ETUDE COMPARATIVE DES FORMES DE COOPERATION ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE EN COTE D’IVOIRE DE 1983 A 2011
LA COOPERATION FRANÇAISE EN COTE D’IVOIRE
S’il est un domaine ou l’ancienne puissance coloniale a tenté de s’assurer, au moment de l’indépendance, c’est sans conteste, le domaine politique. Au lendemain de la décolonisation, la France n’a eu de cesse de discourir sur ses futures bonnes intentions concernant le continent africain, qui se résumait ainsi : le laisser libre de suivre son propre axe de développement, tout en lui portant assistance en cas de besoin. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, reprenait cette idée en affirmant que « S’agissant de la politique africaine de la France en général, vous pourrez observer que nous avons mis en pratique que nous ne nous mêlerions pas des choix politiques des africains : cela ne veut pas dire indifférence, cela ne veut pas dire désintérêt mais ça veut dire que nous considérons que les Africains ont à exercer en toute liberté leurs responsabilités et choisir librement leurs responsables politique. » Dans cette partie nous traiterons en premier lieu la coopération politique entre la France et la Côte d’Ivoire puisde la coopération économique, financière, et monétaire des deux pays et en fin évoquer des avantages et des inconvénients pour la Côte d’Ivoire dans sa coopération avec la France.
La coopération politique
Les relations historiques entre la France et la Côte d’Ivoire La France et la Côte d’Ivoire ont une histoire commune très ancienne et intime. Cette histoire débute avec l’arrivée des premiers colons à la fin du XIXe siècle, et se prolonge après la proclamation de l’indépendance ivoirienne le 7 août 1960. Le premier président du pays, Félix Houphouët-Boigny, sera le meilleur représentant de la Françafrique : avant de présider son pays d’origine, il occupera des fonctions politiques essentielles en France, et sera notamment un corédacteur de la Constitution de la Ve République. Il sera un ami proche du général de Gaulle, mais aussi de François Mitterand. Félix Houphouët-Boigny est donc profondément impliqué dans la vie politique française, tout en restant extrêmement attaché au développement de son pays. Pour autant, il n’est aucunement nationaliste, et croit fermement que ce développement ne pourrait se faire sans le maintien de relations étroites avec l’ancienne métropole. Il fut d’ailleurs un fervent défenseur, aux côtés du général de Gaulle, d’un projet nommé « Communauté franco-africaine », prônant une union entre la France et ses ex-colonies d’Afrique francophone. Ce projet n’a cependant pas vu le jour, bien qu’il ait été mis en œuvre de façon informelle en Côte d’Ivoire. En effet, au cours des premières années d’indépendance, il y aura jusqu’à 50000 Français installés en Côte d’Ivoire, que ce soit des chefs d’entreprises, des conseillers techniques ou militaires, des enseignants ou encore des commerçants . A cette époque, quasiment aucun ministre ivoirien ne peut agir sans avoir au moins un coopérant Français au sein de son cabinet. Jusqu’à la fin de sa présidence, Félix Dans le cadre de cette étude, le terme « Françafrique » sera utilisé pour décrire la relation que la France entretient avec ses anciennes colonies d’Afrique. Dans ses premières utilisations faites par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, ce terme avait une connotation positive, faisant notamment référence à la croissance économique et à la stabilité politique dont bénéficiait la Côte d’Ivoire grâce à ses relations avec son ancienne métropole. Cependant, il est aujourd’hui parfois utilisé pour critiquer la relation prétendument «néocoloniale » que la France entretiendrait avec ses anciennes colonies africaines. Dans le contexte de cette recherche, la Françafrique représente l’influence constante que la France possède sur l’Afrique, influence qui se note dans divers champs, notamment politique et militaire. Houphouët-Boigny restera proche, et s’entourera de Français dans son gouvernement, notamment Guy Nairay, qui sera directeur de cabinet jusqu’en 1993. Le successeur à la présidence, Henri Konan Bédié, conservera en partie cette manière de fonctionner. La Côte d’Ivoire apparaît alors comme étant la « chasse gardée » de l’ancienne métropole, et vit une espèce de symbiose avec cette dernière. A la fin des années 1970, ce modèle de Françafrique semble connaître un franc succès : notamment avec l’essor économique dû à l’exploitation du cacao, la Côte d’Ivoire devient un modèle de prospérité économique dans la région, et sa capitale Abidjan est même surnommée « Petit Paris ». Le lien entre les deux pays est si étroit que les opposants au régime politique de Houphouët Boigny ne sont pas les bienvenus en France, comme ce fut le cas pour Laurent Gbagbo dans les années 1970, lors de sa tentative d’exil. Jacques Chirac, lorsqu’il deviendra Premier ministre en 1986, conservera ces relations privilégiées avec le régime politique ivoirien, avec à ses côtés le célèbre Jacques Foccart. Suite à la mortde Félix Houphouët-Boigny le 7 décembre 1993, le rapport indéfectible entre Paris et Abidjan semble encore se réaffirmer lorsque quelques jours plus tard, les félicitations françaises sont