Etiologie de la pourriture charbonneuse du niébé

Etiologie de la pourriture charbonneuse du niébé

Généralités sur le niébé (Vigna unguiculata (L.) Walp.) 

 Systématique du niébé 

La taxonomie des espèces de niébé reposait sur des caractères morphologiques. Selon (Verdcourt, 1970; Maréchal et al. 1978) le niébé appartenant à l’ordre des Fabales, à la famille des Fabaceae, à la sous famille des Faboideae, à la tribu des Phaseoleae, à la sous tribu des Phaseolinae, au genre Vigna et à la section Cafiang. 

Description botanique du niébé

 Le niébé, Vigna unguiculata (L.) Walp., est une plante morphologiquement proche du haricot, et qui appartient comme celui-ci à la famille des légumineuses. C’est une plante annuelle à port variable buissonnant, érigé, prostré, rampant et à croissance déterminée ou indéterminée. Sa hauteur atteint 30 à 60 cm avec une tige pouvant être à section circulaire, grêle, parfois légèrement cannelée, glabre. Les feuilles sont trifoliolées et les inflorescences en grappes axillaires (Zinder, 2009). Il faut signaler que les deux premières feuilles sont des feuilles simples et opposées et les feuilles suivantes sont trifoliées avec des folioles ovales. Les fleurs peuvent être de couleur blanche, jaunâtre, bleu pâle, rose, violet. Les gousses du niébé sont dressées par paire, formant un V, non déhiscentes de dimension allant de 8,5-30 cm x 0,5-1,2 cm selon les variétés. Les graines de tégument blanc, blanc-rosé, brun, rosé sont au nombre de 8 à 20 par gousse (Zinder, 2009). Le système racinaire est pivotant avec de nombreuses ramifications. Les racines peuvent porter des nodules qui renferment des bactéries fixatrices d’azote (Kabore, 2013) (figure 1). 4 Figure 1 : une plante de niébé en stade de floraison.

 Écologie du niébé

 Le niébé a été domestiqué en Afrique de l’Ouest, et a été diffusé dans les autres régions de l’Afrique et sur les autres continents par les migrations et les routes de commerce. Les températures optimales de sa culture varient entre 25 et 28 °C (Kabore, 2013). Le niébé présente une bonne performance dans les zones agro-écologiques où la pluviométrie est de 500 à 1200 mm/an. Cependant, grâce aux variétés précoces et extra-précoces, il peut pousser dans le Sahel où la pluviométrie est inférieure à 500 mm/an (Dugje et al., 2009). Les besoins en eau du niébé sont de l’ordre de 200 mm/tonne de matière sèche/ha (Diaw, 1999). En ce qui concerne le sol, le niébé n’est pas très exigeant, mais croît de préférence sur des sols bien drainés, sablo-limoneux à limono-argileux, à pH= 6 ou 7 (Dugje et al., 2009).

 Importance de la culture du niébé 

Importance économique 

Dans le monde, 70 % de la production du niébé provient de l’Afrique de l’Ouest et du Centre dont le Nigeria occupe à lui seul, 66 % de cette production (PICS, 2008). Le niébé fournit une source importante de revenus pour la plupart des familles rurales et est, par conséquent, considéré comme une culture de rente pour les populations rurales (Quin F. M, 1997). La valeur actuelle nette des bénéfices émanant des investissements dans la recherche et la vulgarisation portant sur le niébé en Afrique de l’Ouest sur une période de 20 ans à compter de 2000 se situe dans une fourchette de 300 millions à 1 milliards de dollars US, avec un taux de rendement interne variant de 50 à 100 % (Kristjanson, 2002). Au Sénégal, l’arachide, 5 produit de rente, jadis base de l’économie sénégalaise, avec le niébé, sont les principales légumineuses cultivées dans le pays (Guèye et al., 2010).

 Importance alimentaire

 Le niébé est l’aliment de base apprécié en Afrique car ses feuilles, ses gousses vertes et ses graines sèches peuvent être consommées et commercialisées. Certaines variétés à cycle court, mûrissent tôt, ce qui permet de disposer d’un aliment de bonne qualité pendant les périodes de soudure. La graine mûre contient 23-25 % de protéine, 50-67 % d’amidon, des vitamines B tel que l’acide folique qui est important dans la prévention de malformation chez le nouveau-né. Elle est également riche en micro-éléments essentiels, tels que le fer, le calcium et le zinc (Cissé & Hall, 2002). La graine moulue est utilisée pour la préparation de plusieurs plats traditionnels africains, dont la bouillie, le pain, l’aliment de sevrage pour enfants ou encore transformée en beignets. Les fanes de niébé sont utilisées dans l’alimentation du bétail (Ishikawa et al., 2013). 

