Estimation régionale de l’évapotranspiration sur la plaine de Kairouan (Tunisie) à partir de données satellites multi-capteurs
Bilan d’énergie et d’eau à l’interface continentale
Le bilan d’énergie est décrit par le principe de conservation d’énergie dans les conditions d’équilibre à l’interface sol-végétation-atmosphère. Il s’écrit usuellement sous la forme : n HR LE )PS(G (Eq I.1) Le rayonnement net Rn est occupé positivement lorsqu’il est dirigé vers la surface, les flux de chaleur sensible H et latente LE sont positifs vers l’atmosphère et le flux de chaleur dans le sol G est positif vers le sol. Tout flux est compté positivement lorsqu’il entre dans le système et négativement lorsqu’il le quitte. Les termes entre parenthèses sont des termes généralement négligés dans l’expression du bilan. Il est admis que le stockage de chaleur ΔS au sein du couvert est en moyenne petit devant les autres flux de chaleur car la capacité thermique du système couvert végétal-air dans le couvert, est négligeable par rapport à la conductivité thermique du sol. P représente le flux associé à la photosynthèse. Ce flux ne dépasse généralement pas 2 à 3% du rayonnement net (Thom, 1975.a etb). Dans la suite, on considère que le bilan d’énergie s’écrit : n HR LE G (Eq I.2) La figure I.1 illustre ce bilan d’énergie de manière simplifiée. H et LE sont les contributions de la végétation et du sol. Rg et Ra sont respectivement le rayonnement solaire global et le rayonnement atmosphérique incident. Chapitre I : Caractérisation des états de surface par télédétection 9 Figure I.1: Schéma du bilan d’énergie pour une surface agricole On décrira dans ce qui suit brièvement le bilan radiatif, les échanges conductif et convectif.
Le bilan radiatif
La résolution du bilan radiatif fournit le rayonnement net disponible au niveau de l’élément considéré. Le formalisme qui décrit le bilan radiatif se base sur les lois de l’électromagnétisme, et son expression dépend des caractéristiques des éléments considérés et de l’atmosphère. Le rayonnement net à l’interface sol-végétation-atmosphère s’exprime en fonction des composantes électromagnétiques courtes et grandes longueurs d’onde (respectivement domaine solaire et domaine thermique). C’est l’énergie disponible pour alimenter les flux conductifs et convectifs. L’expression générale s’écrit : Rn CL CL GL RRRR GL (Eq I.3) Où les indices CL et GL réfèrent respectivement aux contributions courtes longueurs et grandes longueurs d’onde, et les flèches ↓ et ↑ à la direction de propagation descendante et montante. – RCL↓ est le rayonnement solaire incident correspondant à Rg, rayonnement global. – RCL↑ est le rayonnement solaire réfléchi par la surface : RCL↑= αsRg où αs est l’albédo de la surface. – RGL↓ est le rayonnement atmosphérique descendant. C’est la somme des émissions des différentes couches de l’atmosphère. – RGL↑ est la somme de la réflexion du rayonnement atmosphérique et de l’émissivité propre de la surface.
Les échanges conductifs
Le mode de propagation de l’énergie sous forme de chaleur par conduction correspond à la redistribution ou au transfert d’énergie cinétique entre molécules (agitation moléculaire). L’intensité de la conduction thermique va être fonction de la densité du milieu, de la mobilité des molécules et des gradients thermiques. Les échanges par conduction sont le principal mode de transfert de chaleur dans le sol (milieu solide) alors qu’ils sont souvent négligés dans les fluides comme l’air devant les échanges convectifs. On ne considère que le flux vertical dans le sol, dont l’expression est donnée par la loi de Fourrier sous forme de relation flux gradient par : z )t,z(T )z()t,z(G sol s (Eq I.4) Tsol(z,t) représente la température (en K) du sol à la profondeur z (compté positivement vers le bas, λs(z) est la conductivité thermique du sol (W.m-1.K-1). Le terme G intervenant dans l’expression générale du bilan d’énergie est obtenu pour z=0.
