L’intégration constante des composants optiques et l’essor des télécommunications nécessitent l’élaboration de matériaux de plus en plus performants, stables et de grandes qualités. Un effort important concerne la recherche de nouveaux matériaux pour l’optique non linéaire, qui ont de nombreuses applications comme par exemple la conversion de fréquence ou la modulation électro-optique.
De plus on observe depuis quelques années un intérêt accru pour les matériaux composites ou nanocomposites qui combinent un ou plusieurs éléments actifs enrobés dans une matrice. Cette matrice peut être choisie pour une propriété particulière comme la transparence, la conduction électrique ou tout simplement pour ses propriétés de mise en forme. Si leur structure « désordonnée » peut sembler être un frein pour des applications en optique non linéaire, la possibilité d’orienter les cristaux dans la matrice permet néanmoins de lever ce verrou. De plus, de récents travaux sur des matériaux polycristallins orientés aléatoirement ont montré qu’il était possible d’obtenir des signaux de génération de second harmonique supérieurs à ceux des matériaux massifs hors condition d’accord de phase, ouvrant ainsi de nombreuses perspectives à ce type de matériaux [1].
Cette thèse a été réalisée dans ce domaine grâce à un projet Émergence financé par la région Rhônes-Alpes. Les travaux ont été effectués au LAIMAN, intégré depuis dans le laboratoire SYMME et au Département de Physique de l’université Waseda au Japon, en partenariat avec le LPMCN (Laboratoire de Physique de la Matière Condensée et Nanostructures) et l’ARAMM (Agence Rhône-Alpes pour la Maîtrise des Matériaux). L’objectif de ce projet est l’élaboration et la caractérisation d’un matériau composite innovant à bas coût, à base d’argile synthétique et d’iodate de lithium, pour l’optique non linéaire quadratique en configuration guidée.
Les films nanocomposites seront caractérisés via différentes techniques. Les caractérisations structurales seront obtenues par des expériences de diffraction des rayons X couplées à des observations en microscopie optique en lumière polarisée. Les indices et épaisseurs des films seront déterminés par spectroscopie m-lines et ellipsométrie. Les propriétés non linéaires de ces films et la distribution de l’orientation des nanocristaux seront déterminées sur un banc de génération de second harmonique et par microscopie de génération de second harmonique.
Les matériaux nanocomposites pour l’optique non linéaire quadratique
Nous allons dans cette partie présenter une étude bibliographique sur la non-linéarité d’ordre 2 dans les matériaux nanocomposites. La principale motivation de ces recherches est de pouvoir développer de nouveaux matériaux non linéaires, alternatifs et concurrents par rapport aux matériaux cristallins habituellement utilisés. En effet, la croissance cristalline est généralement considérée comme une technique délicate à mettre en œuvre et assez coûteuse.
Nous allons nous limiter ici à la présentation des matériaux nanocomposites formés par des nanocristaux (ou parfois des microcristaux) insérés dans une matrice transparente. Cette approche relativement récente est liée au développement plus vaste des nano-matériaux. Dans les différents travaux que nous allons présenter, la non-linéarité d’ordre 2 est induite par les nanocristaux non centrosymétriques. Leur faible taille permet de limiter la diffusion de la lumière et de garder le matériau transparent.
Les matériaux
Approche vitrocéramique
Les verres sont d’excellents matériaux pour l’optique. Ils sont transparents, de mise en forme aisée et sont compatibles avec les technologies les plus courantes. Malheureusement, ces matériaux amorphes sont centrosymétriques et ne possèdent pas de propriétés optiques non linéaires quadratiques. Cependant, des études de polarisation thermique sur des verres de silice [2] ont montré la possibilité d’obtenir de telles propriétés dans ces milieux, ouvrant la voie à de nombreuses recherches. La non-linéarité est généralement induite par un champ électrique statique permanent, qui interagit avec la susceptibilité d’ordre 3. Les recherches dans ce domaine restent actives mais une nouvelle approche s’est développée en parallèle, l’approche vitrocéramique.
