Etude de faisabilité de la micro-méthanisation par
co-digestion à l’échelle des quartiers
Définition des ressources
L’un des principaux facteurs limitant la méthanisation à l’échelle d’un quartier est la fluctuation du gisement de la matière tant en quantité qu’en composition. Elle est due notamment aux saisons, aux fréquences des collectes, aux nombres habitants et aux périodes d’occupations des logements Si la fluctuation peut être moyennée dans le cadre d’importante installation comme à l’échelle d’une ville ou d’une région, elle est une contrainte qui doit être traitée dans le cas de plus petite installation. Chaque gisement est ainsi caractérisé par une quantité, une qualité et une fréquence qui lui est propre. La détermination de ces trois éléments permet alors de juger de la voie de valorisation la plus adaptée pour chaque déchet. a) Nature des gisements i) Les déchets verts (DV) Ils comprennent entre autres, les tontes de gazon, l’ébranchage et la taille des haies, provennant de parcs ou de jardins. Les quantités générées par cette catégorie de déchet sont estimées par FranceAgrimer [46] et l’ADEME [47,48], à une moyenne de 0,18 kg/hab/j, variant en fonction de l’urbanisation des zones ciblées. Cette valeur comprend le flux géré par les services publics, soit la fraction comprise dans les déchets des ménages et les volumes pris en charge par les déchèteries. Cette première va varier en fonction des pays, pour représenter entre 0,8% pour le Portugal, 3,86% pour la France et 7,2% du poids total des déchets ménagers en Finlande [49]. Les déchets municipaux vont quant à eux représenter la majeure partie des DV, en volume, soit environ 0,16 kg/hab./j (hors déchèterie) [50, 51]. Ces chiffres sont, toutefois, assujettis à la saisonnalité et la quantité moyennée par jour n’est alors que peu représentative. Les déchets des tontes sont par exemple, en France, concentrés sur 7 à 8 mois dans l’année. De plus même en considérant des valeurs moyennes entre 65kg/hab/an et 68kg/hab/an, il est difficile de statuer sur 24 la quantité et la qualité de ce gisement [52]. La littérature scientifique démontre le potentiel des DV pour la production de méthane, toutefois leur emploi va dépendre des caractéristiques physico-chimiques du gisement [53,54]. Dans les déchets verts fréquents dans les zones urbaines, le gazon est par exemple, facilement biodégradable. A l’inverse les branches et les feuilles sont généralement moins intéressantes pour un procédé de méthanisation, due à une plus importante concentration en ligno-cellulose, composé difficilement dégradable par voie anaérobie [55]. Des études ont toutefois réalisé avec succès la digestion anaérobie des DV après un prétraitement et/ou en co-digestion avec, entre autres, des déchets alimentaires, des graisses et des eaux noires. Les prétraitements employés sont alors des procédés alcalins (ozonation), mécaniques (broyage, presse) ou biologiques. Ils sont employés afin d’améliorer la disponibilité des composés organiques ou pour permettre la stabilité du gisement dans le temps et ainsi palier à sa saisonnalité [56]. Les DV présentent donc des contraintes à l’échelle de la méthanisation de quartier mais restent un déchet abondant et valorisable. ii) La fraction organique des déchets ménagers (FODM) et déchets alimentaires (DA) La FODM correspond à la matière organique fermentescible des déchets produits par les ménages. Elle représente près de 42% de la fraction organique des déchets municipaux [57,58]. Ces dernier sont, en France, estimés par l’ADEME à 20,2 millions de tonnes pour l’année 2013, en excluant les déchets issus de l’agriculture [51]. Les FODM sont produits quotidiennement, ils comprennent, notamment, des restes de viandes, des fruits, des végétaux et des graines. La fraction de déchet de cuisine représente environ 35% de leurs compositions et la fraction de papier sous forme de journaux, mouchoirs ou papiers absorbants, 36% [59]. En fonction des méthodes de collecte du déchet, qui diffèrent entre les pays, une part plus ou moins importante de contaminant est, de plus, présente. Il est ainsi retrouvé < 2% du poids total des déchets ménagers sous forme de plastique en Finlande et jusqu’à 6% au Portugal [49]. La collecte de ce type de déchets présente également de