L’IRA est habituellement définie comme une diminution brutale de la fonction rénale qui est responsable non seulement d’une rétention de toxines dites « urémiques » et d’autres déchets azotés, mais également d’une dysrégulation de l’homéostasie des fluides extracellulaires et des électrolytes. [1] [2] Dans la littérature, il existe une diversité de critères et une réelle difficulté à définir l’IRA de façon homogène. Trois critères sont classiquement admis :
➤ L’augmentation de l’urée sanguine (urée > 8,35 mmol/l) ;
➤ L’augmentation de la créatininimie (créatinine > 130 mol/l ou une augmentation de 44 mol/l au-dessus de la valeur de base ;
➤ L’oligurie (< 0,5 ml/kg/h), signe classique, mais inconstant.
L’incidence de l’IRA a augmenté ces dernières décennies en raison du vieillissement de la population. Les données concernant la fréquence de l’IRA en milieu hospitalier dépendent également de la méthodologie et de la définition d’IRA utilisée et varient donc de 1,9% à 7,2% . Pour les patients nécessitant une dialyse, l’incidence serait passée de 4 à 27/100 000 habitants par an entre1996 et 2003 [3]. Cette augmentation du nombre d’IRA est expliquée par l’âge croissant des patients, leurs multiples comorbidités et l’augmentation des mesures invasives ou des procédures de diagnostic. Par ailleurs, un traitement de suppléance extrarénale est instauré dans des circonstances d’urgence chez environ 6% d’entre eux [4]. La mortalité intrahospitalière augmente de deux à seize fois selon la sévérité de l’atteinte rénale, indépendamment d’autres facteurs [5,6]. Elle peut atteindre 20 à 50% et le pronostic est particulièrement mauvais pour les patients nécessitant un traitement .
L’IRA est une complication redoutable fréquemment observée chez les patients admis ou lors de leur séjour en réanimation avec une incidence allant de 1 à 25% . Dans la plupart des cas elle s’intègre dans un tableau de syndrome de défaillance multiviscérale. ; et donc associée à un allongement du séjour en réanimation [10], à des coûts de santé accrus, une réduction de la qualité de vie des survivants [16] et à une importante mortalité. Malgré les progrès des traitements de substitution, La mortalité de l’IRA en réanimation reste proche de 50% à 60 % et sa survenue possède une valeur prédictive indépendante de mortalité .
L’utilisation des méthodes d’épuration extrarénale lors de l’insuffisance rénale aigue et en dehors de cette situation s’est récemment développée. Ces méthodes d’épuration extrarénale sont largement utilisées en réanimation et comportent des conséquences cliniques et socio-économiques non négligeables. Elles s’adressent essentiellement à des malades en insuffisance rénale aiguë (I.R.A) qui présentent une ou plusieurs altérations de leurs fonctions vitales (cardio-circulatoire, neurologique, respiratoire, etc…). C’est le cas notamment des insuffisants rénaux aigus polytraumatisés, brûlés, écrasés, septiques ou des suites post- opératoires compliquées de choc septique ou de détresse respiratoire. En plus de cette indication essentielle, on assiste depuis plusieurs années à un élargissement des indications de l’E.E.R à des malades sans altération de la fonction rénale, mais qui présentent un état septique grave, une acidose lactique sévère ou une insuffisance cardiaque avancée résistante au traitement digitalo -diurétique et en attente d’une greffe cardiaque.
D’importants progrès ont été réalisés dans la prise en charge des patients hémodialysés en réanimation avec amélioration des techniques d’épuration extra rénale (EER), permettant ainsi d’en diminuer la mortalité hospitalière. Pour mieux approcher les particularités de cette procédure en milieu de réanimation médico chirurgicale ,nous avons réalisé une étude rétrospective au service de Réanimation de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech, dont les objectifs étaient de faire le point sur les aspects épidémiologiques, cliniques, étiologiques, thérapeutiques et d’analyser les éléments évolutifs des patients hémodialysés en réanimation .
