Essais en Microstructure des Marchés Financiers

Les marchés électroniques dirigés par les ordres

Les marchés électroniques dirigés par les ordres sont des plateformes d’échange boursier centralisées dans lesquelles l’offre de liquidité peut provenir de chacun des acteurs de marché. Tout agent peut effectuer une transaction en se portant offreur de liquidité avec des ordres à cours limité, qui spécifient un prix et une quantité, et sont affichés dans le carnet d’ordre électronique. Par exemple , les ordres à cours limité à l’achat les plus compétitifs sont affichés au meilleur prix d’achat, $384.82. Le premier demande 50 parts et le deuxième, 100 parts. Les agents peuvent aussi effectuer une transaction en demandant de la liquidité avec des ordres au marché, qui sont immédiatement exécutés avec les ordres à cours limité les plus compétitifs contenus dans le carnet d’ordre.  si un agent envoie un ordre de marché à la vente de 100 parts, cet ordre sera exécuté au prix de $384.82. Les marchés électroniques dirigés par les ordres combinent l’aspect centralisé d’une salle de marché et une large population d’investisseurs potentiels, comme les marchés tenus par des intermédiaires, et ce grâce aux moyens de communication électroniques. Les marchés électroniques dirigés par les ordres ont commencé à se répandre au cours des années 1980, et d’abord pour les marchés action. Par exemple, la Bourse de Paris ferma sa salle de marché et devint un marché dirigé par les ordres totalement électronique en 1986.
De nos jours, la plupart des marchés action dans le monde suivent cette organisation. Cette tendance a aussi été suivie par des marchés pour d’autres type de titre financier, comme les marchés de change ou les marchés de taux d’intérêt.
La conversion massive des marchés financiers à l’organisation autour d’un carnet d’ordre électronique a motivé tout un domaine de la recherche académique en finance. Les chercheurs ont initialement voulu comprendre les dynamiques des transactions et de l’offre de liquidité dans ces marchés, ainsi que les stratégies sous-jacentes des acteurs de marché.

Le Trading algorithmique

L’avancement des technologies de l’information, de même que la conversion massive des bourses aux marchés électroniques dirigés par les ordres, ont rendu possible et accéléré le développement du trading algorithmique. la participation d’algorithmes dans les transactions boursières pour les actions, aux Etats-Unis, ont augmenté de façon constante depuis plus de 5 ans. Aujourd’hui les algorithmes représentent plus de 50% du volume d’échange total. Le trading algorithmique peut être défini comme l’ensemble des stratégies qui s’appuient sur des algorithmes pour prendre une part, ou l’intégralité, de leurs décisions. Ces stratégies automatisées conditionnent, généralement, leurs actions sur un ensemble de données de marché prédéterminées. Les stratégies de trading algorithmiques peuvent être séparées en deux catégories principales, bien que non exhaustives. Les algorithmes pour l’exécution optimal d’un ordre. Le trading algorithmique peut aider les investisseurs traditionnels et les intermédiaires, tels les gérants de fonds ou les courtiers, à optimiser l’exécution de leurs transactions. Ainsi, les courtiers utilisent couramment des robots qui découpent les ordres de leurs clients et les répartissent dans le temps et entre différentes plateformes de trading, et ce pour obtenir des coûts de transactions réduits. L’avantage principal de ces stratégies repose sur la capacité des ordinateurs, premièrement, à surveiller efficacement les fluctuations des conditions de marché et, deuxièmement, à implémenter, de façon systématique, des procédures d’exécution optimales basées sur ces conditions de marché.
Le trading à haute fréquence. La seconde, et la plus connue, catégorie de trading algorithmique, est le trading à haute fréquence (HFT à partir d’ici). Les stratégies de HFT s’appuient sur leur vitesse de réaction et des capacités très importantes de traitement computationnel pour acquérir de grandes quantités d’information en temps réel et prendre des décisions à haute fréquence.

