Erreurs médicamenteuses en établissements médico-sociaux

Les établissements médico-sociaux

Le secteur médico-social, du fait de la grande diversité des structures et de leur nombre, est un domaine particulièrement complexe. Son objectif est d’accompagner et prendre en charge une partie de notre population dite « fragile », qu’elle soit en situation de dépendance, de précarité, d’exclusion ou encore de handicap.
Il est composé de nombreuses structures, toutes différentes aussi bien au niveau de leur organisation que de la population prise en charge. On y retrouve par exemple des foyers de vie (aussi appelés foyers occupationnels) qui accueillent une population dont le handicap ne permet plus de vivre seul à domicile mais qui conserve cependant une certaine autonomie (suffisante pour participer à des activités ludiques et éducatives par exemple). Les foyers d’accueil médicalisés (FAM), eux, prennent en charge des personnes handicapées dépendantes nécessitant des soins et un suivi médical régulier. Les maisons d’accueil spécialisées (MAS) quant à elles, accueillent des patients handicapés dépendants qui nécessitent une surveillance médicale et des soins constants. Une partie des établissements s’occupe de dispenser une éducation et un enseignement spécialisé selon le degré et le type de handicap d’enfants et adolescents atteints d’un déficit intellectuel, c’est le cas des instituts médico-éducatifs (IME).
Dernier exemple de structure médico-sociale, et non des moindres : les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il s’agit d’établissements médicalisés dédiés à l’accueil des personnes âgées en situation de perte d’autonomie physique et/ou mentale qui ne peuvent rester à domicile.
Les français ont une espérance de vie à la naissance qui augmente chaque année pour atteindre en 2017 d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) , 85,3 ans pour les femmes (contre 84,8 ans en 2012) et 79,5 ans pour les hommes (contre 78,5 ans en 2012). Les rapports STATISS publiés chaque année par l’agence régionale de santé (ARS) montrent en région Provence-Alpes-Côte d’azur (PACA), une augmentation du nombre de personnes de plus de 75 ans (+5,5% en 5 ans) ainsi qu’une augmentation du nombre de personnes vivant en institution (+12% en 5ans). La région a donc dû faire face à la demande en augmentant le nombre de places en institutions mais les moyens humains sont eux jugés insuffisants avec un taux d’encadrement en EHPAD de six soignants pour dix résidents. Toutes les branches du secteur médico-social sont concernées en PACA : le nombre de places en MAS a augmenté de 56% entre 2011 et 2016, de 16% en EHPAD, de 64% en FAM mais aussi de 7% en foyer de vie.

Le circuit du médicament

Le circuit du médicament comporte 3 phases successives. Elles impliquent chacune différents acteurs et comportent des étapes qui leur sont propres.
la prescription qui est un acte médical, la dispensation qui est un acte pharmaceutique, l’administration qui est un acte infirmier.
Toute la difficulté du circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux réside dans le fait que la réglementation présente certaines zones de flou et peut varier d’une structure à l’autre, notamment en ce qui concerne l’étape d’administration. Celle-ci peut dans certains cas être considérée comme un acte de la vie courante et être réalisée par toute personne chargée d’accompagner le patient dans les gestes de la vie quotidienne (auxiliaire de vie, éducateur…).

L’erreur médicamenteuse

L’erreur médicamenteuse est un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la prise en charge thérapeutique médicamenteuse du patient18. C’est une erreur thérapeutique, dont on retrouve plusieurs définitions, quelques peu différentes mais pourtant complémentaires. L’organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’erreur thérapeutique comme « tout événement fortuit survenant à un niveau quelconque dans le circuit qui va de la fabrication, à la prescription et à l’administration des médicaments et incluant les erreurs causées par tout acte de soin, qu’il soit médicamenteux, chirurgical ou de diagnostic ». Mais aussi comme « un événement évitable au cours duquel une dose de médicament reçue par le patient diffère de ce qui avait été prescrit ou ne correspond pas à la politique et aux procédures de l’hôpital. »
L’erreur médicamenteuse est également définie dans l’Art. R5121-15219 du CSP comme «une erreur non intentionnelle d’un professionnel de santé, d’un patient ou d’un tiers, selon le cas, survenue au cours du processus de soin impliquant un médicament ou un produit de santé mentionné à l’Art. R. 5121-15020, notamment lors de la prescription, de la dispensation ou de l’administration.»
D’après l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’erreur médicamenteuse est « l’omission ou la réalisation d’un acte non intentionnel impliquant un médicament durant le processus de soins. Elle peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient.
L’erreur médicamenteuse est dite :
Avérée : lorsqu’elle résulte de l’administration au patient d’un médicament erroné, d’une dose incorrecte, par une mauvaise voie, ou selon un mauvais schéma thérapeutique, etc. ; Potentielle : si l’erreur est interceptée avant l’administration du produit au patient ; Latente (ou risque d’erreur) : s’il s’agit d’une observation témoignant d’un danger potentiel pour le patient ».

