Étude de la Compétitivité du Mali dans le cadre de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine
Variations de C et B
Il existe quatre cas possibles. Cas 1 : C<0 et B>0 Les conditions nécessaires pour ce cas dépendent du taux de croissance dans le reste du monde et de l’élasticité-revenu des exportations dans le pays considéré. D’une autre manière, les mécanismes endogènes du progrès technique (loi de Kaldor-Verdoorn) et l’accumulation d’expérience (qualité des exportations) doivent être aussi forts. La stabilité de l’équilibre à long terme est strictement positive à cause des valeurs positives de k. Du point de vue économique, ce cas est le plus intéressant, parce que le pays a un taux de croissance asymptotiquement équilibré. Cas 2 : C>0 et B<0 Suivant (12), le cas 2 est aussi un cas d’équilibre, mais il est instable. Ainsi, premièrement, si la valeur originale de k baisse brusquement à l’équilibre, alors la production tend vers 0 ; deuxièmement, si la valeur originale de k est supérieure à sa valeur d’équilibre, alors la production tend vers l’infini. Cas 3 : C>0 et B>0 Cas 4 : C<0 et B<0. Ces deux derniers cas correspondent l’un ou l’autre à des cas fortement faibles des mécanismes endogènes de changement technologique, d’accumulation d’expérience, accompagnés des paramètres exprimant respectivement une puissante ou faible croissance exogène dans le reste du monde (Elgazar, 2002). Les équations (10) et (14) sont les équations générales du modèle et indiquent les relations entre la croissance économique et les facteurs de compétitivité (exportations, importations, prix, productivité, et technologie). Ces équations signifient que le taux de croissance de la production instantanée dépend de deux types de composantes. La première composante est un facteur exogène comme un boom ou une récession économique dans le reste du monde et un accroissement ou une baisse consécutive du PIB et des prix internationaux. La seconde est 72 endogène, comme les prix domestiques, l’élasticité du revenu national et le revenu brut domestique. Bref, la croissance économique n’est pas seulement affectée par une restriction interne, mais également par la demande extérieure. IV Etudes empiriques de référence Les études empiriques consacrées à la compétitivité d’une nation varient selon les approches méthodologiques des auteurs. Certains auteurs essayent de vérifier si les performances à l’exportation expliquent la compétitivité internationale d’un pays. D’autres se focalisent de façon absolue sur les facteurs de croissance économique en mettant un accent particulier sur les facteurs d’attractivité.
Performances économiques et compétitivité d’une nation
Les premières analyses de la compétitivité d’une économie nationale ont mis l’accent sur sa dimension prix. Dans ces analyses, les performances dans le commerce international occupent une place importante. C’est ainsi que beaucoup d’auteurs se sont intéressés à l’analyse de la compétitivité en faisant spécialement référence aux exportations (Cohen, 1964 ; Balassa B., 1962, 1978 ; Devillé, H., 1998). La théorie économique suppose que le développement des exportations permet de desserrer la contrainte extérieure et de favoriser l’importation du capital non produit localement. Les exportations peuvent aussi avoir un effet catalyseur sur le développement à travers la discipline imposée par la concurrence sur le marché international, les économies d’échelle que le marché mondial permet de réaliser et les transferts de technologie et de techniques managériales qu’elles facilitent. Ces effets sont largement mis en évidence par les théories modernes de la croissance endogène (Romer, 1990, Weil, 1992, …). Ainsi, au cours de ces dernières années, de nombreux pays en développement ont adopté des réformes économiques dans le but de promouvoir leurs exportations, avec cependant des résultats différents. En Afrique en général, les résultats obtenus sont restés assez décevants (Collier et Gunning, 1999 ; Ndulu et O’Connell, 1999). Comme le note si bien Collier (1997), l’Afrique n’a pas bénéficié de