Étude bibliographique vol animal et biomimétisme
Le vol animal a de tous temps fasciné l’homme, qui y a vu naturellement une source d’inspiration pour l’accomplissement de son plus vieux rêve. Ainsi les premières « ma- chines volantes » dessinées par Léonard de Vinci reproduisaient la structure des ailes des chauves-souris. Les échecs de ce type de concepts furent toutefois nombreux autant que dé- courageants et, sitôt mis en évidence les mécanismes de génération de portance sur une aile mise en incidence au sein d’un écoulement uniforme, on se tourna alors vers les voilures dites fixes pour s’arracher à la pesanteur. Cependant, pendant que l’aviation ne cessait de progresser avec les succès que l’on connaît, nombreux étaient ceux qui s’interrogeaient encore sur les mystères du vol animal, en tentant d’en percer les secrets à la lumière des nouvelles découvertes dans le domaine de la mécanique des fluides. Depuis le vol plané des grands rapaces jusqu’au vol acrobatique des plus petits insectes, les études couvrant le sujet furent multiples et variées, et même si de nombreuses zones d’ombre subsistent encore aujourd’hui, des découvertes considérables ont jalonné le siècle dernier, résolvant des paradoxes sur lesquels achoppaient les chercheurs durant longtemps. Ces dernières années, les recherches actives menées dans le domaine des microdrones ont suscité un supplément d’intérêt pour l’étude du vol des insectes, vus comme autant de concepts prometteurs de par leur taille et leur maniabilité. Une des caractéristiques les plus utiles étant la capacité à faire du vol stationnaire (hovering), défini comme un vol durant lequel la position de l’animal en l’air reste constante. Une telle aptitude se révélerait indispensable pour des engins destinés à des missions d’observation, a fortiori si celles-ci se déroulent dans des espaces clos.
L’étude du vol animal dans son ensemble représente une somme considérable de travaux, envisagés sous des angles aussi variés que la simulation numérique de l’écoulement autour d’ailes battantes, ou encore le calcul de puissances par la mesure de la consommation d’oxygène d’oiseaux en vol. C’est pourquoi nous proposons ici un aperçu de ces travaux centré essentiellement sur le vol des insectes et le vol stationnaire. oiseaux. Ce dernier ordre peut lui même être subdivisé suivant le type de vol : les plus gros oiseaux, tels les rapaces ou les grands oiseaux de mer, effectuent la majorité de leur vol en planant, c’est-à-dire que les ailes restent fixes et s’appuient sur les courants ascendants pour gagner de l’altitude. Certaines espèces sont d’ailleurs incapables, de par leur masse, de décoller du sol, et il leur est nécessaire de plonger depuis une falaise ou un arbre puis d’effectuer une ressource pour prendre leur envol [Ritchison 2003]. Les plus petits oiseaux, tels les passereaux, ont quant à eux un vol qui alterne très rapidement des phases de battement d’ailes et des phases « propulsées » durant lesquelles l’oiseau garde ses ailes rabattues le long du corps et utilise son inertie pour avancer tout en réduisant sa traînée aérodynamique. Entre ces deux extrêmes, on trouve la quasi-totalité de l’ordre, qui bat ses ailes régulièrement à fréquence moyenne dans un plan proche de la verticale.
Cette classification simpliste serait bien évidemment à nuancer : d’une part certains oi- seaux sont capables de vol stationnaire : on voit ainsi des espèces de rapaces rester plusieurs secondes en vol stationnaire, que ce soit en vol contre le vent (il ne s’agit dans ce cas que d’un vol stationnaire relativement au sol) ou bien pour repérer une proie avant de fondre sur celle-ci, comme le balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) [Flemming et al. 1992]. Plus remarquable est la famille des trochilidés, comprenant le colibri ou oiseau-mouche : il s’agit en effet de la seule espèce d’oiseau capable d’effectuer un vol stationnaire stabilisé, par exemple pour se nourrir du nectar de fleur en fleur [Greenewalt 1960, Carpentier 2000]. D’autre part certains insectes n’accomplissent pas de vol stationnaire au sens strict du terme, mais oscillent très rapidement autour d’un point fixe. À l’échelle d’un observateur humain, ce type de vol pourra tout de même être considéré comme stationnaire. Enfin, des animaux autres que les oiseaux ou les insectes peuvent voler : ainsi la chauve-souris, qui est le seul mammifère ailé et qui est capable qui plus est de courtes phases de vol stationnaire. L’exocet (Exocoetus volitans) ou poisson volant est également capable de voler hors de l’eau sur de très courtes distances, bien que ce vol s’apparente en réalité plus à une trajectoire balistique.