Etude comparée des bilans du groupe des Caisses d’Epargne et de la Société Générale

Les établissements étudiés et la collecte d’informations

Choix des établissements étudiés

Notre choix s’est porté sur deux établissements, le Groupe des Caisses d’Epargne et la Société Générale, présentant historiquement des différences fondamentales en terme de statut juridique et d’organisation.

Le groupe des Caisse d’Epargne

La Caisse d’Epargne a accédé au statut coopératif en 1999, auparavant son statut s’apparentait à un statut sui generis. En effet, avant la loi du 25 juin 1999, la Caisse d’Epargne était un établissement à but non lucratif et se posait alors la question de la propriété de ses capitaux propres accumulés grâce à la capitalisation des résultats bénéficiaires sans distribution de ces derniers.
En France, les établissements à statut coopératif63 ont vu le jour à la fin du XIX ème siècle pour favoriser l’accès au crédit à certaines catégories de populations, aider les ménages les plus modestes à se constituer une épargne, participer à une certaine cohésion économique et sociale. Aujourd’hui encore, des missions d’intérêt général, des projets d’économie sociale et locale sont mis en oeuvre par certains réseaux coopératifs comme la Caisse d’Epargne à travers, par exemple, des actions pour la cohésion sociale et contre l’exclusion. La caractéristique principale des banques coopératives réside dans leur organisation constituée par différentes entités organisées géographiquement selon un schéma de pyramide inversée car, à l’inverse des banques S.A (société par action), le niveau local détient le niveau régional qui lui même contrôle l’échelon national.
Au niveau national, l’organe central souvent dénommé Caisse Nationale ou Caisse Centrale définit les orientations stratégiques de l’ensemble du groupe, représente le réseau auprès des pouvoirs publics, centralise les excédents de trésorerie et organise une solidarité financière entre les diverses entités du groupe.
A la Caisse d’Epargne, les sociétés locales d’épargne sont des entités coopératives détenues sous forme de parts sociales par les clients sociétaires. Le principe « un homme, une voix » signifie que les droits de vote des sociétaires ne sont pas proportionnels à leur apport en capital. Contrairement aux actions, ces parts n’ont pas de valeur de marché, elles sont rachetables à leur valeur nominale par la société locale d’épargne et donnent droit au versement d’un intérêt. Ces sociétés locales d’épargne détiennent, à hauteur de 80%, les Caisses d’Epargne, les 20% restants sont détenus par la banque Natixis (issue du rapprochement des activités de banque d’investissement et de financement des groupes Banques Populaires et des Caisses d’Epargne) via des certificats coopératifs d’investissement.
La Caisse Nationale des Caisses d’Epargne, organe représentatif de l’ensemble du groupe définit les produits et services offerts à la clientèle, assure la centralisation des excédents de ressources et réalise toutes les opérations financières utiles au développement du réseau. Son capital est détenu en totalité par l’ensemble des Caisses d’Epargne.
L’organisation du groupe des Caisses d’Epargne correspond au modèle « rhénan » de type partenarial64 avec au niveau national et régional, une configuration Directoire et Conseil d’Orientation et de Surveillance dans lequel, en plus des représentants des actionnaires, sont représentés les salariés et les créanciers.
Des auteurs ont établi un lien entre les formes d’organisation, la répartition des droits de propriété du capital social et l’efficacité de la firme bancaire. Pour les tenants de la thèse anglo-saxonne, le manque de performance et de rentabilité serait directement imputable au statut juridique et à ses implications en terme de gouvernance. Le statut de banque coopérative minimiserait les contraintes de rentabilité auxquelles les banques SA sont soumises. Ces dernières sont, en effet, tenues de rémunérer leurs actionnaires et sont sanctionnées par le marché si elles sont jugées insuffisamment rentables ou mal gérées. Dans le cas du statut coopératif, la double qualité du sociétaire, à la fois propriétaire d’un partie du capital de la société et client créancier-déposant tendrait, en théorie, à diminuer les asymétries d’information et à favoriser une gouvernance axée à la fois sur la satisfaction des besoins et attentes de la clientèle et non pas à privilégier uniquement les attentes de l’actionnaire focalisé sur la rentabilité de son investissement.
Il est à noter que ces théories paraissent difficilement applicables à de grands groupes dans lesquels la représentation des sociétaires pris individuellement est très diluée. Les sociétaires favoriseraient aussi un management prudent contrairement aux actionnaires, en contrepartie, la rémunération des parts sociales serait moins rentable que les dividendes et plus values-attachées aux actions. Les arguments de la thèse anglo-saxone sont synthétisés dans le schéma suivant : Ces théories ne peuvent d’ailleurs pas s’appliquer aux groupes dont la Caisse Nationale est cotée en bourse (Crédit Agricole par exemple). De plus, l’exception française en matière de rentabilité du secteur coopératif a été démontrée (Gurtner, Jaeger, Ory, 2002 et Richez- Battesti et Gianfaldoni, 2005). Toutefois, dans les années à venir, les banques coopératives devront maîtriser leurs stratégies au risque de perdre en efficacité : « Néanmoins, rien ne garantit que l’efficacité dont ont fait preuve les banques coopératives ne sera pas remise en cause à l’avenir par leurs orientations stratégiques récentes. En effet, leur stratégie de croissance externe a ses limites : affrontement de cultures d’entreprises trop différentes, dilution de l’homogénéité qui faisait leur force, prise en charge d’activités dont le groupe n’a pas l’expérience, acceptation du risque de voir une part du capital du groupe acquise sur le marché (d’où la nécessité de conserver le contrôle et de rémunérer convenablement les actionnaires), remise en cause de l’organigramme, instauration de procédures et de circuits de décision plus longs, moins efficaces commercialement. » Gurtner, Jaeger, Ory, 2002, p. 26).
A titre d’exemple, le Crédit Agricole a annoncé vouloir se recentrer sur ses activités de banque de détail, génératrices de revenus stables et récurrents. En effet, le groupe a été contraint de procéder à une augmentation de capital de l’ordre de 5,9 milliards d’euros suite aux dépréciations d’actifs ayant affecté Caylon, banque d’investissement du Crédit Agricole, fortement affectée par la crise du « subprime ».
Se situant parmi les plus importantes banques de détail, le groupe des Caisses d’Epargne a toujours cherché à conjuguer utilité sociale et performance économique. Il compte désormais, avec la création de Natixis en 2006, développer ses activités d’investissement et de financement, de gestion d’actifs et de services financiers. Cependant, la priorité actuelle reste la recapitalisation de cette filiale fortement impactée par la crise du « subprime ».