la mondialisation. La pénétration d’importations en provenance de 73 l’extérieur entraîne une perte de compétitivité des exportations. Ce qui a été confirmé par Arghyrou (2000) dans son étude sur la Grèce. La croissance des exportations stimule le progrès technologique. L’une des approches les plus utilisées cherche à voir dans quelle mesure les différences de performances à l’exportation expliquent les différences de croissance économique entre pays (Balassa, 1978, 1985 ; Michaely, 1977). Plusieurs raisons sont donc avancées pour justifier une telle démarche. En effet, le développement des exportations permet à un pays d’attirer des investissements dans les secteurs où il dispose d’avantages comparatifs. La compétitivité sur le marché extérieur pousse à l’adoption des techniques de production plus efficaces dans le secteur des biens échangeables (Azam J. P., 1997). En effet, la plupart des études empiriques dont celles de Balassa (1978), Feder (1982), Brochard (1985), Otani et Villanueva (1990), Chartey (1993) ont mis en évidence l’existence d’une relation positive et significative entre les exportations et la croissance économique. D’autres comme Jun et Marshall (1985) n’ont pas eu de relation significative entre les exportations et la croissance économique. Fagerberg (1988), dans une approche par les fonctions d’exportations et d’importations, en supposant un équilibre de la balance des paiements, trouve que les exportations affectent le taux de croissance économique. Les résultats de ses estimations montrent que parmi les facteurs qui influencent la compétitivité internationale et la croissance, on a : la compétitivité technologique, les investissements et leurs déterminants, les facteurs influençant la capacité de production dans le cadre d’une diffusion technologique et la compétitivité-coût. Diop et Tenou (1997) ont analysé la compétitivité macroéconomique des pays membres de l’UEMOA, en utilisant quatre types d’indicateurs : le taux de change effectif réel (TCER), le taux d’investissement relatif, le taux d’exportation et le taux de pénétration étrangère. Les résultats montrent que les taux d’investissement des Etats de l’Union sont ressortis instables (tantôt croissants, tantôt décroissants) d’une année à l’autre. Cette instabilité pourrait refléter les incertitudes des investisseurs potentiels et aussi les comportements de divers agents économiques de l’Union. Par ailleurs, les résultats laissent penser que les économies de l’Union se situent dans le creux de la courbe en J, dans le sens où l’on ne constate pas une véritable tendance à la hausse (baisse) de l’évolution du taux d’exportation ou du taux de pénétration étrangère. Fayole J., et Mathieu C. (1998) ont essayé de déterminer les positions compétitives en Europe à la veille de l’unification monétaire. Ils ont fait une comparaison des évolutions de 74 prix (sur la base 100 en 1987), des taux de change réels intra-européens évalués en fonction des différents indices de prix et de coûts. Les résultats montrent une diversité des dynamiques nationales sous-jacentes aux mouvements agrégés des écarts de prix. L’une des approches, très globale, compare en niveau et en évolution les prix relatifs des PIB nationaux. Chaque monnaie européenne a été convertie en PPA effective de chaque pays par rapport au reste de l’union en utilisant le critère de double pondération des exportations. Ce calcul signifie qu’avec l’union monétaire qui complète l’intégration du marché européen, tous les biens et services produits en Europe deviennent potentiellement échangeables. En effet, comparer les PIB des pays européens donne une idée des tensions concurrentielles en Europe. Les résultats montrent que dans le cadre de l’union monétaire, certains pays partent avec un avantage substantiel de compétitivité. C’est le cas des pays méditerranéens (Espagne, Italie, Portugal). La France est en position médiane ; elle a compensé la force de sa monnaie par la maîtrise de ses coûts. Le CEPII (1998) a fait une évaluation de la compétitivité des nations, en analysant l’évolution des revenus