Etude de la modulation de voies de mort cellulaire
programmée par des molécules marines
La mort cellulaire programmée
Généralités
La mort cellulaire programmée (ou programmed cell death, PCD) est par définition sous le contrôle d’une cascade d’événements moléculaires. Elle peut être initiée de façon physiologique ou induite par un facteur extrinsèque (comme l’exposition à des produits chimiques). Une ou plusieurs cascade de transduction peuvent éventuellement êtres activées et aboutissent à la mort de la cellule (Zakeri and Lockshin, 2008). Il existe différentes classifications de la PCD, selon 1) l’apparence morphologique (comme la mort apoptotique, nécrotique, autophagique ou liée à la mitose), 2) le critère enzymologique (avec ou sans l’implication des nucléases ou de différentes classes de protéases telles que les caspases, les calpaïnes, les cathepsines et les trans-glutaminases), 3) l’aspect fonctionnel (la mort programmée ou accidentelle, la mort physiologique ou pathologique), ou encore 4) des caractéristiques immuno-modulatrices (anti-inflammatoire/tolérogène, proinflammatoire/immunogène) (Kroemer et al., 2005; Zakeri and Lockshin, 2008). En outre, selon la façon dont les cellules meurent par rapport à l’immunogénicité, les PCD sont classées en quatre groupes : 1) mourir discrètement (l’apoptose et l’anoïkis), 2) mourir brutalement (la nécrose régulée et la nécroptose), 3) mourir finalement (l’autophagie, la catastrophe mitotique et l’entose) et 4) mourir singulièrement (la nétose, la cornification et la pyroptose) (Cabon et al., 2013). Avec les recommandations formulées en 2005 et 2009, le Comité de la Nomenclature sur la Mort Cellulaire (ou The Nomenclature Committee on Cell Death, NCCD) a suggéré un ensemble unique de critères pour décrire et classifier les différents types de mort cellulaire du point de vue morphologique, biochimique et fonctionnel (Kroemer et al., 2005, 2009). Selon ces recommandations, les phénotypes de mort sont présentés de façon systématique et conventionnelle, incluant l’apoptose, l’autophagie, la nécroptose, la cornification, la catastrophe mitotique, l’anoikis, l’excitotoxicité, la dégénérescence wallérienne, la paraptose, la pyroptose, la pyronécrose et l’entose (Kroemer et al., 2009). Après 2009, la recherche continue de progresser et de nouveaux mécanismes orchestrant de multiples voies de mort cellulaire sont dévoilés. Une classification actualisée des sous-programmes de mort cellulaire centrés sur les aspects mécaniques essentiels du processus est alors proposée, comprenant l’apoptose, la nécroptose, la ferroptose, l’autophagie, la catastrophe mitotique et d’autres voies de mort cellulaire (Cabon et al., 2013; Galluzzi et al., 2018). Ces principaux sous-programmes de PCD sont présentés dans la Figure 1 et le Tableau 1. Ces définitions et descriptions plus précises et mesurables permettent ainsi d’éviter les dénominations imprécises ou parfois déroutantes. La cellule morte (‘dead cell’) est différente de la cellule mourante (‘dying cell’), toujours vivante, qui est engagée dans un processus irréversible aboutissant à la mort. Une cellule morte possède les caractéristiques morphologiques suivantes : la perte d’intégrité de la membrane plasmique, la fragmentation cellulaire et l’exposition de signaux de phagocytose (Galluzzi et al., 2018). L’apoptose n’est plus la seule forme de PCD connue. La nécrose n’est plus considérée que comme une mort accidentelle, elle peut être régulée dans certaines conditions (Degterev et al., 2005). Par ailleurs, on distingue désormais ‘l’autophagie’ et ‘la mort cellulaire par la voie autophagique’ (Tasdemir et al., 2008). La catastrophe mitotique, un mécanisme de progression cellulaire, peut induire la PCD, qui est alors nommée ‘la mort précédée d’une catastrophe mitotique’, ‘la mort cellulaire précédée par une multi-nucléation’ ou encore ‘la mort cellulaire apparaissant pendant la métaphase’(Vakifahmetoglu et al., 2008). Le terme de cornification est utilisé en remplaçant le terme de kératinisation, pour décrire la mort des kératinocytes épidermiques, qui forme ensuite l’enveloppe cornée de la peau (Candi et al., 2005). La sénescence, par laquelle les cellules sont bloquées dans le cycle cellulaire, n’est plus considérée comme une mort cellulaire, même si les cellules meurent au final (Galluzzi et al., 2018). Le Comité de la Nomenclature sur la Mort Cellulaire a conseillé une nomenclature, largement acceptée afin de faciliter la communication entre les scientifiques et de soutenir le développement continu de ce champ de recherche.
L’apoptose
En 1972, le terme ‘apoptose’ (issu du grec ‘apo’, au loin, et ‘ptosis’, chute ; en anglais apoptosis) a été utilisé pour la première fois par Kerr, Wyllie et Curie pour nommer un suicide programmé des cellules, en comparaison à la chute de feuilles qui est programmée chaque automne (Kerr et al., 1972). L’apoptose est caractérisée morphologiquement par une condensation de la chromatine et du cytoplasme, suivie par une fragmentation de l’ADN et des bourgeonnements de la membrane plasmique, aboutissant à des corps apoptotiques qui seront éliminés jusqu’à la disparition complète de la cellule (Galluzzi et al., 2018; Kroemer et al., 2009). Le processus apoptotique d’une cellule est déclenché par l’activation de caspases et peut être inhibé par des composés tels que le Z-VAD-FMK, un inhibiteur irréversible qui se fixe au site catalytique des caspases reconnaissant la séquence peptidique « VAD » (Nicholson, 1999). Des études génétiques d’organismes tels que les souris ont démontré que chez les Mammifères, l’apoptose se déroule selon des étapes bien définies et spécifiques (Joza et al., 2002). Ces caractéristiques morphologiques et biochimiques de l’apoptose sont similaires et conservées au cours de l’évolution au sein des Métazoaires. Comme mentionné précédemment, des analyses biochimiques spécifiques comme la fragmentation de l’ADN ou l’activation de caspases peuvent être utilisées pour caractériser une mort apoptotique (Brady, 2004). En général, le processus apoptotique peut être activé par les voies extrinsèque ou intrinsèque. La voie extrinsèque est déclenchée par un signal extracellulaire dû à la fixation d’un ligand extracellulaire à son récepteur transmembranaire. Ces ligands sont, par exemple, FAS-L (FAS ligand), TNF-α (Tumor Necrosis Factor – α) et TRAIL (TNF – related apoptosis inducing ligand). Cette voie extrinsèque nécessite une cascade de signalisation dans laquelle l’activation de caspases joue un rôle central (Nicholson, 1999). La voie intrinsèque (ou voie mitochondriale) de l’apoptose implique quant à elle le contrôle des protéines anti-apoptotiques de la famille Bcl-2 (ex : Bcl-2, Bcl-xL ou Mcl-1) (Singh et al., 2019). Cette voie est activée par un stress intracellulaire tel que la diminution des facteurs de croissance, les lésions de l’ADN et l’hypoxie (Brenner and Mak, 2009). Le mécanisme de cette mort cellulaire est résumé dans la Figure 2. En conditions physiologiques, l’apoptose est un mécanisme essentiel dans le maintien de l’homéostasie tissulaire, dans le développement et la différenciation d’une cellule et plus généralement dans la régulation du fonctionnement d’un organisme vivant. Par ailleurs, elle peut être déclenchée volontairement, dans certains traitements médicaux (radiothérapie, Introduction 12 chimiothérapie), afin de provoquer des réponses immunitaires ou de lutter contre les cancers. Enfin, les pathologies telles que le cancer, les maladies auto-immunes, les maladies neurodégénératives ou les lésions associées à l’ischémie peuvent impliquer un dysfonctionnement de l’apoptose (Elmore, 2007).
L’autophagie
Apparu en 1963, le terme ‘autophagie’ est utilisé pour décrire une dégradation des cellules soumises à un stress ou à un manque de nutriments. Cette voie permet la mise à disposition d’énergie ou de matériel nécessaire à la néo-synthèse en cas de carence mais également d’éliminer des composants intracellulaires altérés ou des agents pathogènes (Kroemer & Levine, 2008; Levine & Klionsky, 2004; Mizushima, 2007). L’autophagie régule l’homéostasie cellulaire et assure le maintien du fonctionnement des organites (Choi et al., 2013; Chun and Kim, 2018). L’autophagie est contrôlée par la protéine mTOR (mammalian Target Of Rapamycin), une sérine/thréonine kinase. L’inactivation de mTOR induit une cascade de signalisation, qui commence par la formation du complexe ULK1 (ULK1-FIP200-Atg13-Atg101), la conjugaison de LC3/Atg8 à la phosphatidyléthanolamine, et se termine par la formation des autophago-lysosomes également nommés auto-lysosomes (Hurley and Young, 2017; Xie and Klionsky, 2007) (Figure 3). Au niveau morphologique, l’autophagie est caractérisée par la vacuolisation massive du cytoplasme, l’accumulation de vacuoles autophagiques et une absence de condensation de la chromatine (Galluzzi et al., 2018; Kroemer et al., 2009)
Remerciements |