grande disparité en fonction des pays et de leurs politiques environnementales, seule une fraction plus ou moins grande de ces déchets est donc traitée [60]. Il est en effet démontré que la nature des FODM va varier en fonction de la région géographique, du nombre d’habitant, de leurs conditions sociales, de l’activité économique de la zone traitée, des habitudes et coutumes alimentaires, de la saison et du système de collecte [61,62]. De par sa nature complexe, sa caractérisation à des fins d’étude est généralement, réalisée par l’analyse de l’ensemble des déchets le composant. Les résultats sont présentés de différentes manières, en fonction des fractions glucidiques, protéiques et lipidiques, en fonction de la MS et du rapport C/N [50] ou directement par sa composition élémentaire C, H, O, N, S [63]. La biodégradabilité du déchet va principalement être estimée en fonction de cette caractérisation. Les viandes, riches en protéines sont fortement biodégradables, produisant entre 250 et 500 L de méthane par kg de matière volatile. Toutefois en trop grande quantité elles peuvent entrainer une inhibition par les concentrations en ammoniaque qu’elles génèrent [64, 65]. La production de méthane des fruits et légumes va dépendre de la nature de leurs glucides, variant de 180 à 732 et de 190 à 410 l de CH4/kgMV, pour respectivement les fruits et les légumes [66]. Les papiers représentent également une fraction de matière organique, mais sont majoritairement constitués 25 d’hémicellulose, composé difficilement dégradables entrainant, donc un faible rendement en biogaz [65]. Les lipides sont une source d’énergie facilement disponible pour la biomasse microbienne. Toutefois, comme les protéines, leur dégradation peut entrainer une inhibition de la méthanisation par accumulation d’acide gras volatil (AGV). La FODM est donc un gisement pertinent pour la production de biogaz, elle nécessite toutefois une attention particulière lors de la collecte [67, 68, 69, 70]. La fraction des FODM, comprenant des déchets de cuisine est assimilable aux Déchets Alimentaires (DA). L’extension de la définition des déchets de cuisines en déchets alimentaires s’accompagne d’un élargissement de leurs sources de collecte et des quantités impliquées. Cela comprend alors les restes de nourritures issus entre autres, des restaurants, hôtels, hôpitaux ou cantines. Les DA sont assujettis aux mêmes facteurs de variabilités que les FODM. La production de DA est estimée à environ 500g/repas pour les hôtels/restaurants et traiteurs et 315g/repas pour les cantines scolaires (tous niveaux confondus) [52,60]. Le Tableau 1 présente la composition de FODM et DA issue de la littérature, en fonction de leurs pays d’origine. Il comprend toutefois des déchets simulés, créés à des fins d’études qui ne permettent qu’une représentation des composants majeurs, estimés en fonction des pays.
Les eaux usées et boues primaires (BP)
Les eaux usées sont composées de l’ensemble des eaux d’évacuation d’une habitation et vont être classées selon leurs provenances. Leur production est estimée par l’Agence de l’eau à 150-500 l/cap/j, en fonction du nombre d’usagers [75]. L’intégralité des eaux usées n’est toutefois, généralement pas méthanisée. Les eaux grises (ou eaux ménagères) représentent 70% du volume total d’eau usées, elles sont la fraction d’eaux usées générées par les cuisines et salles de bain comprenant entre autres les éviers, douches, lave-linges et lave-vaisselles [76]. Ces eaux présentent des taux de composés chimiques élevés notamment due à la présence de savons, de parfums et de détergents. Elles se composent également de cheveux, de restes alimentaires et de fibres (lave-linge), constituant la majeure partie de la fraction solide. Leurs concentrations en matière organique restent cependant faibles, en proportion des volumes considérés, par conséquent elles sont rarement valorisées par méthanisation [77]. L’emploi de Zones de Rejet Végétalisées (ZRV) est toutefois une solution alternative efficace pour traiter ce gisement [77]. Les eaux noires, ou eaux-vannes proviennent elles, exclusivement des sanitaires et comprennent donc les fèces, l’urine, le papier toilette et une fraction d’eau. Elles concentrent ainsi la majeure partie des germes pathogènes et de la fraction