Les vitrocéramiques sont élaborées à partir des techniques classiques de fabrication des verres et sont constituées de nanocristaux (ou microcristaux) dispersés dans une phase vitreuse. Les réactifs sont placés dans des creusets où ils sont mélangés et fondus à haute température puis refroidis par trempe. Les verres sont ensuite recuits afin d’induire une cristallisation partielle. Deux équipes ont grandement contribué à l’étude de ces matériaux : une équipe japonaise de Nagaoka et une équipe russo-italienne. L’équipe du professeur Komatsu a étudié la formation de cristaux et les différentes phases apparaissant dans plusieurs systèmes par des expériences d’Analyse Thermique et Différentielle (ATD), de diffraction des rayons X et par génération de second harmonique. Ils ont ainsi pu mettre en évidence la formation de phases cristallisées optiquement non linéaires dans les systèmes La2O3-B2O3-GeO2 [3][4], BaO-TiO2-GeO2 [5][6], K2O-Nb2O5-SiO2 [7], SrO-Bi2O3 Nb2O5-Li2B4O7 [8], Na2O-K2O-Nb2O5-GeO2 [9] et BaO-Ga2O3-GeO2 [10]. Cette équipe, très active, a également montré la possibilité d’induire la cristallisation par des traitements laser [11]. Les travaux les plus récents traitent des effets de l’application d’un champ électrique [12] ou magnétique [13] durant le recuit sur l’orientation des nanocristaux et sur les propriétés optiques non linéaires résultantes. De la même manière Sigaev et al. ont étudié différents systèmes nanocomposites : K2O-TiO2-P2O5-SiO2 [14][15], La2O3–B2O3–GeO2 [16], K2O-TiO2-P2O5 [17] et Li2ONb2O5-SiO2 et Li2O-ZnO-SiO2 [18].
Dans la plupart de ces études, le travail porte sur le compromis entre la transparence du matériau et ses propriétés optiques non linéaires. Il faut obtenir d’une part, des phases cristallisées actives et d’autre part, des cristaux de très petites tailles pour limiter la diffusion. On peut noter cependant que la transparence de ces matériaux peut être assez élevée même pour des dispersions de cristaux micrométriques car la différence d’indice de réfraction entre les phases amorphes et cristallisées est généralement faible.
Cette technologie, issue des procédés classiques, est bien maîtrisée et permet d’obtenir des matériaux non linéaires transparents. Cependant elle ne permet pas de déposer des films minces sur des substrats spécifiques.
Méthode Sol Gel
Li et al. ont réussi à faire croître des cristaux de KTiOP4 (KTP) dans une matrice de SiO2 par méthode sol-gel [19]. Les effets non linéaires apparaissent après la cristallisation in-situ du KTP lors d’un recuit à 650°C. Les tailles des nanocristaux, déterminées par microscopie électronique en transmission, sont comprises entre 10 et 50 nm.
D’autre part, la méthode sol-gel a été utilisée par une équipe grenobloise pour faire croître des nanocristaux organiques non-linéaires au sein de matrices de silice [20 [21]. Le principe de formation est basé sur la nucléation et la croissance des nanocristaux au sein des pores de la matrice par un abaissement de température, provoquant une forte sursaturation, ou bien alors par évaporation du solvant.
Cette méthode est généralement développée en raison de ses faibles coûts de revient et de sa grande souplesse d’utilisation. Elle permet entre autres d’incorporer une grande variété de matériaux non linéairement actifs dans une matrice transparente avec une facilité de mise en forme. Les principales difficultés sont liées à la maîtrise des réactions chimiques, aux problèmes de densité des films ainsi qu’à une étape de cristallisation in-situ délicate des matériaux actifs.
Au laboratoire, les premières études ont démarré avec un procédé assez proche. Des nanocomposites LiIO3/SiO2 [22] ont été obtenus par cristallisation in situ des nanocristaux de LiIO3 dans la matrice. Cependant, les faibles concentrations de LiIO3 obtenues par ce procédé nous ont amenés à développer le composite à matrice de Laponite qui fait l’objet de ce travail.
Incorporation de nanocristaux dans une matrice
Enfin, une dernière approche peut être envisagée. Elle permet de faciliter la cristallisation des films en dissociant l’étape de la cristallisation des nanocristaux de leur incorporation dans la matrice. Cependant, cette approche est très peu développée pour le moment ; cela est certainement dû à la difficulté de fabrication de nanocristaux non linéaires et aux problèmes de dispersion de ces nanocristaux au sein des matrices.
Le domaine des nanocristaux semiconducteurs est cependant bien développé et ceux-ci peuvent présenter de bonnes propriétés optiques non-linéaires. Des composites SiC/ PMMA ont été élaborés par incorporation et étudiés pour leurs propriétés électro-optiques ou de génération de second harmonique (GSH) [23][24]. D’autres systèmes basés sur des composites semiconducteurs II-VI/ polymère ont été étudiés (CdSe [25], ZnS [26]). En dehors des semiconducteurs, les études sont assez rares. On peut citer cependant des composites BTO/PMMA [27] ou Sr3Y(BO3)3:Yb/PMMA [28], développés pour des applications électro-optiques.
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