adressées par télégramme au successeur constitutionnel de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié. Ce dernier reçoit un soutien déterminant de Paris ainsi que l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Michel Dupuch; malgré la volonté d’Alassane Ouattara d’accéder lui aussi au pouvoir. Après l’enterrement de l’ancien président ivoirien, la France ainsi que les pays francophones d’Afrique décident de mettre en place la dévaluation du franc CFA à compter du 1er janvier 1994, ce que Houphouët-Boigny avait toujours refusé de faire. Quelques mois plus tard, le nouveau Premier ministre français Édouard Balladur annonce que l’aide française au développement sera dorénavant mise sous condition d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Cette décision annonce la fin des rallonges budgétaires auparavant facilement accordées par la France aux pays africains « amis » : l’ancienne métropole ne semble plus appuyer inconditionnellement la gestion et le développement de ces derniers33 . Le génocide au Rwanda et la responsabilité présumée de la France dans le soutien au régime de Kigali sonnent la fin de la belle époque des relations France-Afrique. Même si la France continue à fournir de l’aide à l’Afrique, ce ne sera plus en privilégiant ses anciennes colonies. De plus, il n’est plus question que les forces militaires françaises interviennent en Afrique si ce n’est dans le but de protéger leurs ressortissants. La France met alors en place le RECAMP (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), dont le but est de former les armées africaines afin qu’elles puissent elles-mêmes gérer les tensions dans leur région. C’est dans un tel contexte qu’éclate le coup d’État ivoirien, le 24 décembre 1999, portant au pouvoir le général Robert Gueï. Dans des circonstances passées, l’ancienne métropole française serait très probablement intervenue afin de rétablir l’autorité de Bédié ; mais la France, au même moment, est en situation de « cohabitation » : Jospin continue de promouvoir une politique étrangère et militaire française reformée et moins interventionniste, et l’emporte sur la vision plus traditionnelle de Chirac. Bédié abandonne donc le pouvoir, et s’exile à Paris. La France ainsi que l’Union Européenne feront tout de même pression sur le général Gueï afin que ce dernier organise des élections légitimes. En Octobre 2000, après avoir tenté de conserver par la force le pouvoir, Gueï respecte finalement les résultats de l’élection présidentielle qui annoncent Laurent Gbagbo vainqueur. Ce dernier est officiellement reconnu en tant que président légitime par la France et au début de l’année 2001, le gouvernement de Lionel Jospin reprend son aide au développement, qui avait été suspendue sous le régime militaire de Robert Gueï. En mai 2002, Jacques Chirac est élu président : en matière de politique africaine, il a davantage les mains libres que sous le gouvernement socialiste de Jospin, et cette absence de contraintes va se révéler déterminante par la suite. Au cours de sa présence dans le gouvernement français, Lionel Jospin, premier secrétaire du Parti socialiste durant de nombreuses années et premier ministre en 1997, a développé une doctrine du « ni-ni »35. Il s’agissait alors de ni s’ingérer, ni être indifférent face à ce qui pourrait bien se passer en Afrique. Ceci devait permettre de mettre fin, selon lui, à toutes les polémiques suscitées par les interventions quasi-constantes, automatiques et historiquement justifiables de la France en Afrique. L’on veut, avec cette nouvelle
La coopération militaire
Les accords de défense
Des accords de défense, tenus secrets, existent entre la France et la Côte d’Ivoire auxquels s’ajoutent des accords d’assistance technique et militaire. La crainte de la part des Etats nouvellement indépendants, que ces accords puissent constituer une porte ouverte à une ingérence dans les affaires intérieures était un sentiment minoritaire, la plupart des dirigeants africains acceptant cette présence militaire allant même jusqu’à réclamer que leurs gardes personnelles soient constituées d’éléments de l’armée française. Dix ans après, certains Etats ont dénoncé les accords de défense, remettant en cause la présence française en Afrique. La Côte d’Ivoire n’a jamais demandé à modifier les clauses de ces accords. Ces derniers divergent par leur forme et leur présentation, mais leurs thèmes principaux sont analogues, comme le fait remarquer Pascal chaigneau. « Aux termes de ces textes, les Etats africains sont responsables de leur défense intérieure et extérieure (…) mais ils peuvent demander à la république française une aide, une aide militaire notamment définie dans les accords spéciaux » .En effet, des conventions spéciales et sécrètes vinrent s’ajouter aux accords de défense. Elles sont de deux types, soit relatives à la défense extérieure, soit relatives à la défense intérieure. Elles relèvent du secret militaire. La dimension politique de ces conventions, qui consacrent la possibilité pour la France d’intervenir pour assurer la défense intérieure d’un Etat, est évidente puisqu’elles satisfont deux volontés : celle du maintien au pouvoir des dirigeants africains, protégés des coups d’Etat et celle de la