L’incidence
L’insuffisance rénale aigue (IRA) est une urgence qui peut justifier une dialyse immédiate parallèlement à la démarche diagnostique. Sa prévalence chez les patients hospitalisés serait de 2 à 5 % en hôpital général, de 10 % en unité de soins intensifs. Son incidence varie selon les définitions et les structures hospitalières. Elle est en progression et augmente avec l’âge (8 à 1000 cas pmh selon la tranche d’âge). L’incidence de l’IRA requérant la dialyse est estimée à 130 pmh. Ainsi en milieu de réanimation, l’IRA concerne 7 à 25 % des patients et nécessite la dialyse dans 50 à 100 % des cas. Elle se singularise aujourd’hui par la fréquence des causes médicales (50 a 75 %) et iatrogènes, son intrication avec des défaillances polyviscérales complexes, sa survenue chez des patients de plus en plus âgés. Au Maroc, l’IRA compliquerait 2 à 5% des hospitalisations et son incidence peut atteindre 10%, particulièrement dans les suites de la chirurgie cardio-vasculaire[17]. L’institution de la dialyse au cours du traitement d’un patient en urgence a une signification clinique à la fois en termes de sévérité de la maladie et par l’aggravation considérable et la complexité de la prise en charge du patient. L’incidence des IRA sévères nécessitant une EER est variable dans les différentes études hospitalières, allant de 4 à 10 % des patients de réanimation [17]. Dans le CHU Hassan II de Fès, l’incidence de l’insuffisance rénale aiguë était de 18 à 32% en milieu de réanimation (données de l’année 2009) et de 39% en milieu néphrologique [58].Le pourcentage des patients hospitalisés en réanimation ayant eu recours à l’hémodialyse a quant à lui atteint 2% contre 7,3% en milieu néphrologique. Parmi les patients de réanimation, l’incidence de l’IRA est variable selon le type de recrutement et des critères diagnostiques de l’IRA . Dans la série du groupe français d’étude de l’IRA [59], 7 % des 360 patients admis en réanimation présentaient une IRA. Parmi les 1411 patients admis dans 40 centres européens, 25 % ont présenté une IRA [10].Dans l’étude « SOAP »,qui a consisté en une observation de cohorte menée dans 198 centres de réanimation de 24 pays entre le 1er et le 15 mai 2002. L’IRA était définie par un score rénal SOFA > 2 (SOFA study). Sur 3147 patients, 1120 soit 35,6%présentaient une IRA au cours de leur séjour en réanimation [60]. [61]. [62]. Plus récemment une étude chinoise réalisée en 2009, publié en 2013 évalue l’incidence de l’IRA en réanimation à 31,6% . [63]. Sur le plan national, une étude similaire réalisée en 2010 dans notre CHU de Marrakech rapporte une incidence de 7,79 % [64].Alors qu’une étude réalisée dans la région de Kenitra rapporte une incidence de l’ordre de 62% [65]. L’incidence dans la population de telles IRA sévères nécessitant le recours à l’EER a été récemment estimée à 40-130 cas/millions d’habitants/an [66, 67,68 ] L’augmentation de l’incidence de l’IRA ainsi que le recours à l’épuration extrarénale, trouve son explication dans l’utilisation de critères de plus en plus sensibles, en matière de définition de l’IRA .Il pourrait également être expliquée par le vieillissement de la population et la multiplicité des facteurs de risque qui en résulte. Ainsi L’IRA actuellement est rarement isolée, elle apparait le plus souvent comme une pathologie s’intégrant dans un SDMV.
Données épidémiologiques
L’âge
La moyenne d’âge des patients dialysés en situation d’urgence est très variable dans la littérature. Dans les séries occidentales, cette moyenne est située entre 60 et 80 ans, concordant avec celle relevée dans notre étude .Par contre et dans les autres pays en voie de développement, cette moyenne est située entre 35 et 45 ans.
La moyenne d’âge dans notre série était de 68,76±16,27 ans avec des extrêmes allant de 40 à 93 ans. Le maximum de fréquence de l’IRA et ainsi le recours à l’hémodialyse a été noté dans la tranche d’âge entre 60-69,70-79 et 80-89ans. Ce maximum de fréquence est presque identique à celui observé par l’étude française de Vinsonneau [71]. Ceci est probablement dû au vieillissement de la population et à l’amélioration du niveau de prise en charge médicale . L’atteinte de cette tranche d’âge a été expliquée par d’autres auteurs par les modifications physiologiques et anatomiques liées à l’âge notamment les modifications de l’hémodynamique rénale avec augmentation des résistances vasculaires due à un déséquilibre entre les facteurs vasodilatateurs et vasoconstricteurs et la diminution de la filtration glomérulaire qui sont associées à une polymédication et aux maladies chroniques intéressant les sujets âgés [72].
Le sexe
Une prédominance masculine a été retrouvée dans notre série (72%) , ce même constat a été également relevé par l’ensemble des auteurs .
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