par habitant. Il révèle une absence de rattrapage des pays riches par les pays pauvres. Mais en moyenne, la croissance n’a pas été plus rapide dans les économies initialement pauvres, la plupart des pays riches le sont restés, les inégalités de niveau de vie entre pays se sont accrues. L’étude montre cependant que cette image globale masque des évolutions particulièrement contrastées entre les pays et ceux qui ont bénéficié d’un effet de rattrapage significatif se distinguent nettement des autres par leurs performances en termes d’investissement, d’éducation, et de maîtrise de la croissance démographique. Parmi les pays africains, seules l’Ile Maurice et la Tunisie figurent dans les pays à indices positifs de rattrapage (respectivement à la 14ième et 17ième place sur 25). Tous les autres pays divergent. Toutefois, le Burundi, le Burkina Faso, le Mali et le Kenya se situent à un niveau très proche de la ligne de partage (respectivement aux places 4, 5, 6 et 7 sur 45), avec un mince écart par rapport aux moins placés de la zone positive. Un autre signe de retard par rapport aux pays riches est la part des exportations de l’Afrique dans le commerce mondial des produits manufacturiers. Pour se développer et se maintenir, le rapport CEPII souligne que l’expérience de ceux qui ont réussi prouve que ceux-ci ont su « innover et transformer les innovations en produits ». L’innovation est un puissant facteur de compétitivité. C’est pourquoi un pays qui exploite et vend surtout des produits primaires doit rechercher une diversification de sa production et transformer lui-même ses produits primaires à une échelle industrielle. Mainguy (1998) dans son étude sur la compétitivité des économies africaines a choisi une approche méthodologique par les filières. Elle considère différentes définitions de la compétitivité, à savoir : la compétitivité-prix, la compétitivité-volume, et la compétitivitéqualité. Ses résultats montrent que la politique sectorielle a connu des succès, comme dans le cas du coton, malgré sa dépendance du marché international. En effet, la structure des exportations limite les effets favorables de la compétitivité potentielle ou effective des exportations. Les pays d’Afrique subsaharienne exportent des matières premières dont la demande tend à stagner ou progresse faiblement et dont la production mondiale croît, soit par l’entrée de nouveaux pays producteurs, soit par l’accroissement de la productivité et de la compétitivité-volume de chaque pays. Ces tendances expliquent que les évolutions des parts de marché en volume sont meilleures qu’en valeur pour de nombreux pays africains. Mais, dans ce contexte, une progression des parts de marché risque fort de ne pas se traduire par une amélioration de la situation des économies les plus spécialisées. Aussi, la dévaluation du FCFA a amélioré la rentabilité des filières agricoles. Carlin, W., Andrew Glyn, John Van Reenen (1999) ont étudié les relations entre les parts de marché à l’exportation et le coût unitaire de la main-d’œuvre pour 12 industries dans 14 pays de l’OCDE de 1992 à 1996. Les résultats économétriques montrent que l’élasticité entre les parts de marché à l’exportation et le coût unitaire de la main-d’œuvre est négative. Les facteurs technologiques ont un effet significatif sur la performance à l’exportation. En contrôlant le changement de coût, la part relative de l’investissement a un effet remarquable sur les parts de marchés à l’exportation. Mbaye A. A., et Golub S. (2000) dans une étude sur la compétitivité internationale du Sénégal se sont inspirés du modèle ricardien des échanges. Dans ce modèle, la compétitivité internationale est mesurée par le coût unitaire de la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier qui à son tour est fonction du taux de salaire, de la productivité et du taux de change. En effet, le salaire et la productivité du Sénégal ont été comparés à ceux des pays émergents d’Asie, d’Amérique Latine, et d’Afrique. Ils se sont intéressés aux déterminants macroéconomiques des exportations pour tenter d’expliquer la faible