Etude comparative de la formation de bio film par des souches cliniques de salmonelles non typhiques

Bactériologie

Caractères morphologiques

Le genre Salmonella (Figure 1), appartenant à la famille des Enterobacteriaceae, est caractérisé par des bacilles à coloration Gram négatif, non sporulant, la plupart du temps doués d’une mobilité propre grâce à des flagelles péritriches (à l’exception de Salmonella Gallinarum). La taille des bâtonnets varie entre 2 et 5 µm de longueur sur 0,7 à 1,5 µm de largeur (Korsak et al., 2004).

Caractères culturaux

Les salmonelles sont des bactéries mésophiles de type aéro-anaérobie facultatif se présentant sous forme de bacilles à Gram négatif. Elles sont peu exigeantes d’un point de vue nutritionnel car pouvant pousser facilement dans un milieu ordinaire à base d’extrait de viande.
Leur développement est optimal à des températures proches de la température corporelle des animaux à sang chaud, 35 à 37°C, et un pH de 6,5 à 7,5. Leur multiplication reste assurée à des températures de 6,7 à 41°C. Le large spectre de températures (-20 à 60°C) et de pH (4,1 à 9) auxquels elles sont capables de survivre, ainsi que leur capacité à résister à l’activité de l’eau (aw) de 0,94 en font des bactéries extrêmement résistantes aux conditions environnementales, même difficiles et expliquent leur caractère ubiquiste (Lebrazi, 2011).

Caractères biochimiques

Les caractéristiques biochimiques des salmonelles sont leurs capacités à réduire le nitrate en nitrite mais aussi de se contenter du citrate comme source de carbone. Elles fermentent le glucose avec ou sans production de gaz.
Il existe d’autres caractéristiques biochimiques permettant l’identification des salmonelles tels que l’absence d’uréase et de tryptophane désaminase, l’absence de production d’indole e d’acétoïne (test de Voges-Proskauer négatif), l’absence de fermentation du lactose, du saccharose, de l’inositol, de l’amygdaline, de l’adonitol et du 2-cétogluconate, la production de sulfure d’hydrogène (H2S) à partir du thiosulfate (présence d’une thiosulfate réductase), et la décarboxylation fréquente de la lysine et de l’ornithine. (Korsak, 2004 ; Lebrazi, 2011).

Caractères antigéniques

Il existe plus de 2600 sérovars de Salmonella qui se différencient par la nature de leurs antigènes. Donc l’identification précise d’une Salmonella consiste à déterminer sa formule antigénique. Comme toutes les entérobactéries, les salmonelles peuvent posséder trois types d’antigènes ayant un intérêt diagnostique.
L’antigène somatique (O), est un antigène de la paroi qui est porté par les chaînes spécifiques du lipopolysaccharide (LPS).
L’antigène flagellaire (H) est un polymère de flagelline, qui est une protéine de structure des flagelles. Cet antigène est thermolabile, détruit par la chaleur à 100° C, par l’action de l’alcool et par les ferments protéolytiques.
L’antigène de surface (Vi) est un antigène de l’enveloppe, il a été identifié chez trois types de sérovars : Typhi, Paratyphi C et Dublin mais toutes les souches de ces sérovars ne possèdent pas forcément cet antigène (Rycroft, 2000).

Epidémiologie des salmonelloses non typhiques

Les maladies d’origine alimentaire comme les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont une cause importante de morbidité et de mortalité, surtout chez les enfants à travers le monde. Certains serovars (sérotypes) du genre Salmonella tels que Typhimurium et Enteritidis sont souvent responsables de ces infections (Weill, 2008).
Les salmonelloses non typhiques, improprement dites mineures, sont responsables d’infections sporadiques ou épidémiques, le plus souvent en raison de la contamination des aliments. Elles entraînent des gastroentérites, des formes invasives étant observées chez les malades à risques, en particulier les malades immunodéprimés (VIH, Paludisme…). C’est une des causes majeures de mortalité infantile en Asie et en Afrique (Aubry et Gauzere, 2018). Contrairement aux pays développés, en Afrique subsaharienne, les salmonelles non typhiques (SNT) sont identifiées comme les principales bactéries isolées dans le sang chez les adultes et les enfants et sont associées à 20 à 25% de décès (Abdelkader et al., 2017).

Pathogénicité et aspects cliniques des salmonelloses non typhiques

En général, les salmonelles peuvent entraîner un portage sain, qui se limite strictement au tube digestif, avec une excrétion de bactéries allant de moins de 10 à 107 germes par gramme de fèces. L’excrétion fécale peut être intermittente, on parle de porteur inapparent. Il peut aussi arriver que, les salmonelles soient hébergées dans les monocytes et les macrophages (Figure 2) où elles sont capables de survivre sans se multiplier. Dans certains cas avec des symptômes diarrhéiques et d’hyperthermie, lorsque le système immunitaire de l’hôte est soit déficient, soit dépassé par le nombre de salmonelles envahissant l’organisme. Cette pathologie peut s’exprimer à la faveur d’ingestion d’une dose de l’ordre de 105 à 108 germes soit un portage sain avec passage  de quelques bactéries dans l’organisme mais sans symptômes apparents (Ahmer et Gunn, 2011). Plusieurs sérotypes de salmonelles peuvent causer une infection systémique chez les humains au statut immunitaire diminué. Chez le sujet sain, la plupart de ces sérotypes engendrent une diarrhée fébrile, des vomissements, des douleurs abdominales. Par contre, chez les sujets âgés ou immunodéficients, des bactériémies, des septicémies et des localisations extradigestives, en particulier vasculaires sont observés (Korsak, 2004).

