Problématique et justification de l’étude
L’économie locale repose essentiellement sur la pêche et la filière artisanale de la transformation des produits halieutiques. Plus de 4 000 travailleurs saisonniers s’activent dans la filière en plus des 1150 artisans propriétaires de moyens de production (Anonyme 2, 2006).
Les techniques de transformation artisanale offrent une large gamme de produits. L’essentiel de la production est constitué des cinq produits majeurs qu’on peut classer en trois groupes :
les produits braisés séchés (Keccax)
les produits fermentés séchés (Gejj, Tambajen et Yéet)
le poisson salé séché (Sali).
Les produits transformés à Joal ont une zone de chalandise très vaste. En plus du marché intérieur, on note l’exportation vers les pays de la sous région, de l’Afrique Centrale mais aussi vers des marchés internationaux qui intéressent particulièrement la diaspora sénégalaise et africaine vivant en Europe et aux Etats-Unis.
Malgré sa vitalité et l’importance de son impact socioéconomique, la filière a longtemps traîné le pas derrière la pêche proprement dite surtout pour les investissements. Aujourd’hui, le secteur de la pêche traverse une crise aigue avec la diminution drastique de la plupart des stocks et le plafonnement des captures depuis plus d’une décennie.
La recherche bibliographique
Le travail de documentation s’est déroulé au niveau des centres de documentation de la DPM, de la bibliothèque universitaire de l’UCAD , du CRODT, de la CEP, mais aussi au niveau de toutes les structures où il a été possible de trouver des informations (services déconcentrés des pêches de Mbour et Joal). Cette recherche bibliographique a permis de mieux approfondir la problématique de l’étude et de préciser les objectifs.
Le travail de terrain
Les visites exploratoires
Une mission a été effectuée dans ce cadre sur le terrain avant de commencer l’étude pratique. Cette mission a permis de prendre contact avec les acteurs pour s’entretenir avec eux sur les motivations de l’étude et tester les questionnaires d’enquête sur place. Ce questionnaire a été ensuite corrigé en tenant compte des disponibilités de réponse des acteurs.
La collecte des données
Deux types de données ont été concernés :
des données issues de la documentation et portant sur les caractéristiques de la zone, les activités et techniques de pêche, les espèces débarquées ,les techniques de transformation mais aussi et surtout les données statistiques,économiques et commerciales ;
des données issues des enquêtes et interviews concernant les opérateurs de la filière (transformateurs, commerçants ….) et les intervenants internes et externes.
L’échantillonnage et les enquêtes formelles
Pour mener à bien les enquêtes socioéconomiques, il est important de déterminer préalablement un nombre d’échantillons représentatifs pour chaque catégorie d’acteurs afin que les résultats puissent décrire les tendances avec le plus de fiabilité. Pour avoir la base de sondage, nous avons considéré les données disponibles au niveau du
Poste de Contrôle des Pêches de Joal car un recensement exhaustif de la population ne nous semblait pas matériellement possible. Nous avons donc fait ce choix pour plusieurs raisons :
la période de l’étude coïncide avec la basse saison caractérisée par une baisse des activités et le départ de beaucoup d’acteurs saisonniers qui sont retournés vers les champs ;
les fortes pluies enregistrées ont entraîné l’impraticabilité de la plupart des sites ralentissant ainsi les activités de transformation.
Par ailleurs les données du service des pêches sont plus actuelles et tiennent compte de l’évolution de la population dans un temps assez court.
Pour les transformateurs, une fois notre population (hommes et femmes) connue : N=1150, nous avons appliqué un taux d’échantillonnage proportionnel de 20%.Ceci nous a permis de retenir un échantillon n=230.
En ce qui concerne les commerçants, il a été procédé à un listing de tous les opérateurs qui ont acheté au moins une fois du produit ces trois derniers mois à Joal et ceci grâce au registre de mareyage des produits transformés du service des pêches. Cette liste a servi de base de sondage et le même taux d’échantillonnage a été appliqué sur une population de 210 commerçants.
Les entretiens ou enquêtes informelles
Les enquêtes informelles (entretiens sans questionnaires) s’adressent aux personnes ressources au niveau de Joal et Mbour (Service des Pêches, Mutuelles d épargne et de crédit, crédit agricole…).
Le matériel et les moyens de production
La transformation des produits halieutiques fait appel à une panoplie d’outils ou d’instruments très souvent fabriqués à partir de matériaux locaux. On distingue le matériel principal constitué de fours (pour la cuisson), de bacs (saumurage et fermentation) et les claies de séchage. Le petit matériel est constitué de vieux fûts souvent rouillés, de couteaux utilisés par les femmes pour le parage, de bâches etc.
