Etude de faisabilité du marquage dans la masse du bois
Les premiers essais de marquage Il faut bien comprendre que, par rapport au point où nous en sommes aujourd’hui, l’idée initiale de marquer le bois dans la masse était réellement une gageure. Du fait des nombreux points exposés précédemment sur la sensibilité de la technique et les conditions d’acquisition d’un signal correct en spectroscopie RQN, il n’apparaissait pas évident de pouvoir détecter un produit ayant recristallisé après imprégnation du matériau et séchage. Malgré d’importantes réserves, nous avons quand même effectué quelques tentatives qui auraient pu, éventuellement, invalider cette idée. Nous avons choisi d’utiliser des nitrites de sodium de deux provenances différentes (que nous qualifions selon leur temps de stockage de « nouveau » et « d’ancien »). Nous voulions, au travers de ces deux essais, savoir si les expériences étaient répétables et si le choix du produit avait un impact sur le signal final. Presque contre toute attente, on observe bel et bien un signal RQN à la fréquence de résonance du nitrite de sodium de l’échantillon de référence comme le montre la figure 36. Ce résultat prouve que, non seulement le bois a été convenablement imprégné, mais que le nitrite de sodium a pu recristalliser au sein du matériau. Figure 36 : Premiers spectres du nitrite de sodium introduit dans du bois. (En noir, le spectre de l’échantillon de référence de nitrite de sodium avec 8 scans; en bleu, le spectre du nitrite de sodium « neuf » dans le bois avec 40 000 scans ; en rouge, le spectre du nitrite de sodium « ancien » dans le bois avec 40 000 scans Cependant, ces premiers spectres avaient été obtenus avec des réglages standards qui impliquaient des impulsions de puissance et un nombre élevé d’accumulations, ces deux derniers points pouvant entraîner un échauffement de la sonde et vraisemblablement une disparition du signal. Par ailleurs, les deux signaux larges, apparaissant à la droite du pic du nitrite de sodium sont, comme cela a été dit plus haut, attribuables au « ringing » de la sonde. Le protocole décrit précédemment impliquait donc de passer à la RQN de faible puissance, ce qui nous a permis d’obtenir des spectres de qualité (présentés dans les paragraphes suivants) nécessitant un temps de mesure raisonnable.
Analyse de l’influence de différents facteurs relatifs aux échantillons.
Après avoir démontré que le nitrite de sodium recristallisait dans le bois après imprégnation (par une solution aqueuse) et séchage, nous avons procédé à une série d’essais de façon à étudier l’influence des protocoles de préparation des échantillons. Influence de l’essence et du mode de séchage L’essence d’un bois est évidemment de première importance lorsque l’on étudie l’imprégnation de ce matériau. Afin de déterminer dans quel type de bois on peut introduire le plus possible de NaNO2, nous avons, en premier lieu, étudié l’influence de l’essence. Pour cela, cinq essences ont été sélectionnées et pour chacune d’elles, deux échantillons ont été préparés et traités selon les protocoles P1 et P2 respectivement (figure 27). Notre but n’était pas ici de réaliser une expérience le plus brièvement possible mais de disposer de spectres directement lisibles et comparables même lorsque l’imprégnation était relativement faible. Nous avons généralement accumulés 16000 scans et, si aucun signal n’était visible, nous sommes passés à un plus grand nombre d’accumulations en nous limitant toutefois à 131000 scans. En l’absence de signal dans ce dernier cas, nous décréterons que l’échantillon ne contient pas de nitrite de sodium. Les cinq essences choisies, qui sont représentatives des essences françaises, sont : – Le chêne qui est l’une des essences de feuillus les plus difficiles à traiter par imprégnation. Si l’on obtient un signal, on peut espérer que, pour toutes les autres essences, l’imprégnation et le marquage seront réalisables. – Le hêtre qui est une essence imprégnable va nous permettre