Les étapes de la formation de biofilm

Le processus de formation des biofilms (Figure 4) se résume en cinq étapes : adhésion réversible des bactéries de la phase planctonique à une surface, irréversibilité de l’adhésion correspondant à la synthèse de structures à la surface des bactéries, formation de microcolonies, puis développement de ces microcolonies traduisant le stade de maturation du biofilm et colonisation de nouvelles surfaces (Roux et Ghigo, 2006).

Adhérence réversible

En milieu liquide ou exposé à l’humidité, les bactéries planctoniques s’approchent d’une surface solide par un mouvement brownien, par sédimentation ou par mobilité active (présence de flagelles) (Beloin et al., 2008).
L’adhésion fait intervenir différentes types d’interactions que l’on pourrait classer en interaction électrostatique et non électrostatique qui sont des interactions faibles entre la surface et les bactéries (interactions de type van der Waals …). A ce stade, la bactérie peut se détacher de la surface et retrouver son état planctonique (Michael Dunne Jr, 2002)
L’attachement réversible est fortement influencé à la fois par les conditions environnementales telles que le pH et les forces ioniques ou la température du milieu, par la nature de la surface elle-même, avec la rugosité qui augmente la surface d’adhésion ou les surfaces hydrophobes telles que les plastiques qui sont plus susceptibles d’être colonisées par les bactéries que les surfaces hydrophiles telles que le verre et le métal (Donlan, 2002).

 Adhérence irréversible

La transition de l’attachement réversible vers l’irréversible implique une fixation active et spécifique des microorganismes sur un support. Cette adhésion est possible grâce à la sécrétion de polymères extracellulaires qui forment des ponts de fixation entre la cellule bactérienne et la surface ou entre deux cellules. Les structures d’adhésion diffèrent selon le type de micro-organisme. Pour l’adhésion des bactéries Gram négatif, seront impliqués les pili, les curli, les capsules et le glycocalyx. Quant à l’adhésion des bactéries Gram positif ce sont les acides teichoïques, l’acide mycolique, la capsule et le glycocalyx qui sont impliqués. D’autres structures peuvent également être impliquées (Van Houdt et Michiels, 2005).

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Développement précoce du biofilm

Il se matérialise par la production continue d’exopolysaccharides, mais aussi par une multiplication des cellules bactériennes adhérées à la surface.
Les bactéries s’agrègent entre elles et forment des microcolonies, qui sont protégées par la matrice extracellulaire (Tolker-Nielsen et Molin, 2000).

Maturation du biofilm

L’étape de maturation consiste au développement des microcolonies et à leur structuration. Elles vont se développer en piliers d’épaisseur variable et vont être englobées dans la matrice extracellulaire. Les espaces qui séparent les microcolonies vont devenir les canaux du biofilm (Van Houdt et Michiels, 2005).
La maturation du biofilm est divisée en deux phases. La première phase est marquée par des régulations de gènes engendrant un changement marqué de phénotype par rapport aux formes planctoniques. Elle concerne essentiellement des gènes codant pour des protéines impliquées dans des métabolismes anaérobies, cela suggère une faible présence d’oxygène, surtout dans les zones les plus proches du support. Soixante-dix gènes subiraient des modifications au cours de la maturation d’un biofilm (Whiteley et al., 2001). Durant la seconde phase, il y aura une synthèse protéique importante différente de celle ayant lieu lors de la première phase (Sauer et al., 2002 ; Clutterbuck et al., 2007).

La composition du biofilm

L’utilisation de la microscopie optique, puis confocale, a permis de montrer que le biofilm est composé d’agrégats de microorganismes, séparés par des espaces libres, dépourvus de bactéries et parcourus par des courants aqueux. Ceux-ci y assurent la circulation de fluides et permettent à la fois l’apport de nutriments aux bactéries et l’élimination de leurs produits de dégradation.
Ainsi, le biofilm n’est pas un milieu homogène, mais un environnement structuré qui présente souvent une architecture complexe, très variable d’un biofilm à l’autre selon les microorganismes qui le composent et les conditions environnementales (Donlan, 2002)
Le développement de l’architecture des biofilms bactériens est en grande partie lié à la production de la matrice extracellulaire par les bactéries du biofilm. Cette matrice inclut tous les éléments du biofilm autre que les microorganismes. Elle est essentiellement composée d’eau (jusqu’à 97 %), de polymères polysaccharidiques secrétés par les microorganismes, de produits de dégradation et de substances provenant du milieu extérieur. Néanmoins, on peut également y trouver d’autres composants, tels que de l’ADN, de l’ARN et des lipides (Annexe 4) (Sutherland, 2001).

