Etat des lieux des connaissances sur les stéréotypes de genre
Selon Dafflon Novelle (2004), les enfants acquièrent très tôt les stéréotypes de genre. Vers 2-3 ans, ils ont déjà des connaissances sur les activités, comportements et apparences, en fonction des stéréotypes selon Short (1991), repris par l’auteur. Cependant, celle-ci ajoute que c’est vers 5-7 ans que la valeur accordée aux stéréotypes est la plus élevée. Elle affirme qu’entre 7 et 12 ans, les enfants prennent en compte la variabilité individuelle.
Poulin-Dubois et Serbin (2006) affirment que les enfants développent des comportements stéréotypés en fonction du genre dès la petite enfance. Elles expliquent que les différences se manifestent dans le choix des jouets, des activités mais aussi dans les traits de personnalité.
Premièrement, les stéréotypes de genre sont présents dans l’environnement quotidien de l’enfant. Ils sont par exemple véhiculés par les jouets. Cherney et al. (2006) ont mené une étude sur leur identification par 49 enfants américains âgés de 28 à 71 mois. Ces derniers devaient les classer selon qu’ils étaient pour garçons, pour filles ou neutres. Les auteurs ressortent que les garçons et les enfants plus âgés ont des préférences de stéréotype de genre pour leur propre sexe plus fortes que les filles. Ils ont aussi constaté que plus de jouets sont classés masculins car ceux qui sont neutres et ambigus entrent dans cette catégorie selon la répartition des enfants. « Les enfants plus âgés utilisèrent leur expérience comme indice pour déterminer le genre. Ils avaient plus tendance que les jeunes à juger à partir d’association de genre, du rôle des sexes et des caractéristiques particulières » (Cherney et al., 2006, pp 279-280). Ils ajoutent que les premiers ont plus l’occasion d’être en contact avec les activités sexuées et s’appuient en conséquent sur leurs connaissances.
Dionne (2007) s’est intéressée à l’analyse de 47 ouvrages de la littérature jeunesse canadienne des enfants de 6 à 9 ans. L’auteur démontre que celle-ci, publiée en français, entretient des stéréotypes sexistes à l’égard des pères et des mères. Elle conclut en déclarant que tout concourt pour assurer de manière subtile la transmission et la reproduction de stéréotypes de genre voulant que la mère soit la principale responsable du bien-être de ses enfants alors que le père soit plus effacé dans la sphère familiale. La littérature est un puissant instrument de promotion de l’égalité entre les genres et devrait être utilisée dans ce but selon l’auteur.
Une étude menée par Dizier, Nibona et Willems en 2006 auprès de 1500 jeunes Belges de 8 à 18 ans, s’est intéressée à l’intégration par les jeunes des stéréotypes sexistes véhiculés par les médias. Les auteurs ont relevé que les stéréotypes sexistes étaient très présents dans les séries, les dessins animés, les clips et les publicités et que les jeunes étaient donc très souvent en contact avec des modèles de femmes passives, émotives et dont l’apparence est primordiale et des modèles d’hommes actifs, présentés par les médias. Les auteurs ont constaté que les jeunes adhèrent aux stéréotypes de genre : les garçons confirment 88 % des énoncés proposés alors que les filles seulement 44 %. Dizier, Nibona et Willems ont établi que les jeunes ont des discours très stéréotypés attribuant notamment les rôles instrumentaux aux hommes et les rôles expressifs aux femmes. Les auteurs démontrent par l’analyse des programmes télévisuels que la hiérarchisation des genres est exacerbée dans les contenus médiatiques préférés des jeunes, ce qui engendre que plus les enfants sont âgés, plus ils pensent que le masculin domine sur le féminin dans nos sociétés.
Deuxièmement, les stéréotypes de genre sont omniprésents dans le milieu scolaire. Une première étude réalisée par Mieyyaa et Rouyer en 2010 auprès de 5 filles et 5 garçons âgés de 4 à 5 ans dans la périphérie de Toulouse a constaté que les relations entre pairs permettent aux enfants de constituer puis de transformer leur identité de fille ou garçon. Ils déclarent que plus ils passent du temps avec les enfants du même sexe, plus leurs comportements seront différenciés ce qui engendrera des styles d’interactions et des jeux de moins en moins attractifs pour le sexe opposé. Pour Maccoby (1990), reprise par les auteurs, cette socialisation horizontale renforce le sentiment d’identité sexuée au sein de l’école mais ces renforcements prodigués par le groupe de pairs doivent être mis en lien avec les stéréotypes véhiculés par les parents et l’école. Slaby & Frey (1975), repris par les auteurs, affirment que le jeune enfant, confronté à plusieurs influences sociales proposant différents modèles d’imitation et de rôle de sexe, commence à donner du sens à ses observations et à moduler ses comportements en fonction de leur adéquation aux stéréotypes de sexe.
De plus, une étude a été menée auprès de 74 élèves français de CM2 dans le but de connaître leur perception des disciplines scolaires. « Les résultats corroborent partiellement l’hypothèse selon laquelle la valeur attribuée à chaque discipline correspondrait aux stéréotypes de genre » (Dutrévis, Toczek, 2007, p.12). Ils l’expliquent par le fait que les garçons accordent plus d’importance que les filles aux disciplines jugées masculines telles que la géométrie, le sport et les sciences. D’autre part, la lecture, les arts plastiques, disciplines dites « féminines » ont plus de valeur pour les filles d’après les auteurs. En outre, ces derniers ont remarqué que les filles préfèrent la lecture, l’expression écrite et les arts plastiques alors que les garçons accordent plus d’intérêt à la résolution de problèmes .
Dutrévis et Tockzek (2007) se sont également intéressés à la perception des disciplines par les enseignants en interrogeant 58 personnes, dont 43 femmes, 13 hommes et 2 personnes n’ayant pas dévoilé cette information. Les auteurs ont relevé que les enseignants considèrent que les arts plastiques seuls sont plus importants pour l’avenir des filles que pour celui des garçons. Au contraire, la géométrie est perçue par les enseignants comme plus importante pour l’avenir professionnel masculin ainsi que les sciences pour l’avenir en général. De plus, selon ces derniers les garçons accorderaient plus de valeur que les filles aux mathématiques, aux sciences, à la géométrie et aux sports alors que celles-ci trouveraient plus important le français, l’orthographe, la lecture et les arts plastiques, selon les auteurs. Dutrévis et Tockzek (2007) concluent que comme les disciplines semblaient divisées en fonction du sexe, on apprend à investir celles-ci par rapport à son propre sexe et à expliquer ses échecs d’après le retour de l’enseignant. Les stéréotypes de genre se construisent donc progressivement au sein des situations d’apprentissage, selon les auteurs. Force est de constater que les stéréotypes de genre ont des conséquences à long terme sur les élèves et sur leur choix professionnel dicté par les disciplines qu’ils préfèrent et auxquelles ils accordent plus de valeur. Les garçons s’orientent donc plutôt vers les branches scientifiques et les filles vers des carrières littéraires.
Combaz et Hoibian (2008) ont procédé à une analyse de documents tels que les textes officiels, les programmes d’enseignement, les documents d’accompagnement et les textes officiels régissant les épreuves d’éducation physique du baccalauréat. Ils en sont arrivés à la conclusion que les filles ne sont pas dans une position favorable en éducation physique car les conceptions et pratiques développées dans cette discipline contribuent en partie à maintenir les inégalités de réussite selon le sexe.
1. Introduction. |