Importance agronomique 

Le niébé n’est pas seulement une plante d’intérêt alimentaire, mais aussi, a des avantages agronomiques. C’est une plante qui permet d’améliorer la teneur du sol en azote grâce à ses racines qui comportent des nodules renfermant des micro-organismes (bactéries du genre Rhizobium) capables de fixer l’azote atmosphérique. Le niébé est donc appelé à jouer un rôle dans les systèmes d’assolement et de rotation de cultures avec les céréales. C’est un bon précédent cultural pour ces dernières car il pourrait contribuer à la réduction des apports d’engrais minéraux ; ce qui est un facteur économique pour les paysans. Les fanes abandonnées au champ constituent une source importante de fertilisation du sol en éléments minéraux. Le niébé en végétation peut servir de plante de couverture (surtout pour les variétés rampantes ; ou à feuillage dense). La plante permet de garder l’humidité du sol à l’aide du couvert que réalisent les feuilles. Elle soustrait ainsi le sol de la dégradation causée par le vent, le soleil, l’eau de pluie et de l’érosion. 

 Contraintes de la culture de niébé 

 Contraintes abiotiques

 Les principales contraintes abiotiques de la culture du niébé sont la pauvreté, l’acidité des sols, la sécheresse, les mauvaises pratiques culturales (Singh et al., 1997). L’excès d’engrais 6 azoté peut également être une contrainte en ce sens qu’il entraînera une croissance végétative abondante mais une faible production de graines (Ishikawa et al., 2013).

 Contraintes biotiques

 La culture de niébé est l’hôte de nombreuses maladies, d’insectes et d’adventices. L’intervention d’un ou de plusieurs de ces ennemis peut compromettre toute la récolte en cas de fortes attaques. En effet, le niébé est sensible à la compétition établie par les mauvaises herbes dont les plus importantes sont : Cyperus rotondus, Euphorbia geniculata, Euphorbia heterophylla,Striga gesnorioldes etc.(Nebie, 1992). Par ailleurs, certains insectes ravageurs comme les bruches (Bruchidae), attaquent les graines de niébé après récolte quand elles ne sont pas bien conservées. Parmi les bruches, il faut noter que Callosobruchus maculatus (F) et Bruchidius atrolineatus (PIC) constituent les deux espèces les plus redoutables pour le niébé durant son stockage (Maïga & Issa, 1988). De plus, certains pathogènes fongiques causent la fonte de semis (Ndiaye, 2007). C’est le cas de : Corticium rolfsii (Sacc.) Curzi, Macrophomina phaseolina, Rhizoctonia solani Kühn, Pythium spp. Ils peuvent infecter les semences et empêcher ainsi leur levée ou détruire la plantule après la levée : c’est la fonte de semis post-émergence. Il s’agit en général de : M. phaseolina (Gaikwad & Sokhi, 1987). 