Les fours ou fumoirs
Les fours sont utilisés pour le braisage moderne. Ils sont construits en dur avec des briques en ciment ou alors des briques rouges. Ces fours dits parpaing sont de dimensions variables. Les plus grands peuvent aller jusqu’à vingt cinq mètres de long pour un mètre de large. Ils occupent donc beaucoup d’espace mais peuvent contenir 4 tonnes de produits.
Les fours ont aussi l’avantage d’utiliser des combustibles de nature variée.
Les claies de séchage
Elles sont de qualité différente .Certaines sont faites avec un bois adapté et respectent une hauteur normale pour permettre un bon séchage. D’autres par contre sont fabriquées avec des matériaux locaux d’accès facile et moins coûteux (tiges de mil, branchages…).elles sont généralement basses. L’air ne circule pas bien sous les claies et l’humidité permanente favorise le développement des microorganismes.
Notons aussi qu’il est difficile de nettoyer correctement les dessous de claies basses.
Les bacs de fermentation
Ce sont des bacs construits en ciment .Ils sont de forme arrondie, lourds et peu manipulables.
Ils sont très souvent sales et leur maintenance pose problème. Apres donc un certains temps d’utilisation, une croûte commence à se déposer au fond et constitue un milieu de culture pour les bactéries.
Les étapes de fabrication et les différents produits obtenus
La technologie repose sur des modifications des propriétés physico-chimiques de la matière première à travers des processus de transfert (de matières ou de calories) ou de recours à la fermentation.
On distingue 3 principaux processus de transformation :
la fermentation qui permet d’avoir des produits tels que le gejj, le tambajen et le yéet ;
le salage permet d’obtenir du poisson salé séché (Sali) ;
le braisage qui produit du poisson braisé ou keccax.
Tous ces procédés ont donc en commun le séchage pour assurer ou augmenter le transfert d’eau du produit vers le milieu extérieur. Les trois diagrammes de fabrication ci-après ressortent les étapes essentielles de la transformation des trois types de produits cités.
Les aspects socioéconomiques
Les acteurs et les unités de production
Les acteurs sont présentés et décrits à partir des caractéristiques des questionnaires.
Les transformateurs des produits halieutiques
Ils constituent les principaux acteurs de la filière et sont constitués en grande majorité de femmes. Toutefois, le métier de transformation artisanale n’étant pas encore pris en compte par le législateur, nous avons considéré comme transformateur toute personne propriétaire de moyens de production et s’adonnant à l’activité de transformation . Ainsi, le recensement du Service des pêches a été pris comme base de sondage. Ce recensement porte sur 1150 transformateurs propriétaires de claies et/ou de fours.
Ensuite pour une bonne représentation des transformateurs, nous avons choisi un profil qui porte sur un certain nombre de caractéristiques :
La structure par sexe
Parmi les 1150 artisans enregistrés, on compte 863 femmes et 287 hommes (soit seulement 25%) mais avec ce taux de masculinisation, Joal bat le record de la présence des hommes dans la filière.
Groupe I: à faible production
Il constitue 20% des transformateurs ayant des productions faibles et irrégulières. Ce groupe est surtout constitué d’anciens employés et de nouveaux venus dans la filière qui ne disposent pas encore de moyens importants de production.
Groupe II: à production moyenne
C’est le plus fortement représenté avec 58% de la population. Il est constitué d’hommes et de femmes ayant une certaine assise financière et disposant d’une certaine expérience dans le métier.
Groupe III : à production élevée
Le groupe III avec 22% de l’effectif assure plus de 60% de la production. Pour le segment des produits fermentés, il s’agit surtout de femmes âgées, épouses ou parentes de pêcheurs ayant donc une plus grande facilité d’approvisionnement. Souvent elles sont propriétaires de pirogues.
Dans le segment du keccax, il s’agit généralement d’artisans ayant des relations étroites avec les commerçants burkinabés auprès de qui ils reçoivent des financements importants.
L’essentiel de la main d’œuvre est employée par ce groupe de grands producteurs.
l’alphabétisation et la formation
Au niveau des transformateurs 25% des femmes savent lire et écrire (en français et langues nationales) alors que le taux d’alphabétisation est de 32% chez les hommes (français et arabes).
Pour l’accès à une formation relative à l’activité professionnelle, 20% des femmes disent avoir subi une formation contre 0% chez les hommes.