Les échanges convectifs
A la différence des processus d’échange décrits précédemment, les échanges convectifs caractérisent les transferts de chaleur et de masse par déplacement de matière. Plusieurs formes sont alors possibles : – La convection libre qui résulte des gradients de densité issus des gradients de température dans l’air. – La convection forcée qui est provoquée par la turbulence induite par le champ de vent. – La convection mixte qui se rencontre dans des conditions de vent faible. Les mouvements de l’air sont alors produits par l’action combinée de la convection libre et de la convection forcée. Le phénomène de diffusion simple impliquant au même titre que les échanges convectifs un déplacement de matière et d’énergie exprimé par la loi de Fick du type diffusivité moléculaire×gradient, est souvent négligé face à la convection dans la description des transferts entre la surface et l’atmosphère. De façon théorique, lorsque l’on considère Couche Limite de Surface (CLS), quelques dizaines de mètres au dessus de la surface, les flux turbulents verticaux sont supposés conservatifs. L’expression des flux de quantité de mouvement, de chaleur sensible, de chaleur latente est reliée aux gradients verticaux par les coefficients de diffusivité turbulente par analogie avec la diffusion moléculaire. C’est le principe de fermeture au premier ordre du système d’équation de Reynolds (basé sur les équations de Navier-Stokes et le principe de conservation de la quantité de mouvement, de la masse, et de la chaleur) qui permet d’écrire : – Le flux de quantité de mouvement z )z(u ma )z(K (Eq I.5) – Le flux de chaleur sensible z )z(T H hpa )z(K (Eq I.6) – Le flux de chaleur latente )z( )z(e )z(K c z )z(q LE )z(KL v pa va (Eq I.7) Où ρa (kg.m-3) est la masse volumique de l’air, cp la chaleur massique isobare de l’air (J.kg1 .K-1), L la chaleur latente de vaporisation de l’eau (J.kg-1), γ la constante psychrométrique (0.66hPa.K-1), u le module du vent (m.s-1), T la température de l’air (°K), q l’humidité spécifique de l’air (kg.kg-1), e la pression partielle de vapeur d’eau dans l’air au niveau de z et Ki les coefficients de diffusivité turbulente. Seuls les flux H et LE interviennent explicitement dans le bilan d’énergie, le flux τ traduit la dissipation d’énergie cinétique selon la verticale qui, d’après la formulation de Prandtl (1925), donne un profil logarithmique de vitesse du vent et un profil linéaire de la diffusivité turbulente dans les conditions de neutralité thermique (Thom, 1975) au dessus de la surface. Dans ce contexte les états de surface jouent un rôle essentiel dans la description et la modélisation des mécanismes de surface.
Rôle des états des surfaces
Les états des surfaces continentales jouent un rôle essentiel dans la répartition des précipitations entre infiltration, évapotranspiration et ruissellement. Ces états sont essentiels dans la comprhénsion des multiples interactions à l’interface sol-plante-atmosphère. Longtemps, ces paramètres de surface ont été suivis à travers des mesures ponctuelles. Ces mesures sont incapables de retrouver la variabilité spatio-temporelle, indispensable pour une modélisation précise des différents processus de surface, d’où l’intérêt de la télédétection spatiale. Dans ce contexte, les techniques de télédétection optique et radar ont montré un fort potentiel dans le suivi de différents paramètres décrivant la surface du sol et le couvert végétal. En effet, ces dernières trente années, la communauté scientifique a proposé différents capteurs satellite et méthodologies permettant de restituer ces paramètres à partir des mesures spatiales. I-2 Application de la télédétection pour le suivi des états de surface L’objectif de cette section est de décrire les états du sol et du couvert végétal estimés par télédétection via les mesures spatiales. Dans ce cadre, nous considérons les états des sols (humidité, rugosité et texture) généralement estimés par les techniques micro-ondes, et le couvert végétal mesuré par télédétection optique. Nous rappelons en premier le principe physique de la télédétection optique et radar. La télédétection est définie comme l’ensemble des connaissances et techniques utilisées pour déterminer des caractéristiques physiques et biologiques d’objets par des mesures effectuées à distance, sans contact matériel avec ceux-ci. Ces caractéristiques sont déterminées après mesure d’un signal électromagnétique émis ou réfléchi par l’objet et son environnement dans un certain domaine de fréquence / longueur d’onde, (Figure I.2). Les capteurs embarqués sur des missions d’observation de la terre ont pour rôle de mesurer le signal émis ou réfléchi par les surfaces terrestres et de le transmettre à des stations de contrôle au sol. Figure I.2: Spectre du rayonnement et transparence de l’atmosphère. En raison de contraintes technologiques ou physiques, et notamment des propriétés de transparence de l’atmosphère (Figure I.2), la télédétection spatiale n’utilise qu’une partie du spectre électromagnétique. On distingue les domaines solaire (λ=0.38 à 3 μm), infrarouge thermique (λ=3 à 1000 μm), et micro-onde (λ = 10-3 m à 0.3 m). Le rayonnement est réfléchi par la surface dans le domaine solaire, émis par les surfaces elles mêmes dans l’infrarouge thermique ; il peut être émis ou réfléchi dans le domaine des micro-ondes en fonction du caractère passif ou actif du système d’observation.
Télédétection optique
La télédétection optique permet la mesure du rayonnement d’origine solaire réfléchi par les surfaces et par l’atmosphère (Figure I.3). Cette mesure est fonction des caractéristiques de la scène observée et des conditions d’observations. Les caractéristiques de la scène décrivent la nature, l’état, la structure géométrique et l’agencement des éléments qui la constituent. Ces caractéristiques vont conditionner les propriétés de réflexion, d’absorption ou de transmission du rayonnement à l’interface sol-végétation-atmosphère. La géométrie d’illumination et d’observation, ainsi que l’atmosphère (absorption et diffusion du rayonnement), vont également fortement influencer la mesure. Les conditions d’éclairement de la scène, en particulier la proportion de rayonnement diffus et direct, dépendent à la fois des propriétés de l’atmosphère (composition et turbidité) et du trajet du rayonnement incident (position du soleil). L’atmosphère perturbe également le rayonnement émis par la surface et réfléchit ellemême une partie du rayonnement observé. Tous ces processus d’interaction rayonnement/matière dépendent bien évidemment de la longueur d’onde d’observation. Une observation est ainsi fonction : de la nature de la surface observée ; de la longueur d’onde du rayonnement; de l’énergie incidente au niveau de la surface (intensité et distribution); de la géométrie soleil-cible-capteur.
Résumé |