Généralités sur la pourriture charbonneuse 

 Caractéristiques de l’agent causal 

La pourriture charbonneuse constitue la maladie la plus destructive rapportée sur le niébé. Elle est causée par un champignon du genre Macrophomina. Ce pathogène est classé dans la famille des Botryosphaeriaceae (Crous et al., 2006). M. phaseolina est caractérisé par un mycélium très ramifié, d’abord hyalin puis noirs charbon ou gris cendre avec l’âge. Très rapidement, ce mycélium forme des microsclérotes noirs de 50 à 90 μm de diamètre (Adam, 1995). Les pycnides sont noirs et globuleuses de 100 à 200 μm avec des ostioles par lesquels sont libérées les conidies. Les conidies sont hyalines, ellipsoïdes à ovoïdes avec des dimensions de 14 à 30 × 5 à 10 μm (Crous et al., 2006). Le champignon est capable de se conserver dans le sol durant plusieurs années en absence d’hôtes sensibles, notamment grâce à ses sclérotes. Les températures chaudes, de l’ordre de 28 à 35°C, et les stress hydriques favorisent les attaques dues à M. phaseolina. Ce parasite est responsable des pertes de rendement sur des cultures économiquement importantes comme le sorgho, le soja, le haricot, 7 le maïs, l’arachide et le niébé (Bouhot, 1967). Ce parasite provoque également des dégâts importants sur d’autres cultures comme : le gombo (Hibiscus esculentus), le sésame (Sesamum indicum), et l’oseille (Hibiscus sabdariffa) (Ndiaye, 2007). Au Sénégal, M. phaseolina a été signalé pour la première fois en 1964 sur niébé (Vigna unguiculata (L.) Walp.), arachide (Arachis hypogaea), arachide de bambara (Voandzae subterranea (L.) Verdc.), et tournesol (Helianthum annuum) dans les régions de Diourbel et de Kaolack (Bouhot, 1967). Durant ces 30 dernières années, les superficies infestées par cette maladie ont considérablement augmenté dans la région de Louga à cause de la monoculture du niébé (Cissé & Hall, 2002). Cette pratique par laquelle le niébé est semé en continue sur un même champ était une réponse aux sécheresses, puisqu’il est une des rares espèces capables de produire dans ces conditions.

Dégâts induits par l’agent causal 

phaseolina peut causer des dégâts considérables sur le niébé quand les sols deviennent chauds et secs (Ndiaye, 2007). C’est un pathogène tellurique à large gamme d’hôtes et est responsable des pertes de rendement sur des cultures économiquement importantes comme le sorgho, le soja, le haricot, le maïs, l’arachide et le niébé (Bouhot, 1967). Ce parasite provoque également des dégâts importants sur d’autres cultures comme : le gombo (Hibiscus esculentus), le sésame (Sesamum indicum), et l’oseille (Hibiscus sabdariffa) (Ndiaye, 2007). Selon (Shanmugam & Govindaswamy, 1973), les pertes causées par M. phaseolina sur les cultures d’arachide peuvent dépasser 50 %. Ainsi, aux Etats Unis, les pertes moyennes de rendement dues à la pourriture charbonneuse sont estimées à peu près à 734. 670 tonnes de 1996 à 2009. Dans la zone Sahélienne Ouest-africaine (incluant Burkina Faso, Niger et Sénégal), la pourriture charbonneuse cause des pertes de rendement moyen de 10 % ce qui est équivalent à 30 000 tonnes de niébé avec une valeur estimée en dollars américains à 146 millions seulement pour le Niger et le Sénégal (Sarr, 2015). 

Taxonomie de Macrophomina phaseolina 

En se basant sur les caractéristiques morphologiques, le pathogène a été inclut dans la famille des Botryosphaeriaceae, en démontrant une ressemblance entre Macrophomina et les espèces de Tiarosporella. Tous les deux ont des conidies avec un appendice apical hyalin. Cependant, Tiarosporella n’a pas de microsclérotes, les conidies ne brunissent pas avec l’âge, et ses cellules conidiogènes n’ont pas de proliférations percurrentes visibles (Crous et al., 2006). Selon la classification de (Tassi) Goid, 1947,Macrophomina appartient à la règne des Fongi, division des Ascomycota, classe des Ascomycètes, , famille des Botryosphaeriaceae, au genre Macrophomina et à l’espèce Macrophomina phaseolina. 

