Epidémiologie des carcinomes thyroïdiens
La Fréquence
Les carcinomes thyroïdiens sont des tumeurs malignes rares ; ils représentent 1 % des cancers, en revanche se sont les tumeurs endocrines les plus fréquentes.
Depuis les années 1970, l’incidence du cancer thyroïdien a augmenté dans la plupart des pays du monde, dont le Maroc où l’incidence est estimée à 6,6 pour 100 000 habitants.
Cette augmentation peut être expliquée par la performance et le faible coût des moyens diagnostiques (échographie, cytoponction), par la sensibilisation du milieu médical et de la population, le suivi des personnes à haut risque et la modification des critères histologiques, comme en témoigne la proportion croissante des formes papillaires avec microcancers .
Cette augmentation d’incidence n’est pas spécifique du cancer de la thyroïde. Elle touche également d’autres organes comme le sein ou la prostate qui font, à l’heure actuelle, l’objet d’une détection intensifiée.
L’incidence des carcinomes thyroïdiens dans notre étude est supérieure à 7 cas/an.
Au Maroc, nous disposons des données du Registre des Cancers de la population de la Région du Grand Casablanca (RCRC), qui représente le premier Registre Régional de cancers au Maroc et le registre de Rabat. Ces registres ont permis de disposer des données sur l’épidémiologie descriptive des cancers ; s’agissant d’un échantillon assez représentatif de la population Marocaine.
Entre 2008 et 2012 le RCRC a enregistré 1325 cas de cancers, tous les types confondus, dont 178 cas chez l’homme et 1147 cas chez la femme.
Selon les données du RCRC, l’incidence du cancer de la thyroïde de la femme selon le RCRC est comparable par rapport à l’Algérie mais plus élevée par rapport à la Tunisie. Cette incidence reste faible par rapport à celle rapportées par les registres occidentaux. [31]
Dans notre étude, nous avons enregistré sur une période de 10 ans, 84 cas du carcinome thyroïdien.
Age :
La moyenne d’âge de la survenue d’un carcinome thyroïdien au moment du diagnostic se situe dans la 4ème décennie, ce qui le rend différent de la plupart des autres cancers [37]. Elle est de 43,58 ans dans notre étude, avec des extrêmes allant de 20 à 76 ans.
La moyenne d’âge chez les hommes est de 50 ans, et de 42,81 ans pour les femmes. Elle rejoint les moyennes d’autres études .
Les carcinomes thyroïdiens sont exceptionnels avant l’âge de 5 ans [34], rares chez l’enfant et l’adolescent, ils surviennent dans 10% des cas chez les sujets de moins de 21 ans, l’incidence dans cette tranche d’âge est de 1 à 6 par 100 000 individus [42], et ils sont le plus souvent de type papillaire.
Sexe
Le carcinome thyroïdien est plus fréquent chez la femme que chez l’homme, mais le sexratio varie entre les pays, les zones géographiques, et les ethnies.
Ainsi, le sex-ratio femme/homme dans notre étude est de 8,3.
Ce résultat est supérieur à ceux des séries africaines [39-40-44] et mondiales [45 46], qui ont trouvé respectivement 3,8 ; 4, et 4,6 pour les premières, et 3 ; 3,4 et 3,8 pour les secondes.
Cette différence tend à s’égaliser, ou s’inverser même, en cas d’atteinte dans la période prépubertaire.
En revanche, la fréquence des carcinomes thyroïdiens non différenciés est plus élevée chez le sexe masculin (13,9% vs. 4,7%) [36]. Dans notre étude, en fonction de leur degré de différenciation et du sexe des patients, la prévalence des carcinomes thyroïdiens est 22 %pour le sexe masculin vs. 5% pour les femmes.