de savoir s’il existe une interaction entre le matériau bois et le produit chimique. Cette essence sert aussi de référence dans le domaine du bois. Il est certain que la solution d’imprégnation pénètre dans ce type d’échantillon, il reste à savoir si le produit recristallise de telle sorte qu’un signal RQN soit visible. – Le frêne qui est une essence médiane entre le chêne et le hêtre (imprégnabilité moyenne) permettra de savoir s’il existe une limite quant au taux d’imprégnation du bois. Le sapin qui a été l’essence de référence pour les premiers essais que nous avons réalisés. C’est aussi une essence très présente dans l’industrie du bois et présente de ce fait un intérêt financier certain. – Enfin le pin, autre résineux fortement représenté dans certaines régions de France. La comparaison des différents spectres présentés dans la figure 37 montre que le signal diffère en fonction de l’essence. La comparaison de l’amplitude des fids rapportée à 16 000 scans10 (entre parenthèses dans les figures) permet d’estimer la quantité de nitrite de sodium introduit dans le bois. Ainsi un classement des essences peut être établi sur les quantités imprégnées dans les échantillons (de la plus imprégnée vers la moins imprégnée): Sapin>Pin=Hêtre>Frêne>Chêne. L’étude du tableau 4, extrait de la norme EN 305-02 sur la durabilité naturelle du bois massif, nous indique un ordre similaire mis à part pour le hêtre qui, d’après cette norme, est le plus imprégnable. Pour cette norme, on a établi le classement en fonction de l’épaisseur d’imprégnation. Ainsi un bois très imprégnable sera totalement imprégné alors qu’un bois peu imprégnable aura une épaisseur d’imprégnation de 3 à 6mm. Au vu de la taille de nos échantillons, l’imprégnabilité ainsi définie n’explique pas l’ensemble de nos résultats. 10 La RQN étant quantitative il est possible de ramener l’amplitude du signal au nombre de scans et ainsi d’établir une comparaison fiable. Chapitre 2 – 76 – L’étude des masses volumiques basales11 (MVB) permet d’apporter une réponse quant à l’emplacement du hêtre ci-dessus. Le sapin et le pin ont des MVB respectivement de 360kg/m3 et 485kg/m3 . Le hêtre possède lui une MVB de 560kg/m3 . Plus la MVB est basse et plus il est possible d’introduire de produit. Ainsi malgré leur faible imprégnabilité et la petitesse des échantillons, une quantité équivalente de produit (voire supérieure) a pu être introduite dans le sapin et le pin par rapport au hêtre (qui est très imprégnable). La comparaison des spectres pour une même essence montre que le mode de séchage influence la recristallisation des produits introduits dans le bois. Pour les trois premiers spectres présentés dans la figure 37, la largeur à mi-hauteur (LW) est plus importante dans le cas du séchage au séchoir. Cela signifie qu’il existe des défauts dans le réseau cristallin et on pourra donc qualifier la cristallisation de moins bonne qualité dans le cas du séchage au séchoir. Bien que les amplitudes des fids semblent plus importantes dans le cas du séchage au séchoir, cette tendance ne peut pas être certifiée du fait des incertitudes expérimentales. Le sapin est l’essence susceptible d’accueillir la plus grande quantité de nitrite de sodium. C’est donc lui qui sera choisi pour étudier les différents modes d’imprégnation sachant que, dans chaque cas, on considérera les deux types de séchage. Influence du mode d’imprégnation des échantillons. Le type d’imprégnation détermine a priori la quantité de produit qui sera introduite dans le bois. Dans le cas de l’imprégnation sous pression, le produit et le bois subissent des contraintes importantes qui peuvent affecter la recristallisation et donc le signal. Quatre échantillons sont imprégnés, respectivement, avec le protocole P1 à P4 (figure 27). Ces expériences permettent de voir l’effet de la pression sur les quantités de nitrite de sodium imprégnées et la recristallisation. La figure 38 montre les résultats pour les quatre échantillons cités précédemment.