intégration du Sénégal dans l’économie mondiale. Les résultats montrent que dans les années précédant la dévaluation, la situation du Sénégal était défavorable, c’est-à-dire que le salaire relatif au Sénégal par rapport à ceux des autres était partout plus élevé que la productivité relative, par rapport à ceux des mêmes pays impliquant des coûts unitaires de la main-d’œuvre très élevés pour le Sénégal. La dévaluation de 1994 ramena ce coût unitaire relatif à son niveau de parité 76 vis-à-vis des autres pays émergents. Les analyses de simulations et les tests de causalité qu’ils ont menés en utilisant les modèles VAR ont révélé l’importance de la compétitivité macroéconomique et de ces déterminants sous-jacents, en particulier, la politique de change, et la productivité du travail. Par ailleurs, ils suggèrent que la libéralisation commerciale et les réductions tarifaires et douanières ne seront probablement pas des mesures efficaces si le taux de change est surévalué, si la productivité est faible et si l’environnement général des affaires est défavorable. Ng F., YEATS A. (2000) ont analysé les échanges internationaux de l’Afrique subsaharienne, en utilisant les données du commerce extérieur des différents pays partenaires. Selon eux, les analyses de long terme des performances de l’Afrique en matière de commerce extérieur montrent que la région a subi une érosion importante de ses parts de marché dans les pays industrialisés. Une décomposition de ces performances en éléments de demande et d’offre entre 1990-94 et 1994-98 enseigne que les pertes de compétitivité sont observées au cours des deux sous périodes, à la différence qu’elles sont désormais plus faibles54. Onsel, Fusun U. et Burç (2002) ont testé l’hypothèse concernant la relation entre la capacité de croissance d’un pays et son indice de compétitivité à long terme, en faisant référence à l’indice de compétitivité (WCI) du Forum Économique Mondial (WEF). La recherche a consisté à faire une régression des WCI. Leurs résultats ont permis de classer les pays en quatre groupes. Le premier groupe est constitué des pays les plus compétitifs (USA, Canada, UK, Hollande, Finlande, Irlande, Australie, et Japon). Le second concerne les pays compétitifs (Danemark, Espagne, Suède, Austria, France, Allemagne, Belgique, et Israël). Le troisième concerne les moins compétitifs (Chine, Italie, Hongrie, République tchèque, Grèce, Turquie, et Égypte), et le quatrième les plus faiblement compétitifs (Inde, Bulgarie, Ukraine, et Russie). En effet, pour les deux premiers, les coefficients de variation sont au moins égaux à 1. Pour les deux autres, il est inférieur à 1. Gros Jean-Baptiste, Letilly, G., Martinet, S., (2002), dans une étude sur les performances commerciales de l’Afrique subsaharienne, ont utilisé un indicateur de part de marché pour déterminer le niveau de compétitivité des exportations. Leur analyse montre que les performances commerciales globales de l’Afrique subsaharienne durant les années quatre vingt dix sont médiocres, en dépit des plans d’ajustement prévoyant une libéralisation des échanges et des politiques de dévaluation adoptées par certains pays de la zone. Pour analyser ce résultat, ils ont centré leur étude sur un certain nombre de pays (Afrique du Sud, Côte 54 NG F., YEATS A., (2000) p. 16 77 d’Ivoire, Ghana, Madagascar, Maurice, Nigeria et Sénégal) et comparé les évolutions de leur commerce extérieur. Ils constatent que de grandes disparités apparaissent. Cela s’explique avant tout par des stratégies différentes de diversification des exportations. Mais de façon générale, les pertes importantes de parts de marché de l’Afrique subsaharienne dans les exportations mondiales sont une constante depuis une trentaine d’années et contribuent à la marginalisation du continent. Ses performances commerciales d’ensemble relativement médiocres sont liées à la structure des exportations africaines, concentrée sur des produits primaires bruts ou légèrement transformés et présentant un haut degré de dépendance envers des facteurs exogènes (variation des cours mondiaux, conditions