Etude de la fonction systolique du ventricule droit
chez les malades porteuses de CMPP
Physiopathologie
L’état de gravido-puerpéralité normale s’accompagne d’une expansion du volume sanguin, d’une augmentation de la demande métabolique, d’une anémie relative, d’une contractilité myocardique et d’une fréquence cardiaque accrues ainsi que d’une diminution des résistances vasculaires [51]. Il s’ensuit une augmentation de la pré-charge avec dilatation ventriculaire et une diminution de la post-charge. Ces modifications entraînent une augmentation du travail cardiaque qui peut engendrer une décompensation d’anomalies cardiaques pré-existantes [51]. La cardiomyopathie du péripartum apparaît après la 36ème semaine de la grossesse. Elle survient plus fréquemment durant les 3 mois du post-partum quand les signes cliniques de la gestation ont complètement disparu [3, 14]. Il a été démontré que la performance myocardique diminue dans le premier mois du post-partum et revient à la normale vers le 2ème mois chez les femmes normales [34]. Cette vulnérabilité myocardique du péripartum est due à 3 facteurs qui se conjuguent [51] : 1) diminution du retour veineux (diminution de la pré-charge), 2) suppression de la vasodilatation périphérique de la grossesse avec vasoconstriction relative (augmentation de la post-charge), 3) diminution du taux d’oestradiol dont il a été démontré le rôle inotrope positif. Ainsi, toute femme subirait cette insuffisance myocardique latente du postpartum. 11 Chez certaines d’entre elles, il y a émergence de signes réalisant la cardiomyopathie du péripartum. Cette émergence est probablement due à l’action conjuguée de plusieurs facteurs. De nombreuses hypothèses physiopathologiques non mutuellement exclusives ont été proposées, sans qu’aucune n’ait à ce jour fait clairement sa preuve : myocardite virale, myocardite auto-immune, origine hormonale, réponse adaptative inadaptée aux variations hémodynamiques, activation de cytokines par le stress induit, carence vitaminique et/ou en sélénium . Enfin, une prédisposition génétique peut être suspectée devant la description de formes familiales de CMPP. La théorie inflammatoire a été proposée devant la constatation sur les biopsies myocardiques de lésions caractéristiques de myocardite aiguë dans 60 à 75 % des cas : infiltration lymphocytaire, oedème cellulaire, nécroses focales. Par ailleurs, il existe des perturbations de la réponse inflammatoire au cours de la grossesse, avec une élévation des taux de cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL1, IL6) pouvant contribuer à la constitution de lésions myocardiques exagérées en réponse à un stress, notamment infectieux [34]. L’hypothèse d’un facteur infectieux initiateur ou aggravant cette réaction inflammatoire inappropriée a été avancée, certains auteurs, retrouvant par exemple une corrélation entre les taux d’anticorps anti-Chlamydia (pneumoniae, trachomatis, ou psittaci) ou anti-coxackies et la survenue d’une CMPPP [34, 36]. Une origine auto-immune a également été suggérée, liée à la production d’anticorps orientés contre les fragments de tropocollagène, de myosine et d’actine utérins, notamment libérés au cours de l’accouchement, et présentant une affinité croisée pour les cellules contractiles myocardiques [36]. Plus récemment, une théorie hormonale a été proposée avec des éléments de preuves expérimentales solides [54], il s’agit de l’activation secondaire à l’élévation du stress oxydatif d’une protéase (la cathepsine D) qui clive la 12 prolactine en une forme de petit poids moléculaire la 16 KDa-prolactine. Cette protéine est responsable chez l’animal de dysfonction endothéliale, d’anomalies vasculaires et de dysfonction des cardiomyocytes. Le fort taux d’œstrogènes circulants pendant la grossesse (majoritairement synthétisés par le placenta) jouerait un rôle cardioprotecteur. La brusque chute des taux d’œstrogènes en post-partum (dès l’expulsion placentaire) serait à l’origine d’un soudain déséquilibre entre les facteurs protecteurs œstrogènes dépendants et les effets cardiotoxiques de la cascade stress – oxydatif – cathepsine D – 16KDa prolactine. Ainsi, un ou plusieurs de ces facteurs précipitant surajoutant à l’état d’insuffisance cardiaque compensée ou latente que constitue par nature la grossesse déclencheraient la cascade physiopathologiques responsable de la CMPP (fig. 1) Figure 1 : ensemble des mécanismes physiopathologiques supposés ou démontrés contribuant à la survenue d’une cardiomyopathie du péripartum
Signes
Cliniques
La cardiomyopathie du peripartum n’offre aucune particularité clinique qui permet de la différencier des autres cardiomyopathies dilatées en dehors de la grossesse. Le tableau clinique est : – soit progressif par l’installation d’une insuffisance cardiaque gauche puis globale ou globale d’emblée – soit aigu se révélant par une complication : OAP ou un accident thromboembolique.
