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EPIDEMIOLOGIE DU KYSTE SIMPLE DU REIN
La fréquence réelle de la survenue des kystes simples du rein est difficile à établir en raison de son caractère silencieux. Par contre, depuis l’essor de l’échographie et de la tomodensitométrie, leur découverte fortuite est devenue un évènement courant.
Leur prévalence augmente avec l’âge. Elle est estimée à plus de 30% au-delà de 70 ans, alors que chez l’enfant elle est estimée à moins de 4% [3]. Cela a été rapporté sur plusieurs séries (Tableau I).
Des études d’autopsie ont montré qu’un ou plusieurs kystes simples sont présents dans plus de 50% des cas au-delà de 50 ans [3]. La prévalence générale des kystes simples faisant l’objet d’une découverte fortuite au cours des séries d’examens tomodensitométriques peut atteindre jusqu’à 40% de la population générale [4] (Tableau II).
La présence de kystes simples au cours de la vie fœtale et en néonatologie a longtemps été considéré comme exceptionnelle. Une étude menée par Blazer [5] portée sur environ 30.000 fœtus a relevé une incidence de kystes simples de l’ordre de 0,09%, avec résolution de la majorité des cas (soit 89%) à la naissance. La prédominance par rapport au sexe reste discutable. Pour certains auteurs il n’existe pas de prédominance de sexe [3]. Pourtant plusieurs études montrent que les hommes sont plus affectés que les femmes (Tableau II).
ETIOPATHOGENIE DU KYSTE SIMPLE DU REIN
Deux hypothèses majeures sont actuellement retenues pour expliquer la survenue des kystes simples du rein, sans qu’il soit possible de prendre parti en faveur de l’une ou de l’autre :
La théorie toxique : selon laquelle certains kystes seraient secondaires à une néphropathie toxique. La toxine, endogène ou exogène, agirait par l’intermédiaire de perturbations chimiques au niveau du tubule rénal ;
La théorie de l’obstacle : est argumentée surtout devant certaines constatations :
L’association fréquente des kystes et des troubles prostatiques ;
La kystisation progressive de diverticules pyélocaliciels ;
L’absence de lésions dysplasiques au niveau des parois kystiques, mais la présence de fibres musculaires lisses d’origine pyélocalicielle ou tubulaire.
Les possibilités d’expansion des kystes rénaux sont fonction de leur topographie et des rapports de pression avec les tissus environnants : un kyste périphérique est bien plus apte à s’étendre qu’un kyste intraparenchymateux ou intra-sinusal [15].
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Aspect macroscopique
Les kystes simples ont le plus souvent la forme d’une surélévation de la corticale, régulière, hémisphérique, et bien limitée par une membrane fine et nettement distincte du parenchyme qui l’entoure. Leur taille est variable, allant du kyste infra-centimétrique au kyste volumineux (plus de 10 centimètres). L’aspect translucide et bleuté de la membrane permet de voir le contenu liquidien. A l’ouverture, la paroi est parfaitement régulière et lisse, avec parfois un aspect trabéculé en regard du parenchyme rénal [14,15, 16].
Aspect microscopique
La paroi kystique est formée de trois couches, avec, en partant de l’intérieur vers l’extérieur :
Un revêtement épithélial, de type cylindro-cubique discontinu ;
Une couche conjonctive, formée habituellement d’une couche interne fibreuse, parfois calcifiée, et d’une couche musculaire lisse externe, souvent étirée. On peut parfois observer du tissu adipeux, des filets nerveux, et quelques vaisseaux en son sein ;
Une couche parenchymateuse, de type cortical dans la majorité des cas.
On peut parfois y observer des formations tubulaires, le plus souvent atrophiques. Le parenchyme rénal au contact de la partie interne du kyste est sain, apparaissant tout simplement harmonieusement refoulé. Il n’existe pas de plan de clivage net entre la paroi du kyste et le parenchyme sain. Certains remaniements tels qu’un épaississement de la paroi ou la présence de calcifications, peuvent être secondaires à une hémorragie ancienne ou une infection du kyste
[15, 16].
CLINIQUE
Manifestations cliniques
Circonstances de découvertes
La grande majorité des kystes simples n’est responsable d’aucune symptomatologie clinique en dehors de complications. Leur découverte est essentiellement fortuite, lors d’un bilan d’imagerie demandé pour une autre raison.
