Le processus d’adoption (abandon, adoption, attachement) fait l’objet d’études récentes. En effet, les cas d’adoption internationale sont recensés depuis les années 80 par l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les chercheurs des pays occidentaux et plus particulièrement du Canada francophone se sont alors intéressés aux enfants adoptés et à leur parcours de vie singulier.
D’un point de vue anthropologique
L’étude d’Agnès Fine (2008) montre que l’adoption, d’un point de vue anthropologique, a existé dans plusieurs cultures et a traversé plusieurs époques. D’ailleurs, nous connaissons tous des histoires ou des légendes qui parlent d’adoption : Moïse, Œdipe, Remus ou Romulus et même Harry Potter par exemple (Pierron, 2011). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les sociétés occidentales ne sont pas les premières à avoir pratiqué l’adoption. Certaines pratiques proches de l’adoption que nous connaissons aujourd’hui ont été observées au sein de sociétés provenant d’Océanie ou d’Afrique. Les enfants y sont placés dans une autre famille pour une période limitée ou définitive. La plupart du temps, ces placements sont opérés afin d’aider un couple stérile à avoir une descendance. En France, l’adoption comme institution juridique de filiation n’apparaît qu’en 1804. A cette époque, la possibilité d’adopter est très restreinte puisque seules les personnes de plus de 50 ans et n’ayant pas d’enfant légitime peuvent le faire. A ceci s’ajoute que les enfants adoptables doivent être majeurs et sont, pour leur(s) parent(s) adoptif(s), héritiers de leurs biens. Ils sont rarement des enfants abandonnés (pp. 8-11).
C’est à partir du XIXème siècle que l’on observe un tournant en France, «il n’est plus seulement question pour les adoptants de rechercher un successeur légitime mais aussi un enfant à chérir. » (Fine, 2008, p.11). En 1923, le droit français permet enfin à des couples « d’élever et d’adopter un enfant (et non plus un adulte) » (op. cit.).
De nos jours, les connaissances sur l’adoption ont évolué et « chacun a son idée sur la question […]» (Pierron, 2011, p.9) sans toutefois la connaître vraiment. Les médias transmettent beaucoup d’informations concernant des cas d’adoptions dites « ratées », de personnalités qui adoptent des enfants à tour de bras ou de trafics d’enfants illégaux. Ces reportages et ces pratiques n’aident pas l’adoption à se défaire de certains clichés et idées reçues. Elle n’est sûrement pas encore acceptée dans notre collectivité comme une filiation à part entière. Ainsi, « le lien du sang, si prégnant dans notre société, n’est pas tout. D’autres sociétés dans le monde, comme en Afrique ou en Polynésie, ne le considèrent pas comme tel. » (op. cit., p. 23). Julien Pierron (2011), souhaite démontrer à travers la description et l’explication des pratiques de plusieurs pays en matière d’adoption (pays de droit coranique, Europe de l’Est, Amérique latine et Asie) que l’approche socioculturelle du phénomène est fondamentale. Sa compréhension et son apport permettent une prise en charge globale des enfants adoptés.
D’un point de vue psychologique
Les problèmes spécifiques des enfants adoptés sont souvent énoncés dans la population sans réels fondements, si bien que l’enfant adopté est associé au délinquant ou à l’enfant à problèmes et aux tendances suicidaires. Devant cette constatation, l’association française Mouvement pour une Adoption Sans Frontières a décidé de réunir des chercheurs qui se consacrent à la thématique du devenir des enfants qui ont été adoptés. Nous présentons ici quelques résultats de recherches qui nous paraissaient importants pour la compréhension de la problématique.
Dans les années 2000, plusieurs recherches ont été effectuées en Europe sur des groupes d’enfants et d’adultes adoptés internationalement. Les questions qu’ils se sont posées principalement sont liées au développement cognitif, social et psychique de l’enfant. En effet, les conditions dans lesquelles ont vécu les enfants jusqu’au moment de leur adoption (abandon, placement dans un orphelinat) peuvent influencer leur vie future. Les chercheurs souhaitaient aussi déterminer les difficultés rencontrées et étudier leur persistance après l’adoption. Aucune généralité ne peut être déterminée sur toute la population des personnes qui ont été adoptées car ils ne proviennent souvent pas des mêmes pays, ne sont pas du même sexe et n’ont pas été adoptées aux mêmes âges. Ces paramètres peuvent ainsi influencer les conclusions des différentes études.
Plusieurs auteurs peuvent conclure que la population des personnes adoptées est plus souvent confrontée à des difficultés affectives ou des maladies psychiques (Barni et al., 2008 ; Bimmel et al., 2003 ; Hjern et al., 2002 ; Juffer & Van Ijzendoorn, 2005 ; Tieman et al., 2005, cité par Chomilier, 2011, pp. 37-62). Les enfants adoptés sont donc plus vulnérables que l’échantillon représentatif d’une population. Les auteurs s’accordent aussi à dire que le vécu de l’enfant adopté comparé à un enfant non-adopté de son âge est très différent et explique en grande partie les écarts présents dans les résultats de ces études. Chez Rykkje (2007), il ressort que « les familles adoptives sont souvent confrontées à des difficultés d’attachement, des comportements extravertis, des questionnements au sujet des parents biologiques et à la perspective de désolation devant la perte de la culture d’origine. » (op. cit., p. 40). Pour Cantor-Graae & Pedersen (2007), le risque de développer une schizophrénie est 2,9 fois plus élevé pour un enfant adopté que pour l’ensemble des Danois. Ils expliquent cet écart par « le fait que leur apparence physique les rend sujets à des préjugés sociaux et à de la discrimination » (op. cit., p. 41).
Au Royaume-Uni, une étude a été effectuée sur des enfants adoptés en Roumanie et ayant séjourné plus ou moins longtemps en institution. Les chercheurs (Rutter et al. 2001) ont observé ces enfants une première fois à l’âge de 6 ans et les difficultés observées sont les suivantes (Chomillier, 2011, p. 43) :
• Les problèmes d’attachement (approche sociale non discriminante, absence de conscience des frontières sociales, difficulté d’appréhension de ce qui est socialement acceptable par les autres).
• Les déficits de l’attention et l’hyperactivité (dont la cause principale est attribuée à des privations psychologiques, plus qu’à des carences alimentaires).
• Les troubles quasi autistiques et les difficultés d’apprentissage (qui semblent relativement spécifiques de la privation liée à l’institution).
L’équipe de Rutter suggère que ces troubles proviennent « d’une certaine forme de programmation biologique, ou de dommage neurologique découlant de la privation liée à l’institution […] » (op. cit., p. 45). Les résultats ci-dessus se retrouvent dans l’étude de Verhlust et al., (1990a). Les chercheurs de cette dernière étude ont analysé les différentes statistiques selon le sexe de l’adolescent et il ressort que les garçons sont plus fréquemment touchés par des problèmes d’ordres comportementaux ou psychiques.
Ces quelques résultats nous amènent à penser que les enfants adoptés sont plus sujets à des difficultés d’ordre psychologique que le reste de la population. Le but de ces études n’est pas de généraliser les problèmes qui peuvent survenir chez des personnes qui ont été adoptées mais d’en prendre conscience dans l’intention d’agir au mieux en tant que parents adoptants, enseignants ou personne gravitant autour de l’enfant.
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