La Fragmentation de marché

Régulation et fragmentation de marché. Les marchés financiers, et spécifiquement les marchés action, sont maintenant substantiellement fragmentés. Ceci a été induit, principalement, par des actions règlementaires en Europe et aux Etats-Unis. L’Union Européenne a introduite la Directive sur les Marchés d’Instruments Financier (MiFID) le 1er novembre 2007, ce qui a aboli la règle de concentration dans les pays européens et a promu la concurrence pour les systèmes et les services boursiers. Les bourses traditionnelles, qui profitaient d’un pouvoir de marché dans les pays européens (London Stock Exchange en Grande-Bretagne, Euronext en France, Belgique et Pays-Bas), ont alors du affronter la concurrence des nouvelles plateformes boursières, telle Chi-X, Turquoise et BATS Europe. Aux Etats-Unis, la Régulation du Système National de Marché (Reg NMS) a été mise en vigueur en 2007 pour moderniser et renforcer le système national de marché des actions. Comme avec MiFID, elle a produit de la concurrence entre plateformes boursières.  Automatisation des échanges et fragmentation de marché. Dans une revue récente pour le UK Governement Office For Science1, Carole Gresse écrit : «Il existe une ancienne croyance commune en théorie économique qui veut que les marchés de titre sont des monopoles naturels car le coût marginal d’une transaction décroit avec la quantité d’ordres exécutés dans un marché. Alors que cela a été longtemps dans une certaine mesure, le progrès technologique a, d’une certaine façon, changé cette réalité. Les coûts fixes et le temps nécessaire pour mettre en place un nouveau marché ont considérablement diminué et le trading assisté par ordinateur autorise des stratégies de transaction entre marchés qui connectent les multiples plateformes d’échange, comme si elles formaient un réseau consolidé de contreparties avec plusieurs entrées. Ces nouveaux outils amoindrissent l’argument de l’externalité d’un tel réseau. » L’automatisation des stratégies d’échanges boursiers et la libéralisation de la concurrence pour les systèmes et services boursiers ont été concomitants car l’avancement des technologies de l’information était une condition nécessaire à ces deux évolutions. MiFID, par exemple, prévoit que les entreprises boursières doivent chercher les meilleures conditions d’exécution possibles pour les ordres de leurs clients. Dans un environnement de marchés fragmentés, cela requiert l’utilisation de systèmes informatiques de routage des ordres qui recherchent, de façon automatique, les meilleurs prix offerts parmi les différentes plateformes boursières. Ce type de tâche est difficilement réalisable par des humains.

Trading à haute fréquence, efficience de marché et « mini flash crashes »

La stabilité des marchés financiers est importante pour attirer les investisseurs. L’instabilité des prix des titres financiers peut brouiller les anticipations des investisseurs et, au final, pourrait décourager leur participation aux échanges dans les bourses traditionnelles. Au cours des dernières années, des anecdotes, provenant de l’industrie financière, rapportent l’apparition d’un nouveau type d’évènement d’instabilité de marché : le «mini flash crash». Un mini flash crash peut se définir comme un important et brusque changement de prix d’un actif suivi par un renversement très rapide . La fréquence croissante de ces évènements a été interprétée comme un symptôme de l’instabilité des marchés et a été attribuée au Trading à Haute Fréquence (HFT désormais). Entre temps, des papiers récents (e.g, Hendershott, Jones et Menkveld (2011), Hendershott et Riordan (2013), Brogaard, Hendershott et Riordan (2012) et Chaboud, Chiquoine, Hjalmarsson et Vega (2009)) suggèrent que le HFT a un effet positif sur la qualité de marché et son efficience informationnelle. Par quel canal le HFT pourrait générer des mini flash crashs ? Les marchés financiers peuvent-ils devenir à la fois plus efficients et moins stables sous l’effet du HFT ? Afin de traiter ces questions, nous développons une théorie des mini flash crashs. Notre théorie est basée sur l’idée qu’il existe une tension entre la vitesse et la précision dans l’acquisition de l’information. Le nouvel environnement de marché permet à des participants de devenir des HFT et de réagir beaucoup plus rapidement à des nouvelles de différents types mais au détriment de la précision de ces informations. Nous introduisons cette idée dans un modèle à deux périodes dans lequel des agents stratégiques peuvent décider d’investir dans une technologie rapide, qui leur permet d’acquérir, à la période 1, un signal bruité sur la valeur fondamentale de l’actif et ensuite d’échanger, ou bien ne pas investir et d’attendre la période 2 pour échanger, en acquérant un signal parfait sur la valeur fondamentale. L’avantage des HFT en termes de vitesse d’acquisition d’information a été étudié par Foucault, Hombert et Rosu (2012) mais n’incorpore pas la possibilité d’erreur d’interprétation de l’information nouvelle. Dans Foucault, Hombert et Rosu (2012), comme dans notre papier, l’avantage de rapidité est modélisé comme une faculté à échanger une période avant les autres investisseurs. Ceci peut se voir comme une forme déduite de la capacité de surveillance de marché intense des HFT. Celle-ci pourrait-être modélisée dans un cadre où les investisseurs ont des capacités de surveillance de marché imparfaite, comme dans des papiers récents .