Certains kystes volumineux, peuvent être à l’origine de douleurs lombaires ou abdominales chroniques, ou alors d’une sensation de pesanteur. Ces kystes peuvent aussi être révélés par des coliques néphrétiques lorsqu’ils compriment les voies excrétrices.
Une douleur aigue ou subaiguë doit faire évoquer et rechercher des complications telles qu’une rupture, une hémorragie ou une infection du kyste [13].
L’hématurie est un symptôme peu fréquent au cours de cette pathologie. Un kyste simple ne saigne que rarement. La majorité des auteurs s’accorde à réfuter tout lien de causalité entre hématurie et kyste bénin du rein [15].
Données de l’examen physique
L’examen physique peut parfois mettre en évidence un contact lombaire ou un ballotement rénal, lorsque le kyste est assez volumineux et accessible, en particulier chez les patients maigres. Cette masse est mate à la percussion et peu ou pas douloureuse. On peut également retrouver une sensibilité lombaire. Dans la majorité des cas l’examen physique est sans particularité [16].
Diagnostic paraclinique
Le diagnostic de certitude des kystes rénaux repose fondamentalement sur l’échographie et la tomodensitométrie (TDM).
Echographie
C’est l’examen de première intention, en raison de sa disponibilité, son innocuité, ses résultats excellents, et son coût abordable. Cet examen peut être limité en cas d’obésité.
Le kyste simple se présente sous forme d’une image à forme arrondie ou ovoïde et un aspect totalement anéchogène avec renforcement acoustique postérieur aux contours réguliers et bien définis. Sa paroi est très fine, donc indiscernable des structures environnantes, réalisant une simple interface avec le kyste [13,16].
Lorsque tous ces critères sont présents, la fiabilité du diagnostic est proche de 100 % [17]. Lorsque certains de ces critères manquent, on ne peut pas affirmer le caractère bénin du kyste. Il est donc nécessaire de poursuivre l’exploration radiologique par tomodensitométrie. C’est le cas lorsqu’il existe des cloisons intra-kystiques, des contours irréguliers, des calcifications, ou une paroi visible. Aussi, la présence de kystes multiples est une indication de TDM car ces kystes peuvent dissimuler une lésion cancéreuse à l’échographie [18].
Le doppler couleur apporte des données supplémentaires à l’échographie, en affirmant le caractère avasculaire de la masse.
Tomodensitométrie (Uro-TDM)
La tomodensitométrie est l’examen de référence dans la détection et le diagnostic étiologique des masses rénales kystiques.
Les critères tomodensitométriques pour le diagnostic du kyste simple du rein sont les suivants [13] :
Forme ovoïde ou arrondie ;
Contenu homogène de densité liquidienne proche à celle de l’eau (– 10 à + 20 unités Hounsfield [UH]) ;
Limites régulières, fines et bien définies ;
L’injection du produit de contraste ne rehausse ni la densité du contenu du kyste, ni celle de la paroi.
Lorsque ces critères sont respectés, la fiabilité du diagnostic de kyste simple est absolue [19].
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
L’IRM trouve son indication dans la caractérisation de certaines masses restées indéterminées sur un examen TDM, mais peut également le remplacer en cas de contre-indication.
L’avantage de l’IRM par rapport à la TDM, est sa meilleure résolution en contraste. Cependant, la durée longue de l’examen, le coût élevé, et l’importance de certains artefacts (mouvements respiratoires, déplacements) qui peuvent être à l’origine d’une hétérogénéité du signal ou d’un pseudo épaississement de la paroi, constituent les principales limites de cet examen.
L’analyse d’une masse kystique en IRM recherche les mêmes critères que la tomodensitométrie. Le contenu d’un kyste simple se caractérise par :
Un hyposignal homogène sur les images pondérées en T1, non modifié après injection du produit de contraste ;
Un hypersignal franc et homogène en T2.
Bien que l’IRM apporte peu d’information supplémentaire par rapport à la tomodensitométrie, elle permet une meilleure analyse du contenu des kystes, en particulier ceux à contenu hémorragique ou protéinique (hypersignal en T1) [16, 20].
Radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) : actuellement dépassé
Il montre rarement un syndrome de masse de tonalité hydrique, pouvant s’associer à une déformation du contour rénal ; ou des calcifications périphériques en « coquille d’œuf » [20].
Urographie intraveineuse (UIV)
De même que l’ASP, elle ne trouve plus sa place dans le diagnostic des kystes rénaux, depuis l’essor de l’échographie et la TDM. La présence d’un kyste rénal peut se traduire à l’UIV par :
Une lacune néphrogénique avec ou sans déformation du contour rénal ;
Une désorganisation des cavités pyélocalicielles ;
Un syndrome de masse régulier.
Les kystes de petite taille et certains kystes à développement exorénal, parfois de très grande taille, peuvent n’avoir aucun retentissement sur l’urogramme. Aucune de ces anomalies radiologiques n’est spécifique. Elles peuvent être en rapport avec la présence d’une masse mais ne permettent pas d’affirmer sa nature. Ces examens sont souvent normaux et n’ont aucun intérêt dans cette pathologie [20].
Artériographie
Elle n’a plus d’indication, remplacée actuellement par l’angio-IRM beaucoup moins invasive et donnant plus de renseignements.
En faveur du kyste, on retient :
Au temps artériel : un déplacement et un refoulement harmonieux sans pénétration du produit de contraste au sein de la masse ;
Au temps néphrographique ou parenchymateux : les signes radiologiques sont parfaitement identiques à ceux observés lors de la néphrotomographie de l’urographie intraveineuse [16].
CLASSIFICATION DE BOSNIAK
La classification des masses kystiques rénales a été établie en 1986 par Morton Bosniak, et révisée en 1993 [18]. Elle se base sur des critères morphologiques du Kyste à la TDM. Son intérêt est d’orienter la prise en charge thérapeutique [13, 20]. Selon leur aspect, les kystes sont classés en 4 grandes catégories (Tableau III) :
Tableau III: Classification des tumeurs kystiques du rein d’après Bosniak, modifiée [20]
FORMES CLINIQUES
Kystes atypiques
Un kyste est dit atypique lorsqu’il ne réunit pas tous les critères radiologiques du kyste séreux, quelle que soit la méthode d’imagerie. Il peut correspondre à un kyste simple remanié ou une tumeur kystique [13].
Kystes compliqués
Kyste hémorragique
Il peut survenir dans un contexte de traumatisme et /ou troubles de l’hémostase. Son incidence est d’environ 6% [22].
A la TDM, il se présente sous forme d’un matériel dense et hétérogène, dû à la présence de caillots. À distance, l’hémorragie peut favoriser des calcifications, des cloisons internes et/ou un épaississement de la paroi. L’échographie montre une image de sédiment déclive très évocatrice d’hémorragie récente. L’IRM est plus performante dans l’analyse du kyste hémorragique.
Kyste rompu
La rupture spontanée ou traumatique est une complication rare. Elle peut se faire dans l’espace péri-rénal, par rupture de la capsule, ou dans les voies excrétrices. Elle peut se manifester par des douleurs brutales, un empâtement de la fosse lombaire, ou une hématurie
[23, 24].
Infection du kyste
L’infection du kyste peut survenir dans un contexte de dissémination hématogène, par voie urinaire ascendante, ou suite à une manœuvre chirurgicale. La symptomatologie oriente souvent le diagnostic, et repose sur l’association de douleur lombaire et fièvre, mais elle peut rester asymptomatique.
Le kyste subit des modifications telles que l’augmentation de la densité et l’épaississement de la paroi qui reste régulière. Elle s’accompagne de l’apparition d’une néovascularisation et souvent de signes de péri-néphrite. La présence de bulles gazeuses, en l’absence de manœuvres urologiques rétrogrades, est rare mais spécifique du diagnostic [25].
Gros kyste compressif
Certains kystes sont spontanément symptomatiques, par leur grande taille (> 10 cm) ou par compression et obstruction d’un grand calice ou bassinet, en particulier lorsqu’ils se développent dans le sinus. Les compressions vasculaires artérielles et/ou veineuses peuvent être à l’origine d’une HTA ou d’une protéinurie.
