Etude de la passivation de l’acier doux C15 en milieu alcalin

Influence de la vitesse de balayage sur les courbes de polarisation

Les courbes de polarisation anodiques dans la solution NaOH 0,1 M ont été tracées après 18 h d’immersion de l’acier C15, et avec deux vitesses de balayage (0,5 et 0,1 mV/s), comme présenté sur la figure III.4.

Conditions nécessaires pour travailler en conditions stationnaires

L’une des conditions primordiales pour les mesures électrochimiques et plus précisément pour les mesures d’impédance électrochimique est la stationnarité du système utilisé. C’est la raison pour laquelle le potentiel libre de corrosion du système acier doux C15 / solution de référence NaOH 0,1 M a été suivi pendant les 100 premières heures d’immersion afin de déterminer le temps nécessaire à la stabilisation du système (figure III.5).
Le potentiel de corrosion augmente considérablement pendant les premières heures d’immersion et atteint un maximum à ~ 80 h. Après 100 h, la valeur de Ecorr n’est toujours pas stationnaire et sa valeur est de l’ordre de -0,55 V/ESS. Ces résultats montrent que la couche d’oxydes formée sur la surface de l’acier continue d’évoluer en composition, en structure et/ou en épaisseur après 100 h d’immersion. Par ailleurs, des diagrammes d’impédance ont été tracés à Ecorr toutes les 8 h pendant les 100 premières heures d’immersion de l’électrode (figure III.6).

Comportement anodique de l’acier doux C15

Courbe de polarisation anodique stationnaire

Deux courbes de polarisation stationnaires de l’acier C15 obtenues après 60 h d’immersion à Ecorr dans la solution NaOH 0,1 M sont présentées sur la figure III.11. Ces deux courbes tracées dans les mêmes conditions se superposent, montrant ainsi la reproductibilité de telles mesures.
Le comportement de type Tafel, mis en évidence pour les courbes tracées à 0,5 mV/s et 0,1 mV/s (figure III.4 et III.10) n’est plus observé en conditions quasi-stationnaires. Par conséquent, la présence d’une portion linéaire sur les courbes anodiques entre Ecorr et le potentiel de début de palier passif s’explique bien par la non stationnarité du système. De plus, la densité de courant passif stationnaire jstat est environ 100 fois plus faible que celle enregistrée à 0,5 mV/s (jstat = 4,5×10-8 A.cm-2). Cette valeur très faible de jstat indique la présence d’une couche d’oxydes très protectrice, comme ce qui est généralement obtenu en milieu alcalin, à condition que le pH n’excède pas une valeur de 14. En effet au-delà de cette valeur de pH, l’oxyde peut être partiellement solubilisé sous forme d’ions dihypo ferrite HFeO2 – (cf. diagramme de Pourbaix). La valeur de courant passif obtenu ici est en accord avec celles mesurées par Rodriguez et al. [14], de l’ordre 10-9 à 10-7 A.

Diagrammes d’impédance

Des diagrammes d’impédance électrochimique ont été tracés au potentiel de corrosion (Ecorr = -0,56 V/ESS) après 60 h d’immersion ainsi qu’à différents potentiels anodiques en conditions stationnaires (mesures réalisées lors de l’obtention de la courbe de polarisation anodique stationnaire présentée sur la figure III.11). Ces différents diagrammes sont tracés dans le plan complexe (diagrammes de Nyquist) et présentés sur la figure III.14 (a).
Finalement et afin d’ajuster les résultats expérimentaux obtenues à différents potentiels anodiques (autres que -0,3 V/ESS), les paramètres ρ0 et ρont été supposés indépendants du potentiel et leurs valeurs fixées respectivement à 8,311013 Ω.cm et Ω.cm. Le circuit de la figure III.15 (a) a été utilisé au voisinage du potentiel de corrosion. Plus on s’éloigne du potentiel de corrosion vers les potentiels anodiques, plus l’influence de la réaction cathodique devient négligeable. L’impédance cathodique à l’interface film d’oxydes / électrolyte n’intervient donc plus dans le circuit électrique. Par conséquent, le circuit équivalent de la figure III.15 (b) a été utilisé pour ajuster les données expérimentales. Les résultats des ajustements sont présentés dans le tableau III.2.

