Epilepsie par réseaux de neurones artificiels
Biomarqueurs des épilepsies
L’objectif du séjour d’hospitalisation en SEEG est d’enregistrer une ou plusieurs crises (période critique) chez le patient, de préférence spontanées, afin de caractériser le réseau épileptogène. Il est aussi possible de rechercher des marqueurs électrophysiologiques du réseau en périodes intercritiques, donc en dehors des crises. Ces marqueurs sont des témoignages de l’activité épileptogène de régions locales ou de réseaux plus étendus. Ils servent à guider les hypothèses cliniques en délimitant les zones épileptogène et de propagation. L’investigation de ces marqueurs est à ce jour essentiellement réalisée manuellement au travers d’explorations visuelles de l’activité cérébrale. On distingue deux types de marqueurs intercritiques principaux : les pointes épileptiques intercritiques (PEIs) et les oscillations à hautes fréquences (HFOs), dont les FRs.
Les pointes intercritiques
Les PEIs (deux premières colonnes de la figure 2), apparaissent de manière spontanée entre les périodes de crises. Elles jouent un rôle important dans la caractérisation du RE et peuvent guider les investigations pour contourer le foyer épileptogène et Les épilepsies Figure 7 – Exemple d’électrode hybride profonde. A. Cette électrode est constituée de 9 micro-filaments. B. Avant l’implantation, les microfilaments sont manipulés et pliés jusqu’à obtention d’une configuration évasée optimale (image à droite). sa zone de propagation (Penfield and Jasper, 1954; Baumgartner et al., 1995; Holmes et al., 2000; Blume et al., 2001; De Curtis and Avanzini, 2001). La morphologie des PEIs est reconnaissable à l’oeil nu même aux échelles graphiques utilisées pour visualiser l’activité cérébrale en clinique. Ce sont des événements de grandes amplitude, mesurant souvent plusieurs centaines de µVet relativement durables avec une composante rapide d’une durée de 50 à 100 ms, généralement suivie d’une onde lente d’une durée de 200 à 500 ms (Gotman and Gloor, 1976; De Curtis and Avanzini, 2001). Un exemple classique de visualisation de l’EEG ou de la SEEG en clinique montrant plusieurs PEIs est illustré en figure 8. Tous les canaux d’enregistrement, soit une centaine, sont représentés simultanément sur une fenêtre temporelle pouvant s’étendre de 10 à 30 secondes. Les équipes médicales sont familières de ce type de visualisation, elles y sont très habituées et attachées. Les médecins et infirmières y trouvent leurs repères, acquis au cours d’années de formation et d’expérience en tant que praticiens. Les neurologues sont capables de détecter rapidement sur ces affichages des anomalies relativement discrètes comme des changements de fréquence ou d’amplitude pathologiques, en particulier des PEIs.
Les oscillations à hautes fréquences
La zone irritative (ZI) chevauche généralement la ZE mais est souvent plus étendue. A ce titre, la simple présence des PEIs n’est pas suffisante pour orienter précisément l’acte de résection chirurgicale (Talairach and Bancaud, 1966; Kahane et al., 2006; McGonigal et al., 2007). Pour cette raison il est important d’utiliser d’autres marqueurs pouvant être en relation plus directe avec la ZE. Des recherches récentes ont mis en évidence le lien entre des oscillations à hautes fréquences (HFOs) apparaissant en 44 2 Etat de l’art 2.1 Les épilepsies Figure 8 – Affichage des canaux d’enregistrement SEEG, proche d’un affichage classiquement utilisé clinique. Tous les canaux sont représentés simultanément sur une fenêtre temporelle de 10 secondes. Des modifications d’activité amples ou durables peuvent être observées à l’oeil nu assez facilement par un expert. Des exemples de PEIs sont entourés, avec un grossissement sur l’une d’entre elles dont on observe l’écho sur les canaux adjacents. D’autres marqueurs plus subtiles comme des HFOs sont invisibles à l’oeil nu. période intercritique et le réseau épileptogène, voire la ZE (Staba et al., 2002; Zijlmans et al., 2012; Höller et al., 2015). Être capable de localiser ces HFOs efficacement pourrait permettre une amélioration notable du processus de diagnostic des épilepsies, grâce à une localisation plus rapide et plus précise des tissus à opérer. Les HFOs sont spontanées, souvent de faible amplitude et composées d’au moins 3 à 6 périodes distinctes de l’activité de fond (Staba et al., 2002; Jacobs et al., 2012; Melani et al., 2013b; Roehri et al., 2017). Ces événements témoigneraient d’une synchronisation à court terme d’assemblées neuronales (Buzsaki et al., 1992; Curio, 2000; Grenier et al., 2001; Jones et al., 2000; Frauscher et al., 2017; Valero et al., 2017). Toutefois, la diversité des mécanismes à l’origine de ces oscillations est encore débattue dans la littérature (Ibarz et al., 2010; Foffani et al., 2007; de la Prida et al., 2015; Demont-Guignard et al., 2012). Il se pourrait que certaines HFOs émergent de populations neuronales désynchronisées dont les activités se chevauchent. On distingue généralement deux catégories de HFOs (Zelmann et al., 2009; Ibarz et al., 2010; Ventura-Mejía and Medina-Ceja, 2014; Zelmann et al., 2009; Melani et al., 2013b; Foffani et al., 2007; Roehri et al., 2018) : • Les ripples : HFOs comprises entre 80 et 200 Hz (Buzsaki et al., 1992; Chrobak and Buzsáki, 1996), ces oscillations peuvent être physiologiques ou pathologiques et d’amplitude variant entre 40 et 200 µV (Jirsch et al., 2006; Alkawadri et al., 2014; Girardeau 45 2 Etat de l’art 2.1 Les épilepsies et al., 2009; Melani et al., 2013b). • Les fast ripples (FRs) : HFOs comprises entre 200 et 600 Hz (Bragin et al., 1999a; Roehri et al., 2018), ces oscillations sont pathologiques et d’amplitude variant entre 5 et 30 µV (Jirsch et al., 2006; de la Prida et al., 2015; Melani et al., 2013b). A l’origine, les HFOs ont été découvertes grâce à l’utilisation de micro-électrodes chez des patients épileptiques implantés au niveau des structures hippocampiques et du cortex entorhinal (Bragin et al., 1999b; Bragin et al., 1999a). Une rupture s’est produite vers le milieu des années 2000 lorsque des HFOs, en particulier des FRs, ont pu être enregistrées à partir de macro-électrodes, plus conventionnelles et accessibles (Jirsch et al., 2006; Urrestarazu et al., 2007; Châtillon et al., 2011). Depuis, la plupart des travaux réalisés se sont focalisés sur des enregistrements à cette échelle. Des études ont même montré qu’il était possible d’enregistrer des HFOs par l’intermédiaire de techniques non-invasives comme l’EEG de scalp ou la MEG (Golmohammadi et al., 2017a; Tjepkema-Cloostermans et al., 2018; Melani et al., 2013a; Pizzo et al., 2016; von Ellenrieder et al., 2016; Yin et al., 2019; Van Klink et al., 2016b; Xiang et al., 2009). Le problème avec les HFOs c’est que ce sont des signaux très faibles et locaux. Plus on augmente l’échelle, donc la portée des enregistrements, plus les volumes et donc les populations neuronales capturées s’élargissent. Augmenter l’échelle rend les HFOs susceptibles d’être noyées dans le tumulte environnant, jusqu’à devenir indétectables. Seuls les événements les plus intenses pourraient ainsi être détectés à l’échelle EEG-macro et ceux encore plus intenses et proches du néocortex avec des techniques non-invasives.
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