Différentes structures et outils de prise en charge de l’erreur médicamenteuse

Nous assistons depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 (loi n° 2016-41 du 26 janvier 201623) à une réforme nationale des vigilances ayant pour objectif d’harmoniser l’exercice des vigilances sanitaires et de redéfinir leur organisation territoriale.
Le décret n°2016-1151 du 24 août 2016 prévoit par l’article Art. D. 1413-5824 « un site internet, développé et mis en œuvre par le groupement mentionné à l’Art. L. 1111-2425, mis à disposition du public, des professionnels de santé et des professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux pour faciliter, promouvoir et recueillir la déclaration ou le signalement des événements sanitaires indésirables figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé. » En mars 2017, le portail national de signalement des événements sanitaires indésirables de l’ARS voit donc le jour.
D’autre part, le décret n°2016-164426 du 1er décembre 216 relatif à l’organisation territoriale de la veille et de la sécurité sanitaire qui fixe la stratégie à adopter en région, confie à l’ARS la mise en place et l’animation des réseaux régionaux de vigilance et d’appui (RREVA) auxquels concourent l’ensemble des réseaux régionaux de vigilance.
Nous allons dans un premier temps vous présenter le RREVA et plus particulièrement celui de la région PACA, nous nous intéresserons ensuite au portail national de signalement mis en place par l’ARS. Ceci nous permettra de faire un point sur la déclaration des événements indésirables graves associés aux soins notamment ceux déclarés dans notre région via le portail national et pour finir nous étudierons le « guichet erreur médicamenteuse » de l’ANSM.

Déclarer un événement indésirable grave associé aux soins

La mise en œuvre de la déclaration des EIGS avec pour objectif d’assurer aux patients un parcours de soin de qualité tout en veillant à en assurer leur sécurité. La déclaration est la même que l’on appartienne au secteur sanitaire ou médico-social.
La déclaration à l’ARS se fait en 2 parties : La première partie appelée volet 1 doit être adressée sans délai à l’ARS. Elle a pour but d’informer rapidement l’organisme de tutelle de la survenue de l’événement et doit comporter un résumé de l’EIGS, les premiers éléments de compréhension, de gestion immédiate.
Le déclarant reçoit un accusé de réception numérique ainsi qu’un numéro de déclaration qu’il utilisera pour compléter la seconde partie.
La seconde partie appelée volet 2 doit être adressée au plus tard dans les trois mois à l’ARS via le portail électronique. La structure régionale d’appui peut être sollicitée, à la demande du déclarant ou de l’ARS pour accompagner la réalisation de l’analyse approfondie de l’événement. Sur ce volet doivent apparaitre les causes de survenue de l’EIGS ainsi que les mesures barrières et le plan d’action mis en place afin d’anticiper et maitriser ce risque à l’avenir. Idéalement, il s’agit d’une démarche collective, multidisciplinaire et pluri professionnelle.
La déclaration réalisée via le portail de signalent est transmise à l’ARS qui, une fois analysée, clôturée, et anonymisée est adressée à la haute autorité de santé (HAS) qui réalise un retour d’expérience national en identifiant des préconisations pour améliorer la sécurité des patients. Les cas reçus à l’HAS sont analysés par un groupe d’experts pluridisciplinaire (médecin, pharmacien, représentant des usagers…) qui se réunit quatre fois par an. Il analyse les modalités d’organisations et les pratiques professionnelles afin de proposer aux autorités sanitaires des recommandations qui permettront d’optimiser le processus.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : Réglementation du circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux
1) Les établissements médico-sociaux 
2) Le circuit du médicament
a) La prescription
b) La dispensation
c) La préparation des traitements
d) L’administration
PARTIE II : L’erreur médicamenteuse
1) Définitions 
2) Différentes structures et outils de prise en charge de l’erreur médicamenteuse
a) Le réseau régional de vigilance et d’appui (RREVA)
b) Le portail national de signalement des événements sanitaires indésirables de l’ARS
c) Déclarer un événement indésirable grave associé aux soins
d) Le guichet « erreur médicamenteuse » de l’ANSM
PARTIE III : Le CAP-TV, en 1ère ligne pour la gestion des EM dans les établissements médico-sociaux
1) Un état des lieux à travers une étude rétrospective
a) Matériel et méthode
b) Résultats
c) Discussion
2) Etude prospective
a) Matériel et méthode
b) Résultats
3) Discussion et comparaison des résultats 
PARTIE IV : Améliorer et sécuriser le circuit du médicament dans les établissements médico-sociaux
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES 
Annexe 1 : document CERFA de déclaration au CRPV
Annexe 2 : formulaire de déclaration des événements indésirables sur le portail PASQUAL
Annexe 3 : fiche de signalement du guichet erreur médicamenteuse de l’ANSM
Annexe 4 : questionnaire élaboré pour le recueil des données de l’étude prospective au CAP-TV de Marseille
Annexe 5 : exemple de charte d’incitation au signalement d’un événement indésirable proposé par l’OMEDIT Centre

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