 Cycle biologique de Macrophomina phaseolina sur niébé 

phaseolina est un agent pathogène tellurique, ayant une biologie complexe et une large gamme de plantes hôtes, dont le niébé. M. phaseolina se conserve dans le sol sous forme de microsclérotes (Sy et al., 2001), et dans les graines de niébé sous forme de microsclérotes ou de mycélium (Rémi, 1997). Les microsclérotes dans le sol servent d’inoculum primaire (Ndiaye, 2007). La germination des microsclérotes se produit lorsque les températures sont entre 28 et 35 °C (Darcy, 2003). Les exsudats racinaires induisent la germination des microsclérotes qui infectent les racines. Les hyphes infectieux pénètrent les cellules épidermiques des racines de l’hôte par une pression mécanique et enzymatique ou par les ouvertures naturelles. La croissance des hyphes est d’abord intercellulaires dans le cortex, puis intracellulaire dans le xylème (Pare, 1988). Une fois dans le tissu vasculaire elle provoque la maladie par l’encombrement mécanique du xylème par les sclérotes, par la production de toxines et par des enzymes pectinolytiques entraînant une lyse cellulaire. Les plantes infectées présentent des lésions nécrotiques sur les tiges, les feuilles et les pédoncules. A partir des pédoncules, le champignon se propage sur les gousses et envahit les graines. Après la mort des plantes infectées, la colonisation par le mycélium et la formation de sclérotes dans le tissu hôte continuera jusqu’à ce que les tissus soient secs. Le mycélium et les microsclérotes produits dans le matériel végétal infecté, y compris les résidus végétaux sont les moyens de propagation de l’agent pathogène. La pourriture des racines et des débris végétaux infectés conduit à la libération des microsclérotes lors de la décomposition. Les microsclérotes ainsi libérés peuvent survivre dans le sol pendant 2 à 15 ans selon les conditions environnementales (Ndiaye, 2007) (Figure 2).

Table des matières

INTRODUCTION
I. Synthèse bibliographique
I.1 Généralités sur le niébé (Vigna unguiculata (L.) Walp.)
I.1.1 Systématique du niébé
I.1.2 Description botanique du niébé
I.1.3 Écologie du niébé
I.1.4 Importance de la culture du niébé
I.1.4.1 Importance économique
I.1.4.2 Importance alimentaire
I.1.4.3 Importance agronomique
I.1.5 Contraintes de la culture de niébé
I.1.5.1 Contraintes abiotiques
I.1.5.2 Contraintes biotiques
I.2 Généralités sur la pourriture charbonneuse
I.2.1 Caractéristiques de l’agent causal
I.2.2 Dégâts induits par l’agent causal.
I.2.3 Taxonomie de Macrophomina phaseolina
I.2.4 Cycle biologique de Macrophomina phaseolina sur niébé
I.2.5 Symptômes de pourriture charbonneuse
I.2.6 Facteurs influençant la sévérité de la maladie
I.2.7 Méthodes de lutte
II. Matériel et méthodes
II.1 Site expérimental
II.2 Matériel
II.2.1 Matériel fongique
II.2.2 Matériel végétal
II.3 Méthodes
II. 3.1 Echantillonnage
II.3.2 Préparation du milieu de culture fongique
II.3.3 Isolement du champignon au laboratoire
II.3.4 Purification du champignon au laboratoire
II.3.5 Identification du champignon
II.3.6.1 Caractérisation macroscopique et microscopique de Macrophomina
II.3.7 Evaluation des paramètres climatiques et du stress hydrique au champ
II.3.7.1 Evaluation de la température, de l’humidité et de la pluviométrie
II.3.7.1.1 Dispositif expérimental de l’essai 1
II.3.7.1.2 Conduite de l’essai
II.3.8 Evaluation du stress hydrique sur la sévérité de la maladie
II.3.8.1 Dispositif expérimental de l’essai 2
II.3.8.2 Conduite de l’essai
II.3.6.3 Détermination de l’inoculum potentiel dans les tissus
III. Résultats
III.1 Identification de l’agent causal
III.2 Caractérisation morphologique des deux espèces de Macrophomina au laboratoire
III.2.1 Caractérisation macroscopique et microscopique de Macrophomina
III.2.2 Variabilité du poids des sclérotes
III.2.3 Effet de la température sur la vitesse de croissance mycélienne de M. phaseolina et de M. pseudophaseolina
III.2 Effet des paramètres climatiques sur le développement de la maladie
III.2.1 Effet de la température, de l’humidité et de la pluviométrie
III.2.1.1 Situation de référence de l’inoculum initial de Macrophomina dans le sol avant semi
III.2.1.2 Variation des paramètres climatiques aux différentes dates d’observation
III.2.1.3 Variations de l’incidence en fonction des différents stades de développement
III.2.1.4 Variation de la sévérité en fonction des différents stades de développement
III.2.2 Effet du stress hydrique sur le développement de la maladie
III.2.2.1 Situation de référence de l’inoculum primaire de Macrophomina dans le sol avant semis
III.2.2.2 Composition physico-chimique du sol
III.2.2.3 Analyse de variance des composantes du rendement et de la quantité de sclérotes
IV. Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Références bibliographiques
Annexes.

 

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