Circonstances de découvertes
Le Nodule
Le nodule est le mode de révélation le plus fréquent des carcinomes de la thyroïde ; d’abord perçu par le patient lui-même ou par l’entourage, ce qui motive la consultation chez le médecin. Un nodule est cliniquement détectable chez 4 à 7 % de la population générale [34, 37, 47,48], sa fréquence augmente avec l’âge, en particulier chez la femme. [49] Ces nodules sont rarement cancéreux. Selon les séries, 5 à 10 % des nodules sont des cancers [34-49-60]. Ils sont rarement isolés et s’intègrent le plus souvent dans un goitre multinodulaire. Il est admis que le risque de cancer devant un nodule prédominant au sein d’un goitre multinodulaire est le même qu’en cas de nodule isolé. [34-50-51] La majorité des patients de notre étude (comme c’est le cas dans les séries africaines)[44-50], se sont présentés pour la constatation d’une masse cervicale antérieure dans soit 64% des cas. En revanche, les études mondiales notent une diminution de l’incidence des carcinomes révélés par une masse cervicale antérieure, au dépends de la découverte fortuite à l’examen histologique .
Les adénopathies
L’adénopathie cervicale est volontiers un mode de découverte du cancer de la thyroïde. Il s’agit souvent dans ce cas de cancer papillaire avec métastases ganglionnaires généralement jugulocarotidiennes (35 à 65 %) [34-52-53], souvent du coté ipsilateral de la tumeur [42]. Par contre les métastases ganglionnaires des carcinomes vésiculaires sont rares (10−20%). [54-55] Les métastases aux chaines ganglionnaires controlatérales peuvent survenir dans les carcinomes plus avancés ou plus agressifs, cela peut être dû à un ensemencement intrathyroïdien par l’intermédiaire du système lymphatique en raison de la présence de foyers de carcinomes-micro ou macroscopiques dans le lobe controlatéral. [42] Concernant les carcinomes médullaires, environ 75% des patients qui présentent des masses palpables, ont des métastases ganglionnaires, qui intéressent le plus souvent les chaines cervicales centrales et homolatérales. Une atteinte ganglionnaire controlatérale et/ou médiastinale devient plus fréquente (50% à 60%), lorsque la tumeur est localement invasive. [51] Les métastases ganglionnaires des carcinomes anaplasiques sont présentes dans 90% des cas. [56] Dans notre série, les adénopathies étaient perçues aux renseignements cliniques dans11cas (soit 13%).
Les Métastases
Les métastases à distance peuvent être révélatrices du cancer de la thyroïde. Ce sont généralement des métastases osseuses ou pulmonaires. [3] Les métastases à distance du carcinome papillaire se produisent dans 5-7% des cas. Celles des carcinomes vésiculaires sont le plus souvent hématogènes, ils diffusent aux os, aux poumons, au cerveau et au foie. [51] Dans notre étude les métastases des carcinomes médullaires sont présentes au moment du diagnostic dans 10% des cas, et intéressent le foie, les poumons, et les os. Celles des carcinomes anaplasiques sont détectables chez 20 à 50% des patients, elles se développent rapidement, au niveau du poumon (80% des cas), parfois des os, du cerveau. [51] Dans notre étude Le bilan initial a permis d’identifier 2 métastases ; pulmonaire et osseuse.
La Douleur
Les patients avec carcinomes différenciés de la thyroïde, se présentent rarement pour des douleurs cervicales, contrairement à ceux qui développent des cancers moins différenciés ou anaplasiques. Elle est due à un saignement intra nodulaire. [42-58] Les autres diagnostics à évoquer devant une tuméfaction thyroïdienne douloureuse sont : La thyroïdite subaiguë, l’abcès thyroïdien, elle peut se confondre également avec une pathologie extra thyroïdienne notamment : une lymphadénopathie infectieuse, une phlébite, ou une cellulite. [58-59]
Les Signes compressifs
Les signes compressifs tels que la dysphagie, dysphonie, voix rauque, dyspnée ; surviennent le plus souvent en cas de nodule tardivement diagnostiqué. [58] Les signes de compression n’étaient présents dans notre série que chez un seul patient .
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