Les mesures de liquidités sont-elles pertinentes pour mesurer le bien-être des investisseurs?

Le bien-être, au sens économique, des investisseurs est un objectif majeur pour les régulateurs des marchés financiers. Le bien-être n’étant pas une quantité observable, on pense que la liquidité de marché peut être un bon concept pour approximer ce bien-être. La liquidité de marché peut se définir comme la facilité, pour un investisseur, à échanger une quantité donnée d’actif à un prix qui dévie peu en comparaison d’un prix de référence. De fait, la liquidité de marché correspond à des coûts de transactions implicites. Dans les marchés centralisés, ces coûts de transaction implicites sont traditionnellement mesurés avec la fourchette de prix et la profondeur de marché (le nombre de cotations proches des meilleurs prix proposés à l’achat et à la vente). Cette définition de la liquidité de marché est biaisée dans le sens du bien-être des consommateurs de liquidité. La plupart des marchés centralisés (actions, changes,. . . ) sont organisés en marchés dirigés par les ordres dans lesquels tout investisseur peut échanger en cotant des prix pour offrir de la liquidité. Les mesures de liquidité précédentes prennent mal en compte le bien-être des offreurs de liquidité. Une grande profondeur de marché peut, par exemple, être due à un faible taux d’exécution des ordres à cours limité, ce qui, a priori, n’est pas signe d’un bien-être supérieur pour ceux qui utilisent des ordres à cours limité. Comment les mesures de liquidité sont déterminées pour les stratégies des investisseurs ? Comment ces mesures sont-elles reliées au bien-être des investisseurs ? Afin de traiter ces questions, je construis un modèle dynamique de marché dirigé par les ordres. La facilité de résolution du modèle me permet d’obtenir des solutions formelles pour les variables d’équilibre telles que la profondeur de marché, le volume de transaction, le taux d’exécution des ordres à cours limité et, aussi, le bien-être des investisseurs. Lorsque j’étudie l’effet de la variation de certains paramètres du modèle, je trouve que la profondeur de marché co-varie négativement avec le bien-être, dans la plupart des cas le volume de transaction co-varie positivement avec le bien-être, à l’exception d’un domaine paramétrique particulier, et le taux d’exécution des ordres à cours limité co-varie positivement avec le bien-être. Ceci montre, premièrement, que le taux d’exécution des ordres à cours limité et la profondeur de marché peuvent varier dans des directions opposées et, deuxièmement, que les conditions d’exécution des ordres à cours limité peuvent dominées pour le bien-être.
Le corollaire est que des variations ou des chocs sur les mesures de liquidité, telles que la profondeur de marché ou le volume de transaction, ne correspondent pas forcément à des changements équivalents pour le bien-être des investisseurs.

