Étude comparative des peptides antimicrobiens et des peptides pénétrants
Les dermaseptines
Parmi les peptides antimicrobiens originaires des vertébrés, la grande majorité des peptides identifiés est retrouvée exclusivement chez les amphibiens (Figure 5).La peau des amphibiens est effectivement riche en molécules qui possèdent une activité biologique et qui servent de première ligne de défense contre les pathogènes [42]. Les composants majeurs de cette défense chimique sont constitués de peptides analgésiques, antioxydants, inhibiteurs de protéases et antimicrobiens. Malgré le fait que le mécanisme de défense soit similaire pour toutes ces espèces, les molécules produites pour cette défense, et en particulier les peptides antimicrobiens, sont considérablement différentes et spécifiques à chaque espèce, variant ainsi en taille, charge, hydrophobie et activité. Les peptides produits par une espèce donnée sont toutefois très similaires (Tableau 1), étant des isomères de séquences et de structures conservées mais pouvant posséder des activités biologiques différentes. Il est ainsi possible de classer les peptides en plusieurs familles, selon leur homologie par alignement de séquences, parmi lesquelles peuvent être citées les phylloseptines, dermatoxines, phylloxines, hyposines ou dermaseptines [27, 43]. La famille des dermaseptines est l’une des familles de peptides qui n’est retrouvée que chez les rainettes de la sous-famille des phyllomédusines .
Les dermaseptines présentent des séquences d’une trentaine d’acides aminés (généralement entre 24 et 34) dont la composition peut grandement varier d’un peptide à un autre. Malgré cette divergence dans les séquences, les peptides sont tous cationiques du fait de la présence d’un nombre important de lysines. Contrairement aux défensines dont la structure est stabilisée par des ponts disulfures, les dermaseptines possèdent généralement une structure linéaire en hélice α amphiphile en présence de lipides membranaires, grâce à la répartition de leurs acides aminés hydrophobes (alanines et leucines, très présentes chez les dermaseptines) d’un côté, et hydrophiles (lysines) de l’autre [51, 52]. La grande majorité des dermaseptines a été principalement identifiée par leur remarquable activité antibactérienne. Toutefois, de nombreuses dermaseptines se sont révélées posséder des activités biologiques supplémentaires. La dermaseptine DRS-S1 fut le premier peptide antimicrobien qui stimule l’activité microbicide des leucocytes [53]. Depuis, de nombreuses dermaseptines ont révélé des activités immunomodulatrices, en stimulant l’activité du système immunitaire ou en l’inhibant. Par exemple, les dermaseptines DRS-S9 et DRS-DA4 peuvent induire un chimiotactisme, c’est-à-dire un mouvement de certaines cellules en réponse à une stimulation chimique, qui a un effet chémoattracteur envers les leucocytes permettant ainsi leur recrutement [54, 55]. Une dermaseptine étudiée au Laboratoire des Biomolécules est la dermaseptine isolée de la rainette Pachymedusa dacnicolor nommée DMS-DA5 selon la nomenclature proposée par le groupe de Pierre Nicolas : DMS correspondant à dermaseptine, DA pour dacnicolor et 5 39 pour être le cinquième peptide caractérisé chez cette espèce [56]. Cette dermaseptine possède une séquence de 29 acides aminés « GMWGKIKSTAKEAAKAAGKAALNAVSEAL ». En comparaison avec les autres peptides isolés chez Pachymedusa dacnicolor, DMS-DA5 s’est distinguée par son importante activité bactérienne, présentant des concentrations minimales inhibitrices très faibles (concentration la plus faible à laquelle la croissance bactérienne est complètement inhibée) égales à 3,1 µM contre Escherichia coli DH5α, Bacillus subtilis AIA et Salmonella enterica serovar typhimurium STM14028, et de 25 µM contre Pseudomonas aeruginosa [57].
Les peptides pénétrants
Généralités sur les peptides pénétrants
Depuis une trentaine d’années, une autre classe de peptides membranotropes a provoqué un intérêt grandissant. Ces peptides sont communément désignés par peptides pénétrants, peptides vecteurs ou Cell-Penetrating Peptides (CPP), et possèdent des appellations alternatives telles que Trojan Peptides ou domaines de transduction des protéines (Protein Transduction Domains ; PTD) [58, 59]. Ils se distinguent par leur capacité à pouvoir entrer dans les cellules sans avoir à se lier à un récepteur spécifique. Cette pénétration peut se réaliser en transportant une molécule dite cargaison (ou « cargo » en anglais) liée de manière covalente ou non à ces peptides, ce qui en fait des outils prometteurs pour le transport de molécules bioactives qui ne pourraient pas traverser la bicouche lipidique seules (Figure 6). En effet, ce transport a pu être réalisé in vitro et in vivo avec des petites et des grosses molécules incluant peptides, protéines (jusqu’à 120 kDa), acides nucléiques peptidiques (molécules similaires à l’ADN mais différenciées par leur structure qui est composée de plusieurs N-(2-aminoéthyl)-glycines liées par des liaisons peptidiques), oligonucléotides et analogues [60, 61, 62, 63, 64]. En comparant aux autres technologies de vectorisation existantes (virus, liposomes, nanoparticules, électroporation …), les peptides pénétrants présentent l’avantage d’être accessibles facilement par synthèse peptidique et de montrer peu ou pas de toxicité.
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