Signes fonctionnels
-Dyspnée Constante et précoce, elle constitue le mode de révélation le plus fréquent de la maladie. Il s’agit d’une dyspnée d’effort s’aggravant rapidement en dyspnée de décubitus. Elle est surtout due à une insuffisance ventriculaire gauche. La dyspnée est volontiers importante : elle est le plus souvent de stade III ou IV. -Toux Il s’agit généralement d’une toux ramenant des crachats blanc-mousseux dus à un oedème pulmonaire. Plus rarement, elle peut être le témoin d’une pneumopathie infectieuse ou d’une embolie pulmonaire. – Hémoptysie Il peut s’agir de crachats mousseux, rosés, saumonés dus à un œdème pulmonaire ou de crachats noirâtres faisant évoquer une embolie pulmonaire. 14 – Douleur thoracique Des douleurs thoraciques, présentent dans près de 50 % des cas, soit à type de précordialgies atypiques, soit rétrosternales constrictives de type angineuse, voire infarctoïde . – Palpitations Il s’agit de palpitations à début et fin brusques, survenant spontanément, à l’effort ou les deux.
Signes généraux L’état général est rarement altéré mis à part une asthénie importante. La tension artérielle peut être abaissé, pincée ou élevée.
Signes physiques
– La tachycardie : elle est fréquente : constante dans la série de KHECHEN [26], elle est notée dans 85% des cas par LAMPERT [27]. – Un bruit de galop : il est le plus souvent gauche et protodiastolique. Il est précoce, durable, persistant longtemps après la disparition des signes de décompensation cardiaque périphérique. – Les souffles systoliques : il s’agit de souffles d’insuffisance mitrale et/ou tricuspidienne dus à la dilatation des anneaux valvulaires et à la dysfonction systolique ventriculaire. – Assourdissement des bruits du cœur – L’examen pulmonaire peut révéler des râles crépitants aux deux bases avec parfois des signes en rapport avec un épanchement pleural ou un syndrome de condensation pulmonaire en rapport avec un infarctus pulmonaire 15 – Une insuffisance cardiaque droite associée est souvent présente, avec la classique triade : syndrome oedémateux – hépatomégalie – reflux hépatojugulaire.
Paraclinique
Biologie Non spécifique, peut contributive au diagnostic positif, mais permettra d’évaluer la sévérité de l’atteinte cardiaque et hémodynamique, et permettra de suivre l’évolution : troponines Ic ou T en rapport avec la nécrose myocytaire, BNP ou NT-pro-BNP en rapport avec la sévérité de la dysfonction ventriculaire gauche, CRP reflétant l’évolutivité du processus inflammatoire, transaminases, créatininémie et lactates, permettant d’évaluer le retentissement viscéral de l’insuffisance cardiaque. On note également la fréquence de l’anémie qui fait partie de la pathogénie de cette affection.
Radiographie thorax A la radiographie du thorax de face, on note fréquemment une cardiomégalie surtout développée aux dépends du ventricule gauche. On note également souvent une surcharge veineuse et artérielle pulmonaire et plus rarement un épanchement pleural liquidien généralement de faible abondance aux 2 bases pulmonaires.
Introduction |