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La Société Générale

La Société Générale, société par action, fait partie des trois piliers de l’industrie bancaire non mutualiste (avec BNP Paribas et le L.C.L appelés aussi les « trois vieilles »). Elle a été fondée en 1864 pour favoriser le développement du commerce de l’industrie en France. Nationalisée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle fut privatisée en 1987. Durant les années 80, dans un contexte de déréglementation et de mutation technologique, d’internationalisation des marchés et d’apparition de nouveaux instruments financiers, la Société Générale se fixe deux priorités commerciales. Elle entreprend un effort accru en direction des particuliers à partir de son réseau d’agences et par acquisition de filiales spécialisées. Elle développe aussi ses activités sur les marchés de capitaux, en France, puis sur les différentes places financières internationales. Présente dans 82 pays, ses activités sont orientées autour de trois grands pôles : la banque de détail, la gestion d’actifs et la banque de financement et d’investissement.
La Société Générale a accusé au début de l’année 2008, une perte historique de près de 4,9 milliards d’euros, presque équivalente au bénéfice net dégagé en 2006 (5,22 milliards), à la suite d’une fraude intervenue sur le marché des contrats à terme (voir encadré ci-après). Ses déboires l’ont contraint à procéder à une augmentation de capital à hauteur de 5,5 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2008. De plus, ses mécanismes de contrôle interne ont aussi été mis en cause à la suite du jugement, en février 2008, de « l’affaire du sentier », affaire de blanchiment d’argent sale portant sur un vaste trafic de chèques entre la France et Israël entre 1996 et 2001.

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