient avec la main.
De même pour les deux villages précités, les passes qui reliaient les villages de Dionewar et de Niodior étaient exemptes de toute capture d’espèces halieutiques pendant l’hivernage.
Après ouverture de ces vasières ou de ces bolongs, les productions étaient jugées très abondantes et avoisinaient le remplissage d’au moins quatre (4) pirogues.
En plus, pour la gestion traditionnelle des ressources naturelles à partir des années 1950, même un étranger qui venait pour pêcher dans les eaux d’un village de la CR demandait toujours l’autorisation au chef de village ou à l’alkaly qui était le garant du pouvoir traditionnel.
Doléances formulées par les populations locales pour une bonne réglementation de l’accès aux ressources naturelles
Pour asseoir des mesures adéquates quant à l’accès des ressources naturelles dans la CR de Dionewar, un certain nombre de dispositions sont envisageables à l’endroit des différents acteurs (Etat, partenaires au développement, ONG, Collectivités locales etc.) intervenant dans cette zone de haute biodiversité.
– La principale revendication consiste à exhorter à l’Etat du Sénégal de trouver des solutions idoines par rapport à la rupture de la brèche de Sangomar principal facteur de dégradation de la ressource forestière (mangrove) et de disparition de la ressource halieutique (déplacement des espèces marines) et de l’érosion côtière.
– L’implantation d’un service de pêche est fondamentalement préconisée par les pêcheurs et les collectrices des fruits de mer. Selon eux c’est la seule structure habileté à faire appliquer la loi et les dispositions conventionnelles quant à l’exploitation des fruits de mer et des espèces halieutiques.
– Le service des eaux et forêts et les comités de surveillance sont appelés à travailler ensemble pour établir des mesures urgentes de conservation et de restauration des écosystèmes qui sont aujourd’hui en voie de dégradation exacerbée.
– L’érection d’une partie des eaux continentales de la CR en Aire Marine Protégée (AMP) à l’image du Bamboung (Toubacouta) est également souhaitable et souhaitée.
– Il est aussi impératif de doter aux comités de surveillance des moyens de surveillance (pirogues, carburant, fonds, charrettes, etc.) et des moyens de répression afin de mieux faire appliquer les mesures de fermeture et d’ouverture des vasières et de la forêt. Il en va de même pour le service des Eaux et Forêts.
– Une meilleure implication de la collectivité locale est nécessaire pour une meilleure compréhension de l’importance de cette biodiversité et des menaces dont elle fait l’objet.
Pour cela, il importe de doter à la collectivité locale de moyens lui permettant des mettre en oeuvre les compétences qui lui sont transférées. Le conseil rural ne cesse de déplorer que l’Etat a transféré les compétences sans pour autant envoyer des mesures d’accompagnement conséquentes.
– La sensibilisation accrue quant aux valeurs et fonctions que procure la mangrove et la coupe abusive dont elle fait l’objet.
– Par rapport à cette mangrove, il est préférable de systématiser les fours améliorés pour le fumage des poissons et des fruits de mer.
Conclusion partielle
Il ressort dans l’analyse de cette partie que la collectivité locale à travers les différentes commissions citées ci-dessus, les services de l’Etat, les acteurs au développement et même les populations locales s’activent dans cette dynamique de bonne gestion des ressources naturelles (ressources foncières, forestières et halieutiques) .
Aujour’hui, le constant général est que les ressources halieutiques necessitent plus de réglementation puisqu’elles génèrent plus d’avantages économiques.
Son expoitation abusive a été à l’origine des doléances formulées par les populations qui constatent sa dégradation.