Table des matières

Résumé
Chapitre 1 – Les mesures de liquidités sont-elles pertinentes pour mesurer le bien-être des investisseurs?
Chapitre 2 – Attention limitée et arrivée de nouvelle
Chapitre 3 – Trading à haute fréquence, efficience de marché et « mini flash crashes » 20
Introduction 
Electronic limit order markets
Algorithmic trading
Market fragmentation
Dissertation overview
1 Are Liquidity Measures Relevant to Measure Investors’ Welfare? 
1.1 Introduction
1.2 Model
1.2.1 Preferences and asset value
1.2.2 Infrequent market monitoring
1.2.3 Limit order market
1.2.4 Value function and equilibrium concept
1.3 Steady state equilibrium
1.3.1 One-tick market
1.3.2 Steady state strategy
1.3.3 Steady state populations
1.3.4 Micro-level dynamic of the limit order book
1.3.5 Execution rate and liquidity provision
1.3.6 Value functions
1.4 Equilibrium outcomes
1.4.1 Limit order execution rates
1.4.2 Market depth
1.4.3 Trading intensity/volume
1.4.4 Effects of the market monitoring frequency
1.5 Welfare analysis
1.6 Conclusion
2 Limited Attention and News Arrival 
2.1 Introduction
2.2 Literature review
2.3 Model
2.3.1 Asset value dynamic
2.3.2 Limited attention
2.3.3 Limit order market
2.3.4 Value function and equilibrium concept
2.4 Equilibrium
2.4.1 The symmetric equilibrium
2.5 Limit order book in steady state
2.5.1 Value functions
2.5.2 Steady state in the symmetric equilibrium
2.6 Limit order book in transition phase
2.6.1 Transition phase strategy
2.6.2 Limit order book dynamics in the transition phase
2.7 After the transition phase : convergence to a steady state without uncertainty
2.8 Empirical implications
2.8.1 Determinants of the liquidity supply before news arrival
2.8.2 Duration between news arrival and price change
2.8.3 Order flow decomposition in the price discovery process
2.9 Conclusion
3 High Frequency Trading, Market Efficiency and Mini Flash Crashes 
3.1 Introduction
3.2 Model setup
3.3 Information, trading strategies, pricing policy and profits
3.3.1 Period 1
3.3.2 Period 2
3.4 Equilibrium
3.5 Equilibrium price dynamics
3.6 Market informational efficiency
3.7 Conclusion
Conclusion 
A Appendix to chapters 1 and 2 
A.1 Model Setup
A.1.1 Preferences dynamic
A.1.2 Limit order market
A.1.3 Value function and equilibrium concept
A.2 Limit order market in steady state w/o fundamental uncertainty
A.2.1 equilibrium conjecture
A.2.2 Steady state populations
A.2.3 Micro-level dynamic of the limit order book
A.2.4 Value functions
A.2.5 Equilibrium outcome
A.3 Dynamic equilibrium converging to a steady state w/o fundamental uncertainty
A.3.1 Micro-level dynamic of the limit order book
A.3.2 Outcome of the dynamic equilibrium
A.4 Limit order book in transition phase
A.4.1 Transition phase strategy
A.4.2 Limit order book dynamics in the transition phase
A.4.3 Equilibrium in the subgame starting after the fundamental value changed
A.5 Equilibrium in the perfectly symmetric case
A.5.1 equilibrium conjecture
A.5.2 equilibrium outcome
A.5.3 Proof of Proposition A.11
A.5.4 Proof of Proposition A.12
A.6 Comparative statics
A.7 Empirical Implications
A.7.1 Liquidity supply in the ”pre-signal” phase
A.7.2 Information integration speed
A.7.3 Order flow decomposition of the price adjustment (transition phase)
A.7.4 Risk of being picked-off
A.7.5 Proof of Corollary A.4
A.7.6 Proof of Corollary A.5
A.8 Extension to the problem with 2 monitoring rates, λ1 and λ2, in the symmetric
case
A.8.1 steady-state populations
A.8.2 Limit order in steady state without fundamental uncertainty
A.9 Transition phase
A.10 Steady-state with uncertainty in the perfectly symmetric case
B Appendix to chapter 3 
B.1 Mini flash crash events
B.2 Proofs
Bibliography

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