Etude de faisabilité et d’acceptabilité d’une
auto-mesure, avec un bio-impédancemètre portable
INTRODUCTION
Première cause d’hospitalisation en France, l’insuffisance cardiaque chronique (ICC) est un problème de santé publique en raison de sa fréquence et de sa gravité. La prévalence de l’ICC dans la population française adulte est de 2,3%, soit plus d’un million de personnes. C’est une pathologie majoritairement du sujet âgé (âge moyen 70 ans) [2,3]. Elle est associée à un fort taux d’hospitalisation en raison des poussées d’insuffisance cardiaque aiguë (ICA). La morbi-mortalité est majeure avec un taux de décès de l’ordre de 9 % et un taux de récidive à court terme (6-12 mois) supérieur à 50 %. La durée moyenne de séjour de ces hospitalisations est estimée à 12 jours , ce qui en fait une pathologie à la fois extrêmement invalidante et très coûteuse pour le système de santé. L’insuffisance cardiaque est associée à une activation neuro-humorale et à des anomalies du système nerveux végétatif, conduisant notamment à une rétention d’eau entrainant l’apparition d’œdèmes. La mesure de l’état d’hydratation des patients en ICC apparait donc comme une mesure indispensable dans leur évaluation et leur suivi. Actuellement, le moyen le plus fréquemment utilisé pour estimer rapidement cet état d’hydratation reste l’examen clinique, de ce fait subjectif . La détection d’un état d’hyperhydratation à sa phase précoce apparait comme un objectif primordial dans le suivi des patients en ICC afin de diminuer les hospitalisations pour ICA. Le taux de BNP (peptide natriurétique de type B) est un biomarqueur important dans le diagnostic le suivi et le devenir des patients en insuffisance cardiaque . Il existe une corrélation entre la réduction du taux de BNP, l’efficacité du traitement et diminution de la surcharge hydro-sodée. Néanmoins, les niveaux de BNP peuvent rester élevés même après avoir atteint un état d’hydratation adéquat, à cause d’un myocarde étiré, d’une insuffisance rénale, hépatique, d’embolies pulmonaires ou d’un syndrome coronarien aigu . De plus dans une récente étude, le BNP ne semble pas être corrélé avec la présence ou 5 l’étendue de l’œdème des membres inférieurs dans l’ICA, suggérant que ce ne serait pas le biomarqueur le plus approprié pour évaluer la congestion périphérique . La surveillance du poids est prépondérante dans le suivi du patient en ICC (3), mais suivre l’évolution seule du poids est souvent difficile à cause de la complexité à déterminer de façon précise la part des liquides corporels dans le gain pondéral [14]. Ainsi dans le suivi des patients en ICC, il serait souhaitable de trouver une méthode simple, reproductible et non invasive d’estimation des compartiments liquidiens corporels. Récemment, l’analyse de l’impédance bioélectrique du corps entier (BIA) a été proposée comme nouvelle technique pour la détection de l’état des liquides chez le patient en ICC . La bio-impédancemètrie est une mesure de l’impédance, qui caractérise les propriétés électriques d’un milieu biologique (annexe 1). Cette technique est déjà utilisée en pratique clinique pour évaluer les compartiments liquidiens des patients dialysés [16]. Dans l’ICC, il a été démontré que la bio-impédancemétrie est corrélée avec le BNP et la congestion hémodynamique, qu’elle contribue au cours d’une ICA au diagnostic et au pronostic [18,20–24], ainsi qu’au processus décisionnel pour adapter les thérapeutiques [10,25,26]. Cependant les impédancemètres utilisés dans ces études étaient à vocation hospitalière. L’objectif principal de notre étude est de tester la faisabilité de l’automesure avec un BIA portable, chez le patient hospitalisé pour ICA, ainsi que son acceptabilité. L’objectif secondaire est de déterminer la fiabilité de cette mesure, à refléter le changement d’état d’hydratation chez l’ICC au cours d’une ICA, en le comparant aux critères échographiques et clinico-biologiques communément utilisés et reconnus dans l’appréciation de l’ICA.
MATERIELS ET METHODES
Il s’agit d’une étude monocentrique, prospective, réalisée en service hospitalier de cardiologie et aux soins intensifs de cardiologie de l’hôpital Européen, à Marseille, France. Déroulement de l’étude : Les données cliniques, échographiques, biologiques, la faisabilité ainsi que les résultats de l’automesure par BIA portable étaient recueillies par les médecins, à l’inclusion, à 72h et le jour de la sortie. Le questionnaire (annexe 2) évaluant l’acceptabilité de l’automesure était remis au patient après qu’il ait réalisé sa dernière mesure. Sélection de la population : Cette étude a inclus tous les patients âgés de plus de 18 ans admis en service de cardiologie pour ICA, sur une période de 3 mois. Les critères d’éligibilité comprenaient : les symptômes cliniques d’ICA, associés à des signes échocardiographiques de dysfonction systolique et/ou diastolique. Les patients grabataires, dialysés, ou avec une insuffisance rénale pré-terminale ou terminale connue, ceux porteurs d’un pacemaker ou d’un défibrillateur implantable, les patients en état de choc cardiogénique, ainsi que ceux dont le consentement éclairé ne pouvait être recueillis ont été exclus. Un consentement écrit a été obtenu auprès des patients avant leur inclusion. L’étude était en accord avec la déclaration d’Helsinki, elle a été approuvée par le comité scientifique du centre d’inclusion et a reçu un avis favorable de la part du comité de protection des personnes. Recueil des données : Les données démographiques comprenaient l’âge et le sexe. La mobilité a été évaluée par les antécédents de chutes dans les 6 derniers mois ainsi que sur l’aide nécessaire aux déplacements. La dyspnée était évaluée au moyen de la classification NYHA (New York Heart Association). Les œdèmes des membres inférieurs (OMI) étaient recherchés par les médecins et classés selon leur importance (0 = absence, 1= niveau malléolaire, 2 = mi-mollet, 3 = au 7 genou, 4 = mi-cuisse 5 = aux lombes). Le suivi du poids était effectué à l’aide de deux pèsepersonnes identiques tarées avant chaque pesée. L’évaluation de la fonction cardiaque était établie d’après les recommandations de l’ESC (European society of cardiology) en vigueur [27]. Les critères échocardiographiques comprenaient : le calcul de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) en Simpson biplan, l’estimation des pressions de remplissage du ventricule gauche réalisée avec la mesure des ratios E/A et E/E’, PAPS [28,29]. Le dosage du BNP a été réalisé par méthode immuno-enzymatique par chimioluminescence (DxI 800, Beckman Coulter, CA, États-Unis). La plage de dosage était de 1 à 5000 ng /L, avec une normale <100 ng /L. L’évaluation de l’état liquidien corporel a été réalisée avec un bio-impédancemètre portable multifréquences de 5kHz à 200kHz (Aminogram, La Ciotat, France). Trois mesures étaient réalisées : à l’admission dans le service, à 72h et à la sortie qui représentait l’état de décharge du patient. La faisabilité de l’automesure était répartie en 3 niveaux : réalisation autonome, avec l’aide d’un tiers, ou impossible. Quatre mesures du BIA ont été collectée : l’eau totale (litres), le taux d’hydratation hors graisse (THHG) (valeur normale de l’indice égale à 72,5%), le rapport eau extracellulaire / eau totale, appelé équilibre hydrique avec une valeur normale pour le sujet sain de 38% pour les hommes et 42% pour les femmes et la masse sèche (kilogrammes), représentant la masse musculaire. Le jour de la sortie, l’acceptabilité de l’automesure a été recueillie par un autoquestionnaire de 7 items (annexe 2) comprenant, l’utilisation du BIA portable pendant l’hospitalisation, son ergonomie, sa possible utilisation au long cours à domicile et son rôle dans la relation avec le médecin traitant. 8 Analyse statistique : Les données ont été analysées sur SPSS (version 15.0 SPSS, Chicago IL, USA), les variables qualitatives exprimées en pourcentage et les variables quantitatives exprimées en moyenne avec leur écart-type. Les variables qualitatives nominales ou ordinales ont été analysées par le test de Friedman. L’association entre variables quantitatives a été réalisée par les tests de corrélation de Pearson ou de Spearman, en fonction de la distribution des populations et les variables quantitatives sont analysées par le test U de Mann-Whitney. Le seuil de significativité est fixé à 0,05.
RESULTATS
Sur les 34 patients hospitalisés en cardiologie pour ICA en 3 mois, 5 ont été exclus car porteurs d’un défibrillateur implantable ou d’un pacemaker, 3 à cause de démences et 3 en raison d’une insuffisance rénale chronique pré-terminale ou terminale. Au total, 23 patients ont été inclus sur cette période et ont pu participer à la première évaluation. Deux patients n’ont pas réalisé les évaluations à 72h et le jour de la sortie, (sortie contre avis et état d’agitation). Les caractéristiques de la population sont résumées dans le Tableau 1. L’âge moyen des patients était de 68,1 ans (± 12.5), avec 61% d’hommes. Il n’existait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes (Groupe 1, < 70 ans (n=12) et Groupe 2, ≥ 70 ans (n=11)) mis à part la clairance de la créatinine plus élevée dans le Groupe 2 (p=0,001). Le THHG était en moyenne de 72,1 ± 2,8% à l’entrée, avec 9 patients détectés en hyperhydratation (THHG > 72,5%). Près de la moitié des patients (n=10) présentaient des OMI à des stades ≥ 3 et 23 patients avaient une dyspnée NYHA ≥ 3. Le BNP moyen était élevé, 1239 ± 1163 ng/L
Résumé |