Les associations
Kyste et HTA
L’association entre l’HTA et kyste rénal simple reste peu claire. Il se peut que l’activation du système rénine-angiotensine, due à la compression de l’artère rénale par le kyste, soit le mécanisme derrière ce phénomène. Certains travaux ont rapporté que des kystes volumineux seraient à l’origine d’hypertension artérielle et que la ponction de ces kystes entrainait une réduction significative et normalisation des chiffres tensionnels [26, 27]. A contrario, une étude cas-témoin de plus de 1.000 patients ne montre pas de différence significative en termes d’hypertension artérielle [28].
Ce phénomène s’expliquerait aussi par la fréquence de ces deux affections, en particulier chez le sujet âgé. Cependant, cette association a été également retrouvée chez les enfants [29].
Kyste et lithiase rénale
L’obstruction et la distorsion des calices causées par les kystes rénaux, favoriseraient la stase urinaire et par conséquent un milieu idéal pour la précipitation de cristaux et formation de calculs [30]. Chang et al ont rapporté un taux de 24% de patients atteints de kyste rénal simple présentant des lithiases dont 86,6% étaient homolatérales, contre 11,5% de patients non atteints de kyste [7].
Kyste et cancer
La découverte d’un cancer au contact d’un kyste ou au sein de sa paroi pourrait relever de trois mécanismes différents [31, 33] :
L’association fortuite d’un kyste et d’une tumeur rénale ;
Un véritable kyste « sentinelle » causé par la croissance tumorale et l’obstruction d’un tube distal par la tumeur.
Le développement d’un cancer à partir d’un kyste simple préexistant, qui est une situation très exceptionnelle.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Kyste et pseudokyste extra-parenchymateux
Kyste parapyélique [20, 34]
Il représente environ 6% des patients porteurs de kyste. Le kyste parapyélique se présente souvent sous forme d’une lésion kystique multiloculaire confinée au sinus, s’insinuant entre les cavités pyélocalicielles. Plus rarement il prend la forme d’une masse kystique unique.
Le kyste se présente sous forme d’images liquidiennes sinusales de forme arrondie ou plus souvent ovale, situées dans le sinus au contact des cavités pyélocalicielles.
Bien que le kyste parapyélique soit considéré comme un des diagnostiques différentiels du kyste simple, étant donné son origine lymphatique, il partage les mêmes indications thérapeutiques et est souvent inclus dans les mêmes séries que le kyste simple [35].
Kyste pyélogénique ou diverticule caliciel
C’est une cavité tapissée d’un épithélium transitionnel communiquant avec un calice par un fin collet. Le diagnostic est généralement facile, excepté lorsqu’il est volumineux ou infecté. L’aspect en TDM peut être alors en tout point identique à celui d’un kyste intraparenchymateux compliqué.
Lésions vasculaires pseudo-kystiques
Anévrisme d’une artère rénale
Peut prendre l’aspect d’une lésion liquidienne pédiculaire ou sinusale, souvent calcifiée. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du flux en TDM ou en doppler. L’artériographie rénale représente l’étape ultime du diagnostic radiologique de l’hématurie, si les autres examens se sont révélés normaux [36].
Le faux anévrisme
Est une complication rare, résultant de la lésion iatrogène d’une branche de l’artère rénale, se traduisant par une image pseudo-kystique. Le Doppler et la TDM peuvent faciliter le diagnostic, cependant, l’angiographie rénale reste l’examen de référence [37].
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. ANATOMIE DES REINS
2. EPIDEMIOLOGIE DU KYSTE SIMPLE DU REIN
3. ETIOPATHOGENIE DU KYSTE SIMPLE DU REIN
4. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
5. CLINIQUE
6. CLASSIFICATION DE BOSNIAK
7. FORMES CLINIQUES
8. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
9. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
DEUXIEME PARTIE : PATIENTS, METHODES ET RESULTATS.
1. PATIENTS
2. METHODES
3. RESULTATS
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
1. AGE
2. SEXE
3. INDICATIONS THERAPEUTIQUES
4. CARACTERISTIQUES DES KYSTES
5. DONNEES PEROPERATOIRES
6. DONNEES POST-OPERATOIRES
7. DUREE D’HOSPITALISATION
8. ETUDE HISTOLOGIQUE ET CYTOLOGIQUE
9. EVOLUTION RADIO-CLINIQUE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE