Essor et crise du cacao de l’abondance coloniale à la crise républicaine

Evolution démographique 

L’agriculture en Equateur se développe à partir des deux principaux foyers d’origine en Amérique : le secteur mexicain et la zone péruvienne. Les restes macro-botaniques, des résidus phytolitiques dans des récipients, suggèrent que l’activité principale des peuples de la Côte était l’agriculture (Ayala Mora, 1999). Sur la côte les premiers signes d’agriculture remontent à 4 000 ans avant JC, alors que les premiers échanges entre la Côte, la Région andine et l’Amazonie ont lieu entre 1 800 et 1 200 avant JC. Ils se présentent sous la forme de produits agricoles et des coquillages qui servaient de « monnaie » dans les Andes (Marcos, 1986 ; Larrea, 2006). 2.1 Les premiers habitants du secteur Les premiers vestiges des habitants de la côte se trouvent être ceux de la culture Valdivia (de – 4 000 à – 2 000), sur laquelle nous disposons d’une référence, une céramique raffinée et dont la diffusion s’est répandue jusqu’à certaines parties des provinces de Manabí, du Guayas et d’El Oro (Marcos, 1988). 2.1.1 La culture Chorrera et le système de crues et de décrues Durant la période de l’antiquité qui s’étend environ entre l’année 1500 et 500 avant JC, la culture Chorrera a développé son noyau originel géographique dans l’actuelle province de Los Ríos, sur le site nommé La Chorrera, qui se trouve sur la rive orientale du fleuve Babahoyo. L’extension culturelle connue à la date d’aujourd’hui est très vaste : Esmeraldas, Manabí, Guayas, Los Ríos, les terres basses de Pichincha (Santo Domingo de los Colorados) et la Vallée du Jubones dans la province d’El Oro, sur la Côte ; dans la Région andine, les environs de Quito, Pichincha, Chimborazo, Cañar et Azuay et par le secteur oriental de cette province cette culture a dépassé les cordillères pour s’enfoncer dans l’immense région amazonienne, expansion probablement due à l’introduction du maïs (Salazar, 1989).En ce qui concerne l’agriculture, et selon plusieurs auteurs (Estrada, 1980 ; Holm et Crespo, 1980 ; Marcos, 1986), l’agriculture liée au cycle de crue et de décrue des fleuves était un des systèmes possibles à l’époque. Ce système consistait à laisser à découvert les plages et les plaines des fleuves durant l’époque de sécheresse. Cette manière de cultiver consiste à profiter de l’humidité et de la fertilité des sols après que les eaux des crues provoquées par la saison des pluies aient commencé à baisser, puisqu’elles laissent un dépôt de limon riche en nutriments sur les plages et les plaines des fleuves, jusqu’à ce qu’à nouveau une crue se produise à la fin de la saison sèche. Afin d’atteindre leur plus bas niveau les eaux ont besoin de deux à trois mois et cela une fois que les pluies se sont arrêtées, après le début des pluies, elles ont également besoin du même temps pour inonder à nouveau ces terrains. De cette manière le fleuve laisse à découvert ces plages et ces rives formant des bandes parallèles à la superficie de l’eau pour plus ou moins de temps, depuis le lit jusqu’au fond du fleuve. Les rives du fleuve se trouvent à découvert presque toute l’année à l’exception de quelques crues durant certaines saisons où il pleut beaucoup (phénomène d’El Niño), dans cette zone se développe une forêt utile, avec de grands arbres parmi lesquels on sème des arbres fruitiers. La bande de terre qui se trouve juste à côté de la rive est également à découvert et propice à l’agriculture durant à peu près les 8 mois de la saison pendant lesquels on semait de la yuca, la bande la plus proche du fleuve était utilisée pour les cultures du maïs, du tabac, de la patate douce ou du haricot (Marcos, 1986).

Les cultures de l’époque formative avec des systèmes d’abattisbrûlis et des systèmes hydrauliques

Les différentes cultures de la période formative (-500 à 500) auraient développé des modes d’exploitation de leur environnement, incluant la culture sur abattis – brulis et certaines formes d’irrigation. Jusqu’à aujourd’hui les fouilles archéologiques ont permis de découvrir des éléments tangibles sur une certaine mise en valeur de l’écosystème grâce à la construction d’infrastructures hydrauliques. Ces cultures profitaient de l’époque de sécheresse pour creuser d’énormes fossés sans système de drainage vers un fleuve ou un estuaire. La terre qu’ils dégageaient de ces fosses permettait de construire des terrepleins. Il s’agit de monticules de terre de diverses formes, 53 rectangulaires, ronds et irréguliers, connus sur la Côte comme des « camellones » (Marcos, 1995 ; Delgado, 2006). Ces levées de terre artificielles ont été utilisées pour cultiver notamment le maïs et le manioc, des produits qui n’ont pas besoin de terres inondables. Ces sites ont probablement été utilisés non seulement pour semer mais également pour construire des habitations. Ils cultivaient le manioc, le maïs, le cacao, le coton. Actuellement les paysans et beaucoup de propriétaires utilisent des systèmes de culture d’origine préhispanique comme les terrasses de cultures, les aqueducs et des canaux d’irrigation. De même, même s’il n’existe pas d’éléments historiques qui l’affirment avec certitude, on considère que le système d’abattis-brûlis fut un des plus utilisés de la part de ces deux cultures (Marcos, 1986). Les preuves archéologiques existantes nous montrent qu’il y a au moins 8 000 ans l’homme équatorien possédait les outils nécessaires pour dégager des clairières dans les bois, dans la mesure où on a trouvé des haches de pierre polies dans le site nommé Las Vegas (péninsule de Santa Elena), où on a également trouvé des preuves de la culture de la calebasse. Il convient de signaler que lorsque l’homme choisit le système de brûlis comme essentiel pour la production, il a déjà une grande expérience dans l’utilisation des plantes utiles, vraisemblablement à travers la culture sur les plages et les rives des rivières, et grâce à la culture du jardin potager (Marcos, 1986). Ce groupe humain, installé sur les rives des fleuves tropicaux où il s’alimentait de pêche et sur les plages et les rives desquels il cultivait quelques plantes utiles de la forêt au cours de la saison sèche, avait également une grande tradition dans la modification et la transformation de la pierre grâce a la taille et au polissage qui lui permettaient de faire des outils, notamment la hache. Equipés ainsi, ils commencèrent à couper les arbres du bois qui se trouvaient sur la rive pour construire des habitations plus stables. Dans cette clairière dégagée a côté de l’habitation ils commencèrent également à semer tout un ensemble de plantes utiles. Le Conuco est un système d’abattis-brûlis typique de la région tropicale humide qui représente la forme la plus simple du système de cultures sur les rives décrit antérieurement. Ce système consiste à remplacer certaines espèces végétales par d’autres plus utiles pour l’homme, ce qui est possible grâce à un arrachage et un brûlis sélectifs qui laissent sur pied la plupart de la végétation primaire, afin de semer parmi elle le manioc comme culture principale, la patate douce, la 54 cacahuète, l’haricot, la papaye, la calebasse, ainsi que d’autres plantes, ce qui représente un total de plus ou moins 30 espèces différentes. Il est important de signaler que les recherches effectuées en Equateur (Marcos, 1983) ont permis de voir qu’en préparant les sols de cette manière et avant que les plantes ne soient semées, nous avons deux plantes utiles qui poussent de manière spontanée, le balsa et le xanthosome. Les semis des différents produits qui étaient cultivés avec le système du conuco, font que le sol soit moins utilisé et il est enrichi par les feuilles qui tombent de la végétation primaire qui n’a pas été coupée. Ce système ne permet pas un desséchement et un durcissement du sol, et donc il n’est pas nécessaire d’utiliser la hache de pierre pour les travaux agricoles, l’homme n’a besoin que d’un bâton pour seme.

Albarradas et camellones

Nous trouvons sur la côte équatorienne plusieurs systèmes hydrauliques d’origine précoloniale (albarradas o jagüeyes15, camellones- terres surélevées16). Le début de leur utilisation se situe il y a plus ou moins 3 800 ans, mais ils furent adaptés à des conditions environnementales régionales différentes. En ce qui concerne les bandes de terres, les « camellones », on les utilisait pour gérer les excès d’eau en hiver et on utilisait les haies pour surmonter leur rareté cyclique (Marcos, 1995 ; 2004 ; 2006 ; Delgado, 2006). Il s’agit dans les deux cas de constructions dont la fonction principale était de rendre plus facile pour les agriculteurs précoces les semailles aussi bien au cours des inondations provoquées par l’hiver, que pour obtenir une deuxième récolte en été. Il a également été prouvé que c’était des systèmes maintenus de manière périodique afin d’améliorer ainsi la fertilité des sols (Delgado, 2006). 

Les Incas sur la Côte équatorienne

Lorsque les premiers espagnols parvinrent sur la côte équatorienne, les Incas avaient déjà conquis le nord du Pérou et le Tahuantinsuyo avait atteint sa plus grande extension avec la conquête des Andes au nord de l’actuel Equateur. La durée totale de la présence Inca en Equateur fut de 60 à 70 ans. Naturellement les Incas connaissaient l’existence des cultures de la Côte équatorienne et également de celles qui s’épanouissaient de l’autre côté des Andes, dans la région amazonienne, mais ils ne parvinrent jamais à les dominer (Deler, 1983 ; Larrea 2006). L’énorme réseau commercial sur le long des côtes péruviennes et équatoriennes, avec sa prolongation vers les plages d’Amérique Centrale, avait son centre de gravité sur la Côte équatorienne, grâce à la pêche et à la fourniture des coquillages Spondylus. Tout comme les métaux, comme l’or, l’argent ou le cuivre, les tissus, les pierres précieuses et d’autres articles pouvaient acquérir une fonction à caractère commercial et les coquillages Spondylus faisaient partie d’un groupe qui ne répond pas à de telles considérations puisque leur fonction était essentiellement religieuse (Oberem, 1989 ; Salomon, 1996).

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