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L’identité
Pour introduire ce concept il est important de préciser qu’il y a autant de définition de l’identité que de personnes qui l’ont étudié. C’est un concept complexe et il est facile de s’y perdre. Par soucis de clarté, des éléments ont été mis de côté dans le but d’aller à l’essentiel.
L’identité, une notion dimensionnelle
D’après le CNRTL, l’identité est « ce qui demeure identique ou égal à soi-même dans le temps ». L’identité peut être aussi définie au vu de la loi, il s’agit alors de « l’ensemble des traits ou caractéristiques qui, au regard de l’état civil, permettent de reconnaître une personne et d’établir son individualité au regard de la loi » (36). Pour Jean Baechler, l’identité de l’Homme se compose en trois niveaux : le niveau humain, identifiant l’Homme comme une espèce à part entière, tous les humains sont identiques ; le niveau culturel, identifiant l’Homme dans son appartenance à une culture, à un groupe ; le niveau idiosyncrasique identifiant, outre le niveau humain et culturel, ce qui rend un humain unique (37). Ce phénomène peut être décrit comme individuel, subjectif, empirique, la personne est libre de faire ses choix, de déterminer ce qui est son identité. « Chaque individu possède sa propre conscience identitaire qui le rend différent de tous les autres » (37). Il est aussi décrit comme un phénomène collectif ou l’identité est « un rapport. Ce n’est pas une qualité intrinsèque qui existerait en soi, en l’absence de tout contact avec les autres » (38). L’identité est présente et se forme grâce aux relations sociales. Pour Louis Jacques Dorais, « l’identité est avant tout relationnelle, elle est sujette à changement quand les circonstances modifient le rapport au monde » (38). 24 Claude Dubar, lui, considère l’identité autant comme un phénomène individuel que comme un phénomène collectif. Pour lui « l’individu ne se construit jamais seul : son identité dépend autant des jugements d’autrui que de ses propres orientations et définitions de soi » (39). Il considère l’identité comme un phénomène en trois dimensions (moi, nous et autrui) et introduit les notions d’identité pour soi et d’identité pour autrui. L’identité pour soi correspond à l’image que l’individu se fait de lui (moi), l’identité pour autrui correspond à l’image que l’individu souhaite renvoyer (autrui) et enfin l’identité se construit avec l’image que les personnes ont de l’individu (nous) (39,40). Face à toutes ces définitions et notions apportées par les auteurs, peut-on encore parler d’identité unique ? Faut-il décliner l’identité infiniment ? Identité personnelle, sociale, légale, professionnelle, culturelle, naturelle, ethnique, nationale…
Un processus de construction, la socialisation
Cependant, tous se mettent d’accord pour dire que la construction de l’identité ou des identités est un processus, elles se construisent tout au long de la vie et à chaque étape de celle-ci. « L’identité humaine n’est pas donnée, une fois pour toute, à la naissance : elle se construit dans l’enfance et, désormais, doit se reconstruire tout au long de la vie » (39). La socialisation est l’un des noms pouvant être donné à ce processus. Elle se définit comme un apprentissage permettant à un individu de s’intégrer à la société dans lequel il vit. Selon Dominique Bolliet et Jean-Pierre Schmitt la socialisation correspond à la transmission des cultures et à l’incorporation des valeurs, normes et rôles de la société. Elle permet la construction des identités, l’intégration des personnes dans des groupes et la capacité à créer des liens sociaux (41). La socialisation est présente tout au long de la vie mais se divise en deux. Tout d’abord la socialisation primaire, celle-ci se situe dans l’enfance et jusqu’à l’adolescence. La famille y joue un rôle essentiel, ainsi que l’école. Dans cette étape l’enfant y apprend l’ensemble des éléments nécessaires pour s’intégrer dans la société. Ensuite la socialisation est secondaire, elle est présente du passage à la vie d’adulte et ne se termine pas. On parle aussi de socialisation continue. La socialisation secondaire permet aux individus d’intégrer les différents groupes que celui-ci fréquente, lors de voyage, de formation, auprès d’amis, de loisirs et notamment au travail et dans chaque nouveau collectif de travail qu’il rencontrera (42). C’est lors de cette socialisation secondaire que l’individu va construire son identité professionnelle. En effet selon Félix Gentili, « l’identité professionnelle est avant tout une identité sociale ancrée dans une profession. Elle est le produit d’une incorporation de savoirs professionnels. Elle constitue donc une socialisation secondaire » (43). 25 Nous pouvons nous demander si une socialisation primaire difficile impacte la socialisation secondaire ? De plus, l’identité professionnelle change-t-elle radicalement lorsque la personne change de profession ? En effet, existe-t-il une identité professionnelle basale ? Enfin, comment peut-on définir l’identité professionnelle ?
L’identité professionnelle issue de la socialisation secondaire
Pour Jacques Ion, « l’identité professionnelle, c’est ce qui permet aux membres d’une même profession de se reconnaître eux-mêmes comme tels et de faire reconnaître leur spécificité à l’extérieur » (44). Ou encore d’après Pierre Doray, l’identité professionnelle est fabriquée dans la négociation entre une personne avec son identité professionnelle et une entreprise/institution qui reconnaît ou non cette identité (45). A travers ces deux définitions, il est possible d’y voir un parallèle avec les trois dimensions de Claude Dubar, où l’identité professionnelle pour soi est l’image que l’individu a de sa profession, l’identité professionnelle pour autrui est l’image de sa profession que l’individu souhaite montrer et enfin cette identité professionnelle se construit avec l’image qu’ont les individus de leur profession. Deux personnes de la même profession peuvent-elles avoir des identités professionnelles significativement différentes ? Par conséquence, comment mettre au même niveau un professionnel seul représentant de sa profession face à une profession plus représentée dans la structure ? En d’autres termes, comment mettre à égalité une identité professionnelle unique face à une identité professionnelle qui serait alors collective ? Enfin, comment agir lorsque son identité professionnelle pour soi est différente de celle que les autres professionnels renvoient ?
L’identité professionnelle comme garant de la pratique ?
Pour Paul Fustier, la légitimité des pratiques et l’identité professionnelle sont intimement liées. Certaines professions seraient dotées d’une noblesse culturelle qui les rendraient titulaires d’une identité professionnelle a priori, légitimant alors les pratiques. A l’inverse d’autres professions devraient obtenir leurs légitimités de ce qu’ils produisent dans le but d’obtenir une identité professionnelle a posteriori. Cela est du devoir de l’institution de rendre les pratiques légitimes en questionnant le professionnel sur les fondements de celles-ci. En effet, « l’instance légitimante est critique, elle n’est pas bienveillante, elle se prononce sur des propositions qui doivent être argumentées, défendues, faire la preuve de leur intérêt par rapport à la tâche primaire de l’institution en référence à une théorie » (32). Dans ce cas, comment une institution peut-elle être légitimante pour une équipe composée de différentes professions ? Ainsi, la coopération peut-elle rendre une profession légitime ? De plus, une identité professionnelle peut-elle être plus forte qu’une autre ? Et donc, comment une 26 institution fait-elle coopérer des professionnels ayant une identité professionnelle forte et des professionnels devant l’imposer ?
1. Introduction |