Diagnostic d’une infection à biofilm

Actuellement les outils diagnostiques ont, pour l’essentiel, été développés pour leur efficacité sur des bactéries en phase planctonique. Néanmoins certains sont utilisés pour diagnostiquer des infections à biofilm.
Il y’a le diagnostic indirect qui se base sur les signes cliniques tels que la présence d’une infection de plus de 30 jours, la présence d’une infection subaiguë, une réinfection à l’arrêt du traitement, la présence d’un biofilm visible…D’autres outils diagnostic utilisent la détection de biomarqueurs topiques telles que la détection de produit de la matrice ou la détection d’enzymes inflammatoires (par exemple les protéases, les élastases) (Delorme, 2012).

Matériel et Méthodes

Cadre et période d’étude

Cette étude s’est déroulée sur une période de neuf (9) mois (juillet 2019 à mars 2020) au Pôle de Microbiologie de l’Institut Pasteur de Dakar. Le Pôle de Microbiologie est un pôle de recherche dirigé par Docteur Yakhya DIEYE. Les thématiques principales de recherche sont axées sur l’étude du microbiome, de l’antibiorésistance, des infections entériques, etc. Ainsi, les activités développées au sein du pôle sont diverses. Elles comprennent la caractérisation phénotypique et génotypique des bactéries entéropathogènes avec un focus sur l’épidémiologie moléculaire et la résistance aux antibiotiques. Par ailleurs, le Pôle de Microbiologie participe à la formation d’étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar dans le cadre de la préparation de différents diplômes universitaires (Master, Doctorat, diplôme d’Ingénieur). Le laboratoire est également impliqué dans les enseignements universitaires, en particulier dans la formation en Microbiologie des médecins, pharmaciens et techniciens de laboratoire.

Matériels

Souches bactériennes

Au total 50 souches de salmonelles susceptibles de produire des biofilms ont été isolées à partir de divers échantillons biologiques (selles, urines, pus, LCR, liquide pleural, sang) au laboratoire de bactériologie du Centre Hospitalier National d’Enfants Albert Royer (CHNEAR).
Les isolats bactériens ont été classés en souches invasives (celles provenant des urines, du LCR, du liquide pleural, du pus et du sang) et non invasives (celle provenant des selles).

Milieux de culture

Pour l’isolement et la purification des souches de salmonelles, des milieux gélosés ont été utilisés. La gélose nutritive qui est un milieu non sélectif largement utilisé pour la culture des microorganismes peu exigeants. Le milieu Salmonella- Shigella (SS) qui est un milieu sélectif utilisé pour l’isolement des salmonelles et des shigelles dans les prélèvements cliniques et les denrées alimentaires.
La gélose SS est un milieu modérément sélectif où l’inhibition des microorganismes à Gram positif est due à la présence de sels biliaires, de vert brillant et de citrate de sodium. Les concentrations élevées en citrate et thiosulfate de sodium limitent le développement des coliformes et évitent l’envahissement du milieu par les Proteus. La fermentation du lactose en acide est révélée, en présence de rouge neutre, par la formation de colonies rouges. Les microorganismes lactose négatif présentent des colonies incolores. En présence de thiosulfate et de citrate ferrique, les microorganismes producteurs de sulfure d’hydrogène donnent des colonies à centre noir (Figure 5).

Méthode de formation de biofilm sur microplaque

La méthode est basée sur la technique décrite par Stepanovic et al. (2004) qui utilise un certain nombre de réactifs (Annexe 1). Les souches ont été cultivées sur gélose Trypticase Soja (GTS) et incubées pendant 24h à 37°C. Une colonie a été transférée dans un tube contenant 5 ml du bouillon Luria Bertani (LB). Les tubes ont été incubés à 37°C pendant 24h et 48h.
Le lendemain 1,4 ml de milieu CFA (Colony Forming Antigen) a été ajouté dans un tube Eppendorf pour chaque souche à tester. Quatorze microlitres (14 µl) de la culture de nuit ont été ajoutés et le mélange est passé au vortex. Cent microlitres (100 µl) du mélange ont été inoculés dans chaque puit de la microplaque. Six puits ont été utilisés par souche étudiée. Le milieu CFA stérile a été utilisé comme témoin et introduit dans les puits aux alentours pour vérifier la stérilité. Après ces étapes, la plaque est incubée à 37°C pendant 24 heures. Le lendemain 25 µl de Crystal Violet 1% ont été ajoutés dans chaque puit, puis on laisse reposer sur la paillasse pendant 15 minutes. Les plaques sont rincées trois fois à l’eau distillée. Après séchage des plaques, celles-ci sont remplies de 200 μl d’acide acétique (33%). Le Crystal violet lié au biofilm est libéré par addition de l’acide acétique (33%) (Annexe 2).
L’absorbance a été lue en utilisant un lecteur de plaque ELISA (spectrophotomètre « IMark » couplé à un ordinateur intégré du logiciel Microplate Manager Software version 6.1) (Figures 9 et 10) à la longueur d’onde 595 nm.

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