organique des eaux usées [78]. La matière organique qui les compose est fortement dégradable. Les fèces sont composées pour un tiers de nourriture consommée non assimilée, principalement des fibres, un tiers de bactéries intestinales et un tiers d’intestin lui-même (un être humain en produit en moyenne 50kg/an [79]). Le papier toilette est, généralement, présent sous forme dissoute dans l’eau, il représente une source de matière organique, une personne en utilise environ 15kg par an. La fraction de ce dernier dépendra toutefois du système de toilette employé, sèche, aspirante, conventionnelle [56]. L’urine est également une source de MV, l’urée présente et provenant de la dégradation des protéines, y est une source importante d’azote. L’urine est estimée à 500l/an pour un être humain. Les eaux noires représentent un gisement intéressant pour la valorisation par méthanisation [80]. Pour conséquences elles sont le sujet de plusieurs publications visant à les caractériser et à étudier leurs rendements de méthane en alimentation seule ou par co-alimentation [80, 81, 79, 56, 78]. Les boues primaires (BP) sont issues des STEP ou de système de traitement autonome ne traitant que les eaux noires. A l’instar des autres types de boues leurs dénominations ont pour origine le procédé permettant leurs obtentions, à savoir un traitement primaire comprenant dégrillage, dessablage, dégraissage et décantation des eaux usées [82]. L’utilisation de boue primaire, à la place d’eaux usées brutes dans les procédés de méthanisation est justifiée par un profil de matière plus adapté. La décantation réalisée ayant pour effet d’augmenter le taux de matière sèche (siccité) sans modifier la qualité de la matière organique. Le ratio de matière organique y est donc plus élevé, ce qui induit un meilleur pouvoir méthanogène. Les volumes de matière à traiter sont également plus faibles et demandent donc des installations de taille plus réduite [83]. Il est considéré que les boues primaires concentrent entre 70 et 80% de la fraction organique initiale des eaux usées [84]. Les boues primaires sont toutefois à différencier des boues dites activées ou secondaires, pour lesquelles plusieurs traitements biologiques ont été appliqués. Les boues activées sont alors composées d’une plus grande concentration en cellules mortes dues aux développements de 27 micro-organismes ainsi que d’une importante fraction minérale provenant du traitement du N et du P [85]. Cette fraction minérale présente un faible intérêt pour la production de méthane [86]. De façon similaire les boues d’aération prolongée, non concentrées et issues d’un traitement biologique et les boues résiduelles après clarification, présentent des caractéristiques moins intéressantes que les boues primaires [1]. Au-delà des caractéristiques des différents gisements de boue, c’est l’abondance de ces derniers qui joue un rôle prédominant dans leurs emplois en méthanisation. En effet, le gisement d’eaux usées et de boues est généré quotidiennement, il ne varie que peu en fonction des saisons, ni en quantité, ni en composition. La production de boue résiduelle moyenne par jour est évaluée à 30 g MS/hab/j, en France [87, 88]. La littérature estime que la concentration en MS des eaux usées est de 0,07% et celle des boues primaires de 6% [82]. On en déduit que la production moyenne de boues primaires doit représenter entre 0,5 et 1 l/hab/j. La quantité de boue générée va toutefois dépendre, entre autres, du type et de l’efficacité des dispositifs de traitement des eaux ainsi que de la zone géographique. La méthanisation des boues urbaines permet de consommer la matière organique et de la valoriser par une production de biogaz. La transformation de la part organique va ainsi permettre une diminution des volumes de boues à traiter. Elle permet, de plus, une réduction de la flore pathogène initiale, une réduction des nuisances olfactives et une diminution de la nocivité des métaux lourds [89]. Ainsi, de nombreuses études ont également été menées sur les boues primaires, boues activées et boues mixtes (primaire et secondaire) par mono-digestion ou codigestion. Le Tableau 2 présente quelques-unes d’entre elles, les applications et les productions en biogaz qui leurs sont associées.
o Figures et Tableaux |