climatiques et autres) qui accentuent le degré de fragilité de ces économies. Ce type de spécialisation n’est pas porteur dans un contexte international de forte croissance des échanges de biens manufacturés et de services. Ce qui explique pour beaucoup les mauvaises performances africaines, mais ne justifie ni les disparités observées entre pays, ni l’incapacité de certains à améliorer la compétitivité de leur économie55. En revanche, les pays qui n’enregistrent pas de pertes trop importantes de parts de marché mondial sont ceux qui connaissent durant la décennie un processus de diversification de leurs exportations parfois fondé sur le développement d’un secteur manufacturier. Ainsi, leur étude a mis en avant l’absence de processus de diversification des exportations en Afrique de l’Ouest, à l’exception du Ghana. Elgazar H. (2002), dans son étude sur le Japon sur la période 1960-1996, trouve que les principaux paramètres de la compétitivité à long terme d’une économie sont : la culture nationale, les méthodes de production, le niveau d’aptitude de la main-d’œuvre, l’efficacité des dépenses en R&D et plus généralement les aspects organisationnels des changements technologiques, les méthodes de marketing et la réputation des produits exportés. En effet, les politiques effectuées par le Japon ont créé un environnement propice à l’amélioration du système d’innovation national ce qui a amélioré sa compétitivité à long terme. Debonneuil et Fontagné (2003) ont effectué un diagnostic de la compétitivité française. Ils fondent leur démarche sur la théorie du commerce international et ses développements récents : examen de la compétitivité-prix prise en compte de la dimension hors prix de la compétitivité, qualité des produits et innovation ; accent enfin sur l’attractivité des facteurs mobiles, firmes et employés les plus qualifiés et ses déterminants, comme la fiscalité, outil puissant de renforcement des phénomènes d’agglomération. Toutefois, ils 55 Une analyse plus détaillée effectuée, à partir d’un échantillon de sept pays, met en évidence des comportements très différents. 78 reviennent en préalable sur les différents classements de la France. Au regard des facteurs traditionnels liés à la concurrence internationale, ils trouvent que les performances commerciales françaises sont plutôt satisfaisantes. La BCEAO et la BOAD (2004) ont étudié la compétitivité sectorielle des économies des pays membres de l’UEMOA. Les résultats de l’étude montrent que la zone UEMOA a une spécialisation sans ambiguïté pour les produits suivants : – sel, soufre, terre et pierre, plâtres, chaux et ciment, oléagineux, graines, semences, plantes industrielles médicales ; coton graine et coton fibre, café, thé mate et épices, anacardes, céréales, fruits divers et légumes, cacao et dérivées ; – dérivées animales et végétales, bétail, crustacés, minéraux non métalliques ; – résidus, déchets des industries alimentaires, aliments pour animaux, objets d’art, de collection ou d’antiquité. Parmi ceux-ci, les produits les plus importants sont : le coton, l’anacarde, l’arachide, le cacao, le bétail et les crustacés. Le WEF (2004) a publié son rapport 2004-2005 sur la compétitivité globale des économies africaines. Il a fait un classement de 25 pays africains dont le Mali. Habituellement sous la houlette de ces deux économistes, Jeffrey D. Sachs et John W. McArthur, il évalue la capacité d’un pays à faire évoluer son économie à moyen et long terme. La méthodologie consiste à interroger les leaders de 8700 entreprises en leur demandant de noter 160 indicateurs. Chaque pays fait l’objet d’une analyse très fouillée : système politique, gestion des finances publiques, système judiciaire, respect des lois et de la propriété privée, corruption, délais administratifs, accès au crédit bancaire, nombre de brevets déposés, amélioration du niveau de vie, intégration de la technologie dans les secteurs économiques. Les résultats montrent que sur les 25 pays africains classés, le Mali a gagné onze places (passant de la 99ième en 2003 à la 88ième place en 2004).
