Epidémiologie du burnout chez les gendarmes sénégalais en mission de maintien de la paix en Haïti en 2018
Définitions
Le terme burnout est un anglicisme (to burnout) traduit littéralement «se consumer» et signifie saturation, épuisement. Cette acception est inspirée par l’industrie aérospatiale. Il désigne ainsi l’épuisement de carburant d’une fusée avec comme résultante la surchauffe et le risque d’éclatement de la machine [12]. Il est assimilé à un état d’épuisement professionnel. En effet, selon l’organisation mondiale de la santé (0MS) cet «épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé, résultant d’un stress chronique au travail non géré avec succès. » Il est caractérisé par trois dimensions: un sentiment d’ « épuisement ou de manque d’énergie »; une « distance mentale » accrue par rapport à son travail, ou un sentiment de « négativisme ou de cynisme » lié à son travail et enfin une « efficacité professionnelle réduite » [13]. Le « burn-in » constitue la première phase de l’épuisement professionnel et précède l’étape ultime, le burnout. Il se manifeste principalement par du «présentéisme» [24]. Cet anglicisme désigne une présence abusive sur le lieu de travail menant à un état pathologique de surmenage. Ce concept est issu du milieu de la photographie et de l’informatique. Il traduit le processus visant à tester, avant la mise en service, la résistance des matériaux sous une tension et une température supérieure à la normale. L’individu a le sentiment d’être indispensable. Il travaille en étant moins productif, moins performant, démotivé et fatigué. Il peut constituer un mauvais exemple pour ses collègues. Le culte de la performance, la crainte de perdre son emploi, la surcharge de travail peuvent être à l’origine de ce phénomène [24]. Le burnout est proche cliniquement des états dépressifs sans se superposer à eux. La différence réside que dans le burnout, l’idéation est centrée sur le projet professionnel antérieur qui fait l’objet d’un rejet