Etude comparée de l’émission d’électrons de nanopointes de tungstène et de diamant
Intérêt de l’utilisation de nanopointes
Facteur d’amplification géométrique pour un champ statique
En décrivant l’émission de champ à froid dans la partie précédente, nous avons vu qu’une telle émission demandait des champs électriques à l’apex très importants (de l’ordre du GV/m). De tels champs peuvent être atteints dans des échantillons de type nanopointe pour des tensions appliquées sur la pointe de l’ordre de la centaine de volts. La géométrie particulière des pointes permet l’accumulation de charges à leur apex. Cette accumulation appelée « effet de pointe » permet une forte amplification du champ électrique local à l’apex. La valeur du champ électrique F à l’apex en fonction de la tension statique VDC appliquée sur la pointe peut s’écrire : F = βVDC (1.17) où β est le facteur d’amplification du champ tel que β = 1/kr avec k un facteur géométrique et r le rayon à l’apex de la pointe. Il est à noter que la définition que nous donnons du facteur β n’est pas universelle. Dans notre cas, β est exprimé en m−1 . On peut aussi trouver dans la littérature F = βVDC/r avec un facteur β sans dimension. Le facteur k peut être pris ∼ 5 pour nos formes de pointes [Gomer (1961)]. La Figure 1.13 montre l’évolution du champ électrique local à l’apex de la pointe en fonction du rayon de la pointe pour une tension statique VDC = 500 V. Pour nos pointes, dont le rayon est en moyenne autour de 50 nm, le champ électrique à l’apex pour une tension de 500 V appliquée sera de 2 GV/m.
Facteur d’amplification optique
Nous avons vu dans la partie précédente que des champs électriques très intenses permettant une émission de champ à froid pouvaient être atteints facilement sur des objets nanométriques tels que des pointes. De la même façon, il est possible d’accroître fortement le champ électrique d’un rayonnement laser sur ce type d’objet. Le facteur d’amplification optique ξ permet de relier de façon proportionnelle le champ incident laser Ein au champ proche optique à l’apex de la pointe En f . Cette amplification n’est possible que pour des objets dont la taille est plus faible que la longueur d’onde du faisceau laser (< 800 nm pour nos lasers). Des nanopointes dont le rayon est de l’ordre de grandeur de la dizaine de nanomètres suffisent donc pour voir cet effet. On note le facteur d’amplification optique ξ : ξ = max (r) |En f(r)|/|Ein(r)| (1.18) avec r une coordonnée curviligne suivant la géométrie de la pointe. Le profil du champ E local étant inhomogène, ξ représente donc la valeur maximale que le champ prend sur la surface de la pointe Dans un article de 2015, Thomas et al. [Thomas et al. (2015)] mettent en évidence les différents paramètres agissant sur le facteur d’amplification ξ. On retrouve dans ces paramètres les constantes de la géométrie de la pointe (rayon et angle d’ouverture à l’apex), les propriétés du faisceau laser (longueur d’onde et largeur minimale) ainsi que les propriétés optiques du matériau (fonction diélectrique dépendant de la fréquence). Dans ce même article, la valeur du coefficient d’amplification optique a été calculée à l’aide d’une méthode par éléments finis (Figure 1.14). La pointe, d’un rayon de 10 nm à l’apex, est illuminée par un laser femtoseconde, considéré comme un faisceau gaussien, à 800 nm avec une durée d’impulsion de 5 fs. La pointe est prise de forme conique avec un angle d’ouverture de 15o et terminée par une sphère. Les valeurs du facteur d’amplification du champ vont de 4 à 10 ce qui signifie une amplification sur l’intensité lumineuse de 16 à 100. On remarque sur la simulation que l’amplification du champ suit la courbure de la pointe et s’atténue très rapidement sur une longueur de l’ordre du rayon de la pointe. Nous reviendrons sur le calcul numérique du facteur d’amplification optique à l’apex d’une nanopointe dans le chapitre 3, en soulignant notamment l’effet de la phase et de la polarisation du champ électrique incident du faisceau laser.
Facette d’émission
Dans ce paragraphe, nous discutons de l’importance de la structure cristalline du matériau de la pointe pour l’émission d’électrons. En effet, le travail de sortie vu par les électrons sera différent en fonction de l’orientation cristalline de la facette. Toutes nos nanopointes (tungstène et diamant) sont des monocristaux. Cela permet de s’assurer la localisation des facettes qui nous intéressent lors de la fabrication des pointes. Pour les pointes de tungstène, l’orientation cristalline (310) est la plus intéressante car elle possède le travail de sortie le plus faible pour le tungstène, φ = 4.35 eV. Dans la Figure 1.15a, Yanagisawa et al. [Yanagisawa et al. (2009)] montre que l’émission est la plus forte à partir des facettes (310) du cristal. Lorsque l’apex de la pointe est illuminé par un laser, Figure 1.15b, l’émission devient fortement asymétrique. La facette avec la plus forte émission est celle opposé à l’arrivée du faisceau laser. Nous verrons que ce résultat est confirmé par nos propres calculs ainsi que par nos expériences dans la suite du manuscrit.
Introduction |