Études empiriques sur l’attractivité du territoire
L’importance et le rôle de l’attractivité pour une nation sont déterminés par le niveau d’IDE que cette nation peut attirer sur son territoire. La politique de compétitivité menée par le gouvernement du pays d’accueil doit être destinée à l’établissement au sein de la nation, d’actifs de localisation de nature à attirer les investissements directs étrangers56. 56Les IDE constituent un autre champ d’analyse, qui ne concerne pas spécifiquement notre étude. 79 IV.2.1 Déterminants de l’attractivité du territoire De nombreuses études se consacrent à l’étude des déterminants ou des performances des pays en développement en termes d’attrait des investissements étrangers. C’est ainsi qu’il ressort des travaux empiriques de Singh et Jun (1995), Witherell (1995), Démurger (1997), Wilhelms (1998), Williams et Williams (1998), de Nishat M. et Anjum Aqeel (1998) que les facteurs expliquant les performances d’un pays ou groupes de pays en termes d’attrait des IDE sont nombreux. L’étude empirique de l’attractivité a connu trois étapes. En lien avec les modèles traditionnels des échanges internationaux, il y a l’étude de la relation entre la décision de localisation, le coût des facteurs et la taille des marchés. Ensuite, nous avons l’introduction des nouveaux déterminants comme la fiscalité et la distance dans l’esprit de la nouvelle économie géographique. Enfin, il y a la mise en évidence de l’effet de marché domestique (home market effect) et l’étude plus fine de la dynamique de polarisation des activités, notamment par l’observation de ses effets sur le marché du travail. Crozet, Mayer et Mucchielli (2003) dans une étude sur l’implantation des sites industriels français ont trouvé qu’une augmentation de 10 % du nombre de firmes d’origine étrangère implantées dans un département accroît de 3 % environ la probabilité de voir ce département choisi par d’autres firmes. Une même augmentation du nombre de concurrents français augmente cette probabilité de 10 %. Les entreprises d’origine étrangère ont donc tendance à s’agglomérer et n’attribuent pas un poids déterminant aux coûts. Elles tendent en outre à s’implanter dans les régions frontalières de leur pays d’origine : le Nord-est pour les entreprises belges et néerlandaises, l’Est pour les entreprises allemandes. Hubert et Pain (2002) ont mené une étude comparable sur la base des stocks bilatéraux et sectoriels d’IDE. Les auteurs étudient les déterminants de la décision d’implantation des entreprises allemandes au sein de l’Union européenne sur la période 1990 à 1996. Ils mettent en évidence le rôle de l’accumulation d’actifs spécifiques : une augmentation permanente de 1% du stock de recherche et développement (R&D) dans un secteur conduit à long terme à une hausse du stock d’IDE allemand de 1, %. Les effets de taille du marché, notamment européen, ressortent également. Les économies d’agglomération mesurées par la part du PIB du pays d’accueil dans le PIB européen ou par l’effort national de recherche jouent également un rôle positif. L’augmentation des coûts salariaux unitaires a un effet négatif : une hausse de 1 % de ces coûts entraîne une réduction de 3,9 % du stock à long terme d’IDE du pays. Au sein des politiques publiques retenues par les auteurs, c’est l’infrastructure publique du pays 80 (mesurée par l’investissement en capital fixe du gouvernement rapporté au PIB) qui a l’effet positif le plus significatif. Toutefois, cet impact est partiellement contrebalancé par l’effet négatif de la part des fonds structurels du « Feder » dans le PIB, résultat observé également par Crozet et al. (2003) et qui suggère qu’un pays déjà très développé attire relativement plus d’IDE. Enfin, un effet positif mais non significatif est obtenu pour l’intervention budgétaire ou fiscale (aides publiques rapportées au PIB, taux effectif d’imposition des sociétés dans le pays d’accueil. Tous ces résultats doivent être relativisés par le fait que l’IDE se révèle par ailleurs très inerte57. Debonneuil et Fontagné (2003) se sont intéressés à l’attractivité du site français. Rejetant les différents indices globaux d’attractivité, tels ceux calculés par la CNUCED, ils ont préféré mettre l’accent sur l’attractivité du site français révélée par les statistiques d’investissements directs étrangers. Les résultats montrent que les groupes étrangers y prennent une place importante dans l’activité économique : 17 % de la production française tous secteurs confondus, 15 % de l’emploi.
