ETIOLOGIES DES KERATODERMIES PALMO-PLANTAIRES CHEZ LES ENFANTS
DEFINITION
Les KPP sont un ensemble hétérogène de maladies cutanées, caractérisées par une hyperkératose des paumes et des plantes. Les différentes entités des KPP sont fondées sur les descriptions cliniques et histologiques des lésions, le mode de transmission, l’âge d’apparition des premiers symptômes, la présence de lésions extra-palmoplantaires, l’association à d’autres maladies et les mutations génétiques. L’hyperkératose peut être localisée dans beaucoup de syndromes ou, au contraire, être plus marquée dans les syndromes incluant des troubles de la différenciation
PARTICULARITES PHYSIOLOGIQUES DES PAUMES ET DES PLANTES
La morphologie palmoplantaire est unique par rapport au reste du tégument : des crêtes interpapillaires allongées, l’acanthose, l’hypergranulose et l’hyperkératose physiologiques. La peau palmoplantaire ne contient pas de follicules pileux ni de glandes sébacées et apocrines. Cette morphologie se traduit dans un programme de différenciation propre à l’épiderme palmoplantaire par rapport au reste du tégument. Cette différenciation inclut l’expression spécifique et exclusive de la kératine K9. Les couches épineuses de l’épiderme palmoplantaire expriment aussi les kératines K6a, K6b, K16 et K17 qui, d’ailleurs, ne sont retrouvées que dans les structures annexielles ou l’épithélium stratifié des muqueuses. Dans la couche granuleuse, on note de nombreuses granules de kératohyalines riches en loricrine. La couche cornée palmoplantaire est riche en proline par l’expression accentuée des SPRR, protéines précurseurs de l’enveloppe cornée. 3 Finalement, la couche cornée palmoplantaire possède un profil lipidique qui diffère du reste du tégument et qui entrave une diffusion ou perte d’eau transépidermique palmoplantaire accentuée [6, 7, 8, 9,10].
RAPPEL SUR LA KERATOGENESE
La couche cornée est un résultat de deux modifications des kératinocytes dans leur évolution depuis la couche basale jusqu’à leur position externe superficielle. La première modification correspond à une migration verticale des kératinocytes, leur différenciation ainsi que leur transformation en cornéocytes qui vont desquamer. La seconde modification correspond à l’arrangement harmonieux de ces kératinocytes en un épithélium stratifié, imperméable, assuré en partie par un ciment intercellulaire constitué en majorité de lipides [11]. Chaque cellule germinative se divise par mitose et donne naissance à deux cellules. L’une reste en place et l’autre commence une migration verticale . [8] Pendant son ascension, la cellule migratrice se différencie morphologiquement et biochimiquement. Les différentes phases de la différenciation se déroulent dans les quatre compartiments de l’épiderme. Ce sont: la phase de synthèse protéique, de transition dite aussi de dégradation des organites cellulaires et enfin celle de formation de l’enveloppe cornée. En superficie de la couche cornée, les cornéocytes se détachent de l’épiderme (desquamation) après la lyse du cément intercellulaire et des cornéodesmosomes principalement sous l’action d’une enzyme sécrétée par les kératinosomes, la stéroïde-sulfatase
PHYSIOPATHOLOGIE DES KPP
Actuellement, les KPP peuvent être classées en groupes fonctionnels : mutations d’une protéine de structure (kératine), de l’enveloppe cornée (loricrine, transglutaminase), de la cohésion (plakophiline, desmoplakine, desmogléine), de la communication cellulaire (connexines) et de la transduction du signal transmembranaire (cathepsine C) : – Comme la kératine K9 est restreinte à l’épithélium de la paume des mains et de la plante des pieds, une mutation de son gène entraîne une kératodermie non transgrédiente épidermolytique qui est limitée exclusivement à la paume des mains et à la plante des pieds. – Les mutations du gène de la loricrine entraînent une kératodermie de type loricrine et le syndrome de Vohwinkel dans sa variante ichthyosiforme (le syndrome de Camisa). – Les mutations de la desmogléine 1 et de la desmoplakine entraînent respectivement des kératodermies striées 1 et 2 (KPPS1 et KPPS2). – Les mutations du gène de la connexine qui est une composante de la jonction lacunaire (GAP Junction) entraînent le syndrome de Vohwinkel et le syndrome de Clouston. – Les anomalies de la cathepsine C qui est une enzyme lysosomale jouant un rôle dans l’activation des sérines protéases sont responsables du syndrome de Papillon-Lefèvre et sa variante allélique, le syndrome de Haim-Munk. La maladie de Méléda est causée par des mutations d’une protéine sécrétée SLURP-1
CLASSIFICATION ET DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
Selon la classification clinique de Greither, les KPP sont classées en trois groupes : les KPP héréditaires, les génodermatoses avec KPP et les KPP acquises. Cette classification est très importante tant sur le plan diagnostique que sur le plan thérapeutique mais elle est aussi difficile à cause de la morphologie variable des lésions, les variations inter et intrafamiliales de l’aspect clinique et l’utilisation de nomenclatures différentes .
DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
ANAMNESE
Anamnèse familiale
L’anamnèse familiale permet souvent de distinguer les KPP acquises des formes héréditaires ou associées à une génodermatose. Un arbre généalogique détaillé permettra souvent de déterminer ou de suspecter un mode de transmission, essentiel dans la classification des KPP héréditaires.
Anamnèse personnelle
Les KPP héréditaires ou les génodermatoses avec KPP apparaissent le plus souvent pendant les premiers mois de vie dans un contexte familial. Les formes acquises se développent à n’importe quel moment dans la vie et sont souvent liées à un ou plusieurs facteurs externes, tels qu’une surcharge mécanique, des problèmes orthopédiques, la prise de certains médicaments ou des carences nutritionnelles. 6 L’anamnèse peut aussi révéler une histoire d’eczéma allergique, une prédisposition atopique ou un contact avec des personnes infectées
CLINIQUE
Examen des paumes et des plantes
L’aspect clinique permet de classer les KPP, particulièrement les formes héréditaires, en des formes diffuses, focales, en « îlots », striées ou ponctuées, mais permet également d’évoquer l’étiologie des formes acquises. Les mycoses, par exemple, montrent souvent une atteinte asymétrique aux bords marginés, avec une atteinte interdigitale et une dystrophie unguéale ou sousunguéale associées. Les verrues, avec une distribution focale, sont caractérisées par une surface rugueuse et par des saignements punctiformes après parage. La déformation des pieds et des mains indique la prédisposition des patients à développer des callosités mécaniques.
Examen cutané
L’examen clinique de l’ensemble du tégument, des phanères et des muqueuses est important dans l’approche diagnostique des KPP. L’absence d’autres signes cutanés permet déjà de suspecter, soit une KPP héréditaire, soit une KPP acquise mécanique ou induite par les médicaments. La présence de signes cutanés en dehors des paumes et des plantes permet de classer une KPP dont l’aspect clinique en lui-même n’est souvent pas spécifique.
Dédicaces |
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