Étude de la différenciation sexuelle chez Heterotis niloticus

Synthèse bibliographique

Selon Mellinger (2002), la sexualité est un phénomène qui se manifeste à des niveaux d’organisation bien différents : au niveau cellulaire (cellules germinales), au niveau des organes qui produisent ces cellules et au niveau de l’individu entier, qu’il soit mâle ou femelle. Cela permet de bien faire la distinction entre le sexe chromosomique, le sexe gonadique et le sexe phénotypique qui s’identifient dans l’ordre aux trois niveaux cités ci-dessus. Chez les poissons comme chez les autres vertébrés, il y a une succession d’évènements intervenant entre le niveau chromosomique et l’apparition définitive d’éléments mâles ou femelles (sexe phénotypique) dans la gonade en différenciation (Legendre et Jalabert, 1988). Ces évènements sont distingués en gonadogenèse, gamétogenèse et différenciation sexuelle.

Différenciation sexuelle

Les individus au stade embryonnaire possèdent deux ébauches gonadiques : la médulla (mâle) et le cortex (femelle). Les cellules germinales primordiales migrent à partir du mésoderme extra embryonnaire en passant par l’allantoïde pour coloniser ces ébauches. Parvenues au niveau de ces ébauches les CGP se trouvent revêtues de cellules somatiques, cellules préfolliculeuses, etc., qui donneront, soit des cellules de Sertoli (spermatogenèse), soit des cellules folliculeuses (ovogenèse), (Mellinger, 2002), c’est la différenciation sexuelle. Selon Timmermans (1987), on peut parfaitement identifier le sexe gonadique à travers la forme de la coupe histologique transversale des individus observés.
La différenciation sexuelle varie en fonction de la taille du poisson, c’est le cas chez le Bar d’Atlantique où elle se produit à partir de 90-110 mm LS (Roblin & Bruslé, 1983). Il en est de même chez le Tilapia (Shelton et al., 1981, in Dutta, 1979) ou chez l’Anguille (Kuhlmann, 1975). Elle peut aussi varier en fonction de l’âge du poisson. C’est le cas de la truite (Ashby, 1957), et de la Carpe, (Davies et Takashima, 1980).
Divers auteurs ont déterminé la différenciation sexuelle en fonction de la taille de l’espèce ou le nombre de jours post éclosion.
Chez la carpe commune les futurs testicules pendent dans la cavité abdominale et leur suspenseur péritonéal appelé mésorchium est plus large que celui des futurs ovaires (mésovarium). Ces derniers ne pendent pas librement dans l’abdomen car ils sont soudés latéralement à la paroi abdominale, ce qui délimite la future cavitéovarienne au dessus d’eux. La différenciation sexuelle chez la carpe commune a lieu entre J50 et J110.
Chez la truite arc-en-ciel, Oncorhynchus mykiss, on différencie les testicules des ovaires lorsque le poisson commence à ingérer l’aliment exogène après que le vitellus soit résorbé, environ 45 à 55 jours post -fécondation, à 11° C (Mellinger, 2002). Cette distinction est aisée par simple observation de la forme des gonades, de leur couleur, leur poids et leur structure histologique.

Les cellules germinales primordiales (CGP)

Les CGP sont des cellules embryonnaires très particulières, capables de fournir selon des scénarios bien différents des spermatozoïdes ou des ovules. Quelque soit le scénario, elles présentent la même structure. Les CGP sont de grande taille, arrondie et le noyau présente un nucléole peu apparent au sein d’une chromatinedispersée.

Gamète mâle et la spermatogenèse

Le gamète mâle, le spermatozoïde est généralement doté d’un flagelle qui lui permet de se déplacer. Sa structure varie beaucoup d’une espèce à l’autre (Thiaw, 1993 ; Mattei, 1986). Exemple chez les téléostéens on rencontre des spermatozoïdes biflagellés ou sans flagelle comme chez Gymnarchus niloticus (Mattei, 1988). La différenciation des spermatozoïdes s’effectue entièrement à l’intérieur des cystes, cela en trois étapes qui sont : la spermatocytogenèse, la méiose et la spermiogenèse.
La spermatogenèse (production des spermatozoïdes) peut avoir selon les espèces un caractère continu (cas de la carpe commune) ou saisonnier (cas de la truite) (Billard et al. 1982).

Gamète femelle et l’ovogenèse

Il est unanimement connu que le gamète femelle est une cellule dépourvue d’organites locomoteurs, donc immobile contrairement au spermatozoïde.
L’ovogenèse est la formation des gamètes femelles ou ovule. Il débute véritablement avec l’ovocytogenèse (mitose) puis la méiose (généralement certaines ovogonies entrent en prophase de première division méiotique, phase qui dure jusqu’à la fin de la vitellogénèse). Les ovocytes ainsi formés sont progressivement entourés par des cellules somatiques qui se différencient en plusieurs couches formant le revêtement externe. L’ovule, une fois formé, est expulsé par l’ovaire qui est un organe généralement pair, suspendu dorsalement dans la cavité péritonéale par le mésovarium qui est une extension du péritoine. L’ovaire, chez les téléostéens contient un stock d’ovogonies indifférenciées qui est renouvelé par divisions mitotiques tout au long de la vie.