Rôle des écarts de fiscalité du capital
Une littérature abondante a étudié le rôle des écarts de fiscalité sur le capital au niveau macroéconomique comme au niveau des entreprises (Coeuré et Rabaud, 2003). De Mooij et Ederveen (2002) ont passé en revue vingt-cinq études publiées entre 1984 et 2001, dont certaines proposent plusieurs jeux d’estimation et ont trouvé une semi-élasticité médiane de l’IDE au taux d’imposition du capital de – 3,2. Ce qui signifie qu’une hausse d’un point du taux d’imposition entraîne une baisse de 3,2 % de l’IDE entrant. La dispersion des résultats est cependant très grande et les auteurs soulignent l’hétérogénéité des méthodes employées, qu’il s’agisse de la spécification économétrique (prise en compte ou non de la fiscalité du pays d’origine, type de données d’investissement direct employées – nombre d’implantations, fusions/acquisitions ou IDE au sens de la balance des paiements) ou de la mesure de la fiscalité : taux moyen ou taux effectif, observé au niveau macroéconomique ou au niveau de l’entreprise. Bretin et Guimbert (2001) ont particulièrement détaillé la mesure empirique du niveau de la fiscalité et en particulier la différence entre taux implicite ex ante construit pour des cas types d’entreprises et de projets d’investissement, taux apparent ex post calculé par 57 La valeur retardée de l’IDE est fortement significative, résultat prévisible sur séries temporelles compte tenu du fait que la variable expliquée est le stock d’IDE, même si elle n’est pas significative dans d’autres études comme celle de Lipsey (2000) [Coeuré et Rabaud, 2003, p. 104]. 81 comparaison de l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises et de leurs profits. Ils trouvent que la fiscalité du pays d’accueil a un impact significatif sur les flux bilatéraux d’IDE mais pas celle du pays d’origine.
Conclusion
La compétitivité de la nation prend en compte divers facteurs relatifs à la vie économique d’une nation : compétitivité-prix, compétitivité structurelle, attractivité et croissance économique. Le caractère rhétorique du discours sur la compétitivité d’une nation a permis une redéfinition du concept dans le cadre de la nouvelle dynamique mondiale. Ceci a permis de faire ressortir de nouveaux facteurs, essentiellement hors coût. Les critiques formulées par Krugman ne sont pas passées inaperçues et ont certainement permis sa redéfinition dans une perception mondialisante. De façon absolue, si la compétitivité de la nation semble se confondre avec la croissance, de façon relative, elle dépend de divers facteurs. Parmi ces facteurs, les exportations, le capital humain, les infrastructures et les investissements directs étrangers tiennent une place importante. Elle dépend aussi de la manière dont les gouvernements façonnent leurs territoires en vue de les rendre plus attractifs. L’économie internationale joue un rôle très important dans l’analyse de la compétitivité. Mais les comportements des Etats eux-mêmes au travers de leurs poids dans les économies, marquent d’une empreinte durable les fondamentaux de la croissance. Le commerce international peut servir par exemple de critère de référence, de benchmarking, mais les facteurs de compétitivité sont à chercher aussi en interne, dans la capacité des acteurs (privés et publics) à assurer une croissance stable et durable. En effet, les études empiriques montrent que l’attractivité et tous les facteurs qui la déterminent contribuent fortement à la compétitivité d’une nation. Le concept de compétitivité pour une économie nationale est pertinent à condition que son contenu soit bien défini et explicité. La compétitivité d’une économie nationale apparaît à la fois comme un objectif de politique économique, un moyen d’améliorer la compétitivité des entreprises et partant de là un facteur de compétitivité des firmes. Elle représente aussi un résultat de performances économiques.
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