Comportement cathodique de l’acier doux C15

Courbes de polarisation cathodiques

Une courbe de polarisation cathodique stationnaire de l’EDT d’acier C15 en solution NaOH 0,1 M a été tracée avec une vitesse de rotation Ω = 150 tr/min. Cette courbe a été obtenue point par point, en partant de -1,70 V/ESS jusqu’au voisinage de Ecorr. La polarisation à chaque potentiel a été maintenue jusqu’à l’obtention d’un état quasi-stationnaire (correspondant à une faible variation du courant inférieure ou égale à 0,4 A/cm2 en 2 min ; figure III.18). La deuxième courbe a été tracée, quant à elle, après 60 h d’immersion et avec une vitesse de balayage v = 0,5mV/s.
Deux paliers sont observés sur la courbe cathodique dans ce cas. Yeager [26] a montré que le facteur déterminant le mécanisme de réduction de l’oxygène dissous est la vitesse de désorption des peroxydes. Ainsi, un matériau permettant une vitesse de désorption faible conduirait à un processus de réduction à 4 électrons. Il a été montré par Calvo et al. [27] que la réduction de l’oxygène dissous sur une surface de fer passivée en milieu alcalin est une réaction impliquant 4 électrons, avec une forte adsorption de l’oxygène.
Dans notre cas (acier doux passivé en solution alcaline), la réduction de l’oxygène dissous n’est pas une simple réaction sur une surface métallique uniformément accessible. En effet, cette réaction peut avoir lieu soit sur une surface oxydée au voisinage de Ecorr, soit sur une surface nue i.e. non oxydée lorsque le potentiel devient suffisamment cathodique [28,29].
Au courant de réduction de O2 peut donc s’ajouter le courant de réduction des oxydes. Ainsi la connaissance de l’état de surface constitue un point clé afin de mieux interpréter les résultats obtenus. Comme présenté précédemment, la détermination exacte de l’état du fer composant la couche d’oxydes formée à la surface d’un acier reste très difficile malgré le nombre important d’études menées. En effet il est difficile d’obtenir un état de surface stable puisque de multiples changements sont susceptibles de se produire au niveau de la surface : ils peuvent résulter d’interactions entre des produits de la réaction de réduction de O2 (OH- ou H2O2) et le métal ou encore des produits de corrosion (Fe2+) en solutions neutres ou alcalines [12]. L’état de la surface métallique, à savoir la présence d’une couche d’oxydes passive, de composition et d’épaisseur variable est un paramètre qui influence le mécanisme de réduction de l’oxygène dissous [30,31,32,33]. Vago et al. [34] ont montré que la réaction de réduction de l’oxygène dissous suit un mécanisme à deux électrons quand la surface oxydée contient des hydroxydes de fer FeOOH, alors que pour une surface oxydée contenant de la magnétite, le mécanisme à 4 électrons est prédominant. Stratmann et al. [29] ont conclu que l’oxygène est réduit à l’intérieur de l’oxyde, riche en Fe2+ et non pas à la surface du métal. Zecevic et al. [35], quant à eux, ont présumé la formation d’un film non conducteur formé par réaction de Fe2+ avec H2O2. Ce film serait responsable de la baisse de l’activité électrocatalytique du fer pour la réduction de O2 et de H2O2. Les processus de réduction de O2 sur le fer sont donc complexes puisqu’ils semblent dépendre de l’état du film d’oxydes et notamment du rapport Fe2+/Fe3+.
Afin de mieux évaluer la présence de la couche d’oxydes, et de mieux comprendre le processus de réduction de cette dernière simultanément avec la réaction de l’oxygène dissous, la microscopie de réflectivité de la lumière a été utilisée.

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Réflectométrie

Cette technique permet le suivi des modifications in situ et instantanées de l’état d’une surface métallique plongée en solution en fonction du temps, et donc de suivre la formation ou la réduction d’une couche d’oxydes formée sur la surface de l’électrode en fonction du potentiel appliqué et/ou du temps d’immersion. Ainsi l’utilisation d’une telle méthode nous permettra de mieux évaluer l’état de surface au cours des tracés de diagrammes d’impédances par exemple, nous permettant ainsi une meilleurs compréhension du comportement électrochimique du système acier doux / solution.
Au voisinage du potentiel de corrosion l’épaisseur de la couche d’oxydes est de l’ordre de 3 nm, cette valeur est en accord avec les résultats de l’analyse de surface par XPS (§ 1.3.2), en se déplaçant vers les potentiels de plus en plus cathodiques, une diminution de cette épaisseur est à noter. Cette valeur passe alors de 3 à 2 nm dans une gamme de potentiel de 800 mV. A partir de -1,3 V/ESS une brusque diminution de cette épaisseur est observée traduisant ainsi la réduction de cette couche d’oxydes. A partir de E = -1,5 V/ESS la surface est totalement dépourvue d’oxydes.
Ainsi ces résultats prouvent bien la présence d’une couche d’oxydes même à des potentiels assez cathodiques, ce qui induit la réduction de l’oxygène dissous sur une surface oxydée quand le potentiel est supérieur à -1,3 V/ESS, au-delà de ce potentiel la réduction se fait sur une surface nue (dépassivée).
Pour analyser ces résultats, nous avons fait l’hypothèse qu’il n’y pas de couche d’oxydes pour les potentiels les plus cathodiques. Une telle hypothèse est en accord avec les mesures d’impédance que l’on présentera dans ce qui suit et qui montrent que la capacité pour des potentiels ≤ -1,5 V/ESS est une capacité de double couche.

Diagrammes d’impédance électrochimique cathodiques

En conditions non-stationnaire et statique

Les diagrammes d’impédance présentés sur la figure III.23 ont été obtenus après quelque minutes d’immersion en solution NaOH 0,1 M, en partant d’un potentiel cathodique de -1,6 V/ESS jusqu’au voisinage du potentiel de corrosion, et en conditions statiques. Notons que ces diagrammes d’impédance ont été obtenus lors des mesures de réflectivité de la surface, ce qui explique le choix des conditions expérimentales.

En condition stationnaire et sous rotation de l’EDT

Les diagrammes d’impédance électrochimique de l’EDT d’acier doux C15 en solution NaOH 0,1 M ont été tracés à 150 tr/min en partant de -1,70 V/ESS jusqu’au voisinage de Ecorr (obtenus lors du tracé de la courbe de polarisation cathodique stationnaire présentée sur la figure III.18). Ces différents diagrammes sont tracés dans le plan complexe (diagrammes de Nyquist) et en représentation de Bode (figure III.26).

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