protection du pré carré français. Il semble cependant, même si aucune source officielle ne le confirme, que la plupart de ces conventions secrètes concernant la défense intérieure sont aujourd’hui considéré comme caducs par la France. Concernant les questions de défense extérieure, le gouvernement français, par accords, peut protéger à leur demande certains régimes « menacés par l’extérieur ou même par une opposition intérieure dont il serait toujours possible d’évoquer ses ramifications ou ses soutiens à l’étranger »40 . En 1986, F. Mitterrand rappelait que « la France n’avait pas pour mission et ne s’est pas donnée pour mission de régler les problèmes intérieurs, c’est-à-dire les luttes entre factions, entre partis, entre ethnies. Ce n’est pas notre affaire. Mais de temps en temps, nous devrons remplir nos obligations internationales. La France a signé des accords de défense avec des pays d’Afrique noire. Si ces pays font appel à la France parce qu’une menace extérieure pèse sur eux, il est normal que la France soit présente. »41 Tout est question alors d’appréciation entre menace extérieur et menace intérieure. Les clauses sécrètes des accords impliquent par ailleurs d’octroi d’une priorité à la France sur les ventres de matières premières stratégiques comme l’uranium. La France et la Côte d’Ivoire sont liées par sept accords dans le domaine militaire : un accord général de défense d’avril 1961, une convention secrète sur le maintien de l’ordre et considérée par Paris comme caduque, et enfin cinq accords signé entre 1965 et 199842. F Houphouët Boigny a toujours considéré ces accords, la présence de forces permanentes françaises à Port-Bouet et l’assistance militaire technique, comme une garantie de sécurité du pays et comme un moyen de faire de substantielles économies. Depuis l’indépendance et jusqu’en 1999, la stabilité de la Côte d’Ivoire n’avait jamais été sérieusement menacée, ce qui a pu être interprété comme le résultat de la protection assurée par la présence des troupes françaises. F. Houphouët Boigny a demandé seulement une fois l’application des accords de défense en 1990 lors des manifestations étudiantes. Mais la France avait répondu négativement à la requête du président ivoirien suivant la doctrine mise en place lors de l’affaire tchadienne, selon laquelle la France n’interviendrait en Afrique qu’en cas d’agressions extérieurs. Sous H. Konan Bédié, la France a été, de nouveau, sollicitée à plusieurs reprises. En décembre 1999, lors du putsch du général Gueî, le président Bédié demanda l’application de l’accord de défense. Des dissensions internes au sein du gouvernement français et l’application de la doctrine « ni ingérence, ni indifférence » ne conduisirent à une nouvelle réponse négative, même si le président déchu trouva refuge à la base de Port-Bouet avant de partir pour la France. En janvier 2001, lors de la première tentative de coup d’Etat contre L. Gbagbo, le gouvernement ivoirien reçut à nouveau une réponse négative de la part de la France sur l’application des accords de défense. Le 28 septembre 2002, Laurent Gbagbo affirme avoir actionné les Accords de défense avec la France. Pour le gouvernement ivoirien, la tentative de coup d’Etat a été préparée depuis l’extérieur. Le pouvoir d’Abidjan accuse le président burkinabé, Blaise Compaorée, d’être « le seul et unique déstabilisateur de la côte d’Ivoire43.» Ainsi il fait « appel aux amis français au nom des liens traditionnels de coopération ». Le pouvoir ivoirien, autrefois chantre du refus de toute intervention française utilise le chantage. Le message à l’intention du gouvernement français est le suivant : « un refus d’intervention pour rétablir l’ordre légal équivaudrait à l’abandon d’un pays ami en proie à une agression terroriste . » La France, dans un premier temps, a affiché une forte réticence à intervenir dont les interprétations politiques ont été diverses. La thèse officielle est celle d’un refus d’ingérence, la France ayant souligné que ce conflit, qui mettait aux prises des éléments ivoiriens, était une crise ivoiro-ivoirienne. Le ministre de la défense a ainsi affirmé, le 20 septembre 2002, que « pour l’instant il s’agit d’une affaire qui est purement intérieure à la Côte d’Ivoire et que les demandes d’aide se font dans un cadre extrêmement précis, la France n’a pas l’intention de s’ingérer dans le domaine d’un pays45.» Le 23 septembre 2002, le colonel commandant le 43éme BIMA « confirmait qu’il n’était pas question pour les militaires français de se mêler d’une crise ivoiro-ivoirienne à 100%46 . » La France semble donc avoir refusé l’application de l’accord de défense puisque les autorités ont rappelé que celui-ci ne fonctionne qu’en cas d’agression extérieure avérée. L’accord prévoit en effet « que les parties contractantes manifestent la volonté de coopération dans le domaine de la défense, notamment de la défense extérieure » étant précisé à l’article 1er, que « la République Française, la République de Côte d’Ivoire se prêtent assistance pour préparer et assurer leur défense.47 » Gbagbo voit dans ce refus d’intervention pour rétablir l’ordre légal, « l’abandon d’un pays ami en proie à une agression terroriste48
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