Être tuteur, expérience et compétences des étudiants en deuxième année de santé

L’intérêt pour l’enseignement par les pairs est grandissant depuis plus d’une dizaine d’années dans le monde de l’enseignement supérieur. Le tutorat est défini, dans la plupart des revues, comme « un modèle pédagogique mettant en lien des personnes de groupes sociaux similaires qui ne sont pas des enseignants professionnels, qui s’entraident pour apprendre et qui apprennent en enseignant. ».[1–4] Il est reconnu comme un outil d’enseignement et d’évaluation pertinent et fiable. [1, 5–9] Par ailleurs, les étudiants-tutorés apprécieraient autant l’enseignement par les pairs que l’enseignement par le système universitaire standard.[3, 5, 10–13] En France, sa présence est une obligation légale dans les cursus licence ou assimilé depuis 1998, modifiée par un arrêté en février 2014.[14–16] Le tutorat est très répandu au sein des facultés de santé notamment dans le second cycle des études médicales européennes.[1, 17, 18] En France, le tutorat est aussi très présent durant la Première Année Commune aux Etudes de Santé (ou PACES).[19] Cette année d’étude est sanctionnée par une épreuve sélective, dont le nombre de places accessibles est actuellement fixé annuellement par le gouvernement français via le numerus clausus. La réussite de cette année est la voie d’accès principale pour entrer dans les études de santé.[14, 20]

A Angers, le tutorat est présent en première année des études de santé depuis plus de 10 ans, à destination des étudiants inscrits en PACES, et récemment à destination des étudiants inscrits en PluriPASS. Ce nouveau parcours, exclusivité angevine, permet l’accès aux études de santé soit à la fin du deuxième semestre soit à la fin du troisième semestre, via des épreuves écrites ou des oraux.[20] Ce tutorat est organisé depuis 3 ans par une association étudiante multidisciplinaire (Médecine, Pharmacie, Maïeutique) : l’Association Angevine du Tutorat de PluriPASS ou 2ATP [21] Le tutorat se décline par des actions d’enseignement et de révisions en groupes restreints, des actions d’évaluation et d’entrainement, d’orientation auprès des lycéens, de soutien, de représentation, etc. Le tout est encadré par des tuteurs.[19, 21, 22] En début d’année universitaire, plus d’une centaine d’étudiants de premier cycle sont volontaires et bénévoles pour endosser le rôle de tuteur. Ils sont encadrés par des enseignants responsables de la matière enseignée. Les tuteurs ne sont pas rémunérés. Ils sont également encadrés par des « chefs de matière », étudiants sélectionnés pour leurs compétences et leur motivation parmi les anciens tuteurs qui sont, quant à eux, rémunérés. A la fin d’une formation spécifique, les actions du tutorat commencent : encadrement de rentrée, pédagogie en groupes restreints, évaluation par QCM, entrainement à l’oral, aide à l’orientation, soutien psychologique… représentant une quantité de travail estimée à environ quarante cinq heures par semestre d’étude. Les tuteurs participent de façon globale à toutes les actions du tutorat.

Alors que la littérature est foisonnante sur le tutorat par les pairs dans le second cycle des études médicales à l’étranger (simulation, apprentissage de l’examen clinique, réflexion clinique et thérapeutique,…), elle est très pauvre en ce qui concerne le premier cycle, probablement parce qu’il s’agit d’une spécificité française.[1, 6, 7, 23] De plus, ce ne sont pas les tuteurs, mais plus souvent les tutorés qui font l’objet des études.

Méthodologie, stratégie d’échantillonnage et de recrutement

Il s’agissait d’une étude qualitative par focus groupe d’une dizaine d’étudiants-tuteurs, puisqu’il n’existait a priori pas de frein à la discussion en groupe.

L’échantillonnage visait la variation maximale sur des critères sociodémographiques et scolaires retenus comme potentiellement influents : le sexe, la nationalité française ou non, la catégorie socioprofessionnelle des parents, le fait de bénéficier ou non d’une bourse, le type de baccalauréat et la mention obtenus, la filière en santé suivie par l’étudiant, le moment d’admission (soit au semestre deux, au semestre trois ou via une passerelle), le type d’admission (via les oraux vs directe), et enfin le statut de membre actif au sein d’une association étudiante.

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Les participants aux focus groupes étaient principalement issus de la promotion des tuteurs de 2017-2018. De façon à obtenir la variation maximale souhaitée, des tuteurs des années précédentes ont également pu être intégrés aux focus groupes. Les étudiants ont été sélectionnés à partir du registre des inscrits à l’optionnel tutorat, en complétant le recrutement avec l’aide des responsables de la 2ATP. Une invitation par mail leur a été envoyée.

Guide d’entretien et recueil de données

Le guide d’entretien a été établi après lecture de la littérature sur le sujet. Les thèmes abordés étaient l’expérience du tutorat, les motivations du tuteur, le rôle de tuteur, les limites et difficultés rencontrées et les compétences développées  . Il a évolué au fur et à mesure des entretiens. La saturation des données était visée.

Les focus groupes étaient animés par un intervenant extérieur au tutorat. Une attention particulière a été apportée afin de limiter le leadership au sein des groupes. Les entretiens ont eu lieu à la fin de l’engagement des tuteurs à la faculté de santé d’Angers. Ils ont fait l’objet d’enregistrements numériques audios. A la fin des discussions, le remplissage d’un questionnaire anonyme permettait le recueil des caractéristiques des participants.

Les entretiens ont été retranscrits dans leur intégralité mot pour mot puis anonymisés. Les retranscriptions anonymisées ont été conservées, à l’inverse des enregistrements audios qui ont été supprimés. La lecture des retranscriptions des entretiens a été proposée aux participants.

Présuppositions des chercheurs

Au préalable de ce travail, une liste de présuppositions des chercheurs a été établie : les tuteurs présenteraient une expérience positive de leur rôle, un engagement pouvant s’expliquer par la volonté de proposer une égalité des chances au concours face aux classes préparatoires, de même qu’une attirance particulière pour la pédagogie et pour le monde associatif, ainsi qu’un souhait d’améliorer leurs connaissances et de faire des rencontres. L’investissement des tuteurs serait chronophage et nécessiterait une organisation personnelle adéquate, avec des difficultés lors de la prise de parole devant un groupe. Les tuteurs développeraient des compétences dans le domaine de la pédagogie avec la création de supports pédagogiques, celui de la communication orale, et du maniement des outils numériques, mais aussi dans l’accompagnement pédagogique personnalisé des tutorés.

Analyse

Les données ont été codées manuellement dans une approche phénoménopragmatique. Le codage a été effectué par le chercheur principal. L’analyse thématique a été triangulée et stabilisée avec un deuxième chercheur par ailleurs animateur des focus groupes.

Considérations éthiques et réglementaires

Compte tenu des objectifs et du design de l’étude, celle-ci ne nécessitait pas d’accord préalable du Comité de Protection des Personnes. Le consentement des participants a été recueilli de manière orale après information au début des focus groupes.

Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODE
1. Méthodologie, stratégie d’échantillonnage et de recrutement
2. Guide d’entretien et recueil de données
3. Présuppositions des chercheurs
4. Analyse
5. Considérations éthiques et réglementaires
RÉSULTATS
1. Description de la population étudiée
2. Données recueillies
DISCUSSION
1. Forces et limites
2. Intérêt de l’enseignement par les pairs
3. Enjeux de la formation pédagogique des tuteurs
4. Développement des compétences utiles aux futurs professionnels de santé
CONCLUSION

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