Quelques informations sur Heterotis niloticus

Distribution géographique

L’ Heterotis niloticus colonise les bassins de la région sahélo- soudanaise (Paugy et Al, 2003) c’est-à-dire du Fleuve Sénégal au Nil en passant par la Volta, Niger et le Tchad. Vers les années 1960 la distribution naturelle d’Heterotis niloticus s’est élargie grâce à des introductions effectuées dans divers stations piscicoles de Côted’Ivoire, Gabon, République Centrafricaine, Congo Brazzaville, Cameroun, Congo démocratique, Madagascar etc. ainsi quelques individus ont pu s’échapper de ces stations colonisant jusqu’à nos jours des fleuves comme l’Ogooué, le Congo et l’Oubangui. A Madagascar elle a été introduite au lac Ivakoina (zone des Pangalanes) (Moreau et Moreau, 1982) et au Cameroun dans le Nyong.

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Reproduction en milieu naturel et en captivité

Heterotis niloticus se reproduit en milieu naturel lors des remontées des eaux. En captivité il se reproduit naturellement sans complément d’hormone. Sa reproduction est induite par une simple simulation des conditions de reproduction en milieu naturel c’est-à-dire lorsque la température augmente on simule la montée des eaux dans l’étang et l’on fait des jets d’eau sur l’étang (simulation de la pluie) qui présente déjà une partie herbacée afin que les géniteurs puissent construire les nids.
Ainsi selon Daffé (2006, données non publiées) dans les points d’eau les individus de 40 cm LS et 600 g sont sexuellement matures. Il n’ y a pas de dimorphisme sexuel nettement apparent sauf pendant la période de reproduction. Le mâle est alors de coloration beaucoup plus foncée que la femelle. Durant cette période le sexe est aisément identifiable car lors des rotations effectuées à l’intérieur du nid (afin de débarrasser le centre du nid des débris de végétaux morts), le mâle a tendance à blesser la femelle au niveau de la nageoire anale, des zones operculaires ainsi qu’à la partie génitale (Daffé, 2006 : données non publiées). Ce qui permet d’identifier la femelle du mâle outre le changement de couleur observé (plus foncée pendant la période de reproduction). Ce phénomène d’agressivité lors de la reproduction est observé aussi chez les sélaciens particulièrement les requins dont les mâles adoptent presque le même comportement (cas du requin blanc).

Protocole expérimental

Récolte des spécimens

Les spécimens ont été péchés au niveau de la rive droite du lac de Guiers à quelques kilomètres du village de Buntbaat. Ce lac est une étendue d’eau longue de 50 km et large de 7 km avec une profondeur moyenne de deux (02) mètres. Il est situé sur la rive droite du fleuve Sénégal (15°55-16° 25N et 15°45-16°00W) d’orientation NE-SW. Ce lac est relié dans sa partie nord au fleuve Sénégal par le canal de la Taouey. Avec une superficie de 240 km² il est devenu le principal réservoir d’eau du Sénégal. Les principaux apports en eau du lac sont l’approvisionnement fluvial (81%), les rejets d’eaux de drainage des cultures irriguées (8%) et les précipitations (apports directs et ruissellements 11%) (Ka, 2006 ; Cogels & Gac, 1986).
Les juvéniles sevrés de poids moyen 5 ± 1,13 g, âgés d’un mois et appartenant à la même fratrie ont été pêchés à 100 m du rivage à l’aide d’un épervier de maille 8 pouces. Leur pêche a été donc facilité par le fait qu’ils se déplacent en banc pour remonter à la surface de l’eau ou en pleine eau pour se nourrir. Ils sont ensuite mis dans des sachets en plastique prévus pour leur transport et stockés dans des bassins en béton à la station de Richard-Toll. Trois fratries ont été pêchées pour les besoins de cette étude.

Suivi des paramètres environnementaux

La température de l’eau est un paramètre important pour la croissance et la reproduction des poissons. Son évolution a été suivie par des relevés quotidiens dans chaque bassin d’élevage, le matin à 8h et le soir à 18h à l’aide d’un thermomètre à mercure (± 0.1°C). Les données recueillies ont été reportées sur des fiches hebdomadaires de relevés de paramètres
L’oxygène dissous était mesuré quotidiennement au même moment que la température à l’aide d’un oxymètre de terrain de marque WTM OXI 191.
Le pH était mesuré à l’aide d’un pH-mètre portatif (WTM pH) et la turbidité (transparence du disque de Secchi) par un disque de Secchi.

Contrôle de la croissance et de la différenciation sexuelle

La croissance est contrôlée tous les 10 jours. Dans chaque fratrie, 30 individus sont prélevés et anesthésiés au 2-phénoxy- éthanol dans de l’eau salée à 2 g/l (réductionde la sensibilité au stress) puis mesurés individuellement (LT en cm) à l’aide d’un Ichtyomètre et pesés au moyen d’une balance de marque Ahaus (0,01g).
L’étude de la différenciation sexuelle a été réalisée aux jours de contrôles sur les 30 individus préalablement échantillonnés. Sur cet échantillon, 10 individus sont sacrifiés dans un récipient contenant du 2-phénoxy-éthanol en excès. Chaque individu est pesé et mesuré comme expliqué précédemment, ensuite la gonade est prélevée pour des observations histologiques. La longueur et la largeur de la tête de chaque spécimen ont été aussi mesurées.

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