Étude de la pyrolyse des biomasses en four tournant

Étude de la pyrolyse des biomasses en four
tournant

Introduction

Le procédé de four tournant a été retenu pour réaliser la pyrolyse dans la chaîne de conversion étudiée dans cette thèse. Ce chapitre vise d’une part à établir les rendements des produits et d’autre part à déterminer leurs caractéristiques. La température a été choisie comme paramètre principal car elle influence à la fois la quantité et la qualité des produits. Nous étudions donc l’effet de la température sur la distribution des produits de la pyrolyse ainsi que sur leur composition. Les températures retenues sont : 700°C, 800°C et 900°C. Le four tournant a été utilisé dans les conditions suivantes : un angle d’inclinaison de 3° et une vitesse de rotation de 3 tr/min. Ces conditions ont été choisies pour rester dans les gammes couramment observées à l’échelle industrielle (1 à 3° et 1 à 5 tr/min d’après [1]). Le débit d’alimentation de la biomasse était de 6 kg/h. La pyrolyse a été effectuée avec les déchets verts et le bois. Dans ces conditions, les déchets verts et le bois ont des temps de séjour classiques de 41,3 min et 38,5 min respectivement. Ce chapitre présente donc en détail les résultats des essais réalisés sur la pyrolyse du bois et des déchets verts dans le four tournant pilote à 700°C, 800°C et 900°C. 3.2 Résultats et discussion Comme vu au chapitre 2, les deux biomasses se différencient par leur teneur en cendres. D’une part, les déchets verts ont une teneur en cendres (2,69%) 3 fois supérieure à celle du bois (0,88%). D’autre part, les déchets verts contiennent 2 fois plus de calcium, 4 fois plus de fer, 2 fois plus de potassium et 10 fois plus de silicium que le bois. Ces éléments inorganiques pourraient avoir un effet catalytique sur les réactions de la pyrolyse. Plusieurs travaux de la littérature ont montré que les métaux alcalins et alcalino-terreux, notamment le potassium, ont un effet catalytique sur les réactions de craquages primaire et secondaire, en augmentant la production d’hydrogène lors de la pyrolyse [2,3]. En revanche, l’effet inhibiteur du silicium est aussi très souvent souligné dans la littérature [4,5]. Comme illustré sur la Figure 32, on désignera par « biohuiles ou condensables » le mélange eau et goudrons issus de la réaction de pyrolyse. On appellera « matières volatiles » l’ensemble des gaz incondensables ou permanents et des biohuiles.our tous les tests, les bilans massiques établis selon les méthodes décrites au chapitre 2 bouclent entre 85% et 96%. De tels bilans sont très satisfaisants compte tenu de l’échelle pilote du réacteur. La non-fermeture du bilan peut être attribuée : à la condensation prématurée des goudrons dans les conduites en amont du prélèvement, aux hydrocarbures légers non analysés contenus dans le gaz et à la volatilisation des composés légers contenus dans les solutions (isopropanol, goudrons et eau) lors de la pesée des bulleurs à la température ambiante. Dans ce travail, la condensation prématurée des goudrons a eu lieu essentiellement dans la boîte à fumées (cf. Figure 20 du chapitre 2). En effet, celle-ci est tracée électriquement à 200°C seulement à cause du disque de rupture installé à ce niveau. Afin de boucler le bilan massique, nous avons considéré que la quantité manquante est constituée des condensables qui se sont déposés dans la boîte à fumées. Les tests de pyrolyse ont été répétés deux fois pour chaque température. 

Effet de la température sur la distribution des produits

La Figure 33 indique la distribution des produits lors de la pyrolyse entre 700°C et 900°C des deux biomasses étudiées. La température indiquée correspond à la température de parois. Comme attendu, la hausse de la température entraîne l’augmentation du rendement en gaz et une diminution du rendement en goudrons, en eau et en char. Lorsque la température augmente, le rendement en gaz augmente de 44,2 à 60,4% pour les déchets verts, et de 45,3 à 59,4% pour  le bois. Le volume total de gaz est compris entre 0,4 et 0,72 Nm3 /kg daf pour les deux biomasses (Tableau 14) . Il est similaire à celui obtenu, dans la même plage de température, par Dufour et al [6]. La pyrolyse des déchets verts génère une quantité de goudrons légèrement supérieure à celle du bois. Le rendement en goudrons diminue avec l’augmentation de la température entre 700 et 900°C de 15,7 à 9,2% lors de la pyrolyse avec les déchets verts, et de 12,1 à 8,1% avec le bois. Les réactions de craquage et reformage des goudrons pourraient expliquer cette diminution. Ceci entraîne une augmentation du rendement en gaz. Une évolution similaire du rendement en gaz et goudrons entre 600 et 900°C a été observée par Ningbo et al [7]. Au-dessus de 800°C, la température n’a plus d’influence sur le craquage et le reformage des goudrons lors de la pyrolyse du bois dans cette étude. L’eau pyrolytique provient des réactions de pyrolyse (par exemple les réactions de dégradation des goudrons) et de l’humidité de la biomasse. Dans cette étude, le rendement en eau pyrolytique est supérieur à celui des goudrons et diminue avec l’augmentation de la température. Il diminue de 17,6 à 13,5 lors de la pyrolyse des déchets verts et de 22,2 à 15,2% pour le bois entre 700°C et 900°C. Cette diminution peut être attribuée aux réactions de vaporeformage des goudrons et de gazéification du char, qui favorisent la production de gaz. Une tendance similaire a été observée dans la littérature [8]. Le rendement massique en char diminue de 22,4 à 16,9% pour les déchets verts et de 20,4 à 17,1% pour le bois entre 700°C et 900°C. Cette diminution peut être attribuée aux réactions de gazéification à la vapeur d’eau et au CO2. Les rendements massiques en char dans ce travail sont très similaires à ceux de la littérature.

Effet de la température sur la composition des gaz incondensables

La Figure 34 montre la composition des gaz incondensables produits à 700, 800 et 900°C. L’évolution est globalement similaire pour les deux biomasses. Elle est très similaire à celle rapportée pour les mêmes températures dans la littérature [6,7,9,11]. La concentration en H2 dans le gaz augmente avec l’augmentation de la température. Ceci peut être attribué aux réactions : de craquage/vaporeformage des goudrons, de gazéification du char et de déshydrogénation des hydrocarbures (C2 et C3). Les concentrations en H2 dans cette étude sont supérieures à celles obtenues par Li et al [9]. Cette différence peut s’expliquer par le fait que les conditions et les caractéristiques du four tournant ne sont pas exactement identiques. Par exemple, ils ont travaillé avec un four tournant de longueur de 0,45 m, donc les temps de séjour du solide et du gaz plus sont petits. Or il est aussi bien connu qu’un temps de séjour long, permet aux réactions de gazéification et de vaporeformage de se développer et de favoriser la production de H2 [12,13]. Lorsque la température augmente, la concentration en CO2 dans le gaz de pyrolyse diminue, potentiellement à cause de l’équilibre des réactions de Boudouard et de conversion de CO [14]. De même la concentration en CH4 diminue, ce qui pourrait être dû aux réactions de reformage (reformage à sec ou vaporeformage). La réduction de la concentration en C2-C3 est faible entre 700 et 800°C mais très importante à 900°C. On observe seulement une particularité dans l’évolution de la concentration en CO dans le gaz. En effet, entre 700°C et 800°C, la concentration en CO dans les gaz issus de la pyrolyse du bois diminue légèrement. Elle est stable entre 800 et 900°C à 35%. À contrario elle augmente lors de la pyrolyse des déchets verts. Les deux tendances ont été observées dans la littérature [6,7,9,15]. Les tendances de la concentration en CO au cours de la réaction de pyrolyse sont très souvent attribuées à la réaction de décarbonylation des composants macromoléculaires de la biomasse [16]. Ces dernières dépendent de la température, du temps de séjour, de la composition et de la taille des particules de biomasse. Par exemple, Ningbo et al [7] ont étudié l’effet de la température et du temps de séjour sur la composition des gaz incondensables générés lors de la pyrolyse de la sciure de pin dans un réacteur à vis. Ils ont observé que la concentration en CO était stable entre 600 et 900°C. En revanche, elle augmentait avec l’augmentation du temps de séjour du solide. Le Tableau 14 donne le pouvoir calorifique inférieur des gaz de pyrolyse. Il reste presque constant à 16 MJ/Nm3 à 700°C et à 800°C, puis il diminue à 14 MJ/Nm3 à 900°C. Les valeurs du pouvoir calorifique inférieur du gaz de pyrolyse dans ce travail sont similaires à celles de la littérature [8]. Elles sont proches de celles des combustibles gazeux utilisés dans les moteurs à gaz, les turbines à gaz ou les chaudières pour la production d’électricité.

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Effet de la température sur la composition des goudrons

Les goudrons issus de la pyrolyse des deux biomasses ont été analysés à l’aide de la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectroscopie de masse (GC/MS) présentée au chapitre 2. À notre connaissance, la composition des goudrons issus de la pyrolyse de biomasse lignocellulosique en four tournant n’a pas été étudiée dans la littérature. 3.2.3.1 Analyse qualitative L’analyse qualitative permet d’obtenir des surfaces de pics proportionnelles à la quantité mais qu’on ne peut pas quantifier à ce stade. Les chromatogrammes et les tableaux récapitulatifs des aires des pics sont donnés en annexe à la fin de ce chapitre. La Figure 35 donne la surface des pics des principaux composés détectés dans les goudrons issus de la pyrolyse des deux biomasses pour les essais aux trois températures de 700°C, 800°C et 900°C. On peut voir que les goudrons de la pyrolyse des deux biomasses de 700 à 900°C sont majoritairement des composés aromatiques : benzène et naphtalène. Le nombre d’espèces détectées diminue avec l’augmentation de la température. Les goudrons générés par la pyrolyse du bois contiennent moins de composés détectables que ceux issus des déchets verts à 900°C. La quantité des composés comme le toluène, les méthyl-benzènes, le phénol, les méthylphénols, le methylphénylacétylène, le styrène, les méthyl-indènes, les méthyl-naphtalènes et le benzofurane est réduite avec l’augmentation de la température, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus détectables à 900°C. Les surfaces de pic du benzène et du naphtalène augmentent en même temps. Le schéma réactionnel proposé par Dufour [18] montre qu’entre 700 et 900°C la formation du benzène et du naphtalène résulte de la conversion des xylènes, des crésols, des phénols, des méthyl-naphtalènes, du toluène, de l’indène et du cyclopentadiène. D’autres études ont également montré qu’ à partir de 700°C le phénol se décompose d’une part en benzène, en indène et en naphtalène via le cyclopentadiène, et d’autre part en HAP lourds [19,20]. L’augmentation de la quantité de benzène et de naphtalène dans les goudrons des déchets verts et du bois est en accord avec ces mécanismes. Les quantités du fluorène, du phénanthrène et du fluoranthène diminuent à 800°C et restent stables à 900°C dans les goudrons générés lors la pyrolyse du bois. Cette tendance a été observée par Li et al. [21]. À l’inverse, elles augmentent dans les goudrons issus de la pyrolyse des déchets verts. Ces deux différences pourraient s’expliquer par l’effet du temps de séjour du solide et de la composition en inorganiques [21–23]. Les déchets verts ont un temps de séjour Chapitre 3 : Étude de la pyrolyse des biomasses en four tournant 96 légèrement supérieur à celui du bois. On pourrait donc penser que ceci a favorisé les réactions de recombinaison des goudrons. En ce qui concerne l’effet de la composition en inorganiques, Hu et al. [22] ont trouvé que les métaux alcalins et alcalino-terreux ont un effet inhérent plus faible sur la décomposition des goudrons stables comme le phénanthrène, le fluorène et le fluoranthène entre 700 et 900°C. Les déchets verts contiennent davantage de K, Ca, et Fe par rapport au bois. Ceci pourrait expliquer le fait que les surfaces de pics de phénanthrène, de fluorène et de fluoranthène dans les goudrons issus de la pyrolyse des déchets verts augmentent entre 700°C et 900°C.

Analyse quantitative

Nous avons réalisé l’analyse quantitative de 10 composés couramment détectés dans les goudrons de pyrolyse entre 700 et 900°C [18,20]. La méthode d’analyse est présentée dans le  chapitre 2. Avant d’exploiter les résultats de l’analyse quantitative, il convient d’évaluer la représentativité des 10 composés dans la composition globale les biohuiles de pyrolyse. La Figure 36 illustre la pertinence des analyses des biohuiles réalisées dans cette étude, à travers l’exemple de biohuile de la pyrolyse des déchets verts à 800°C. Dans ce cas, la masse des 10 composés quantifiés représente 13,5% de la masse de biohuile échantillonnée et 37,4% de la masse totale des goudrons échantillonnés. La fraction de goudrons non quantifiée est constituée des autres composés présents dans les goudrons mais non quantifiée, des composés de masses moléculaires élevées non quantifiable par GC/MS et aussi les éléments chimiques issus de la biomasse tels que Ca, Si, K et Cl. Nous avons observé que la masse de goudrons quantifiée par GC/MS par rapport à la masse totale de goudrons échantillonnés (par gravimétrie) dépend de la biomasse utilisée et de la température de pyrolyse. Pour les déchets verts, la masse de goudrons quantifiée par GC/MS représente 24%, 37% et 48% de la masse totale des goudrons échantillonnés à 700, 800 et 900°C respectivement. Quant au bois, la masse de goudrons quantifiée par GC/MS représente 27%, 70% et 70% de la masse totale des goudrons échantillonnés à 700, 800 et 900°C respectivement. À partir de 800°C, les 10 composés choisis pour l’analyse GC/MS sont représentatifs à hauteur de 70% pour les goudrons issus du bois alors qu’ils ne le sont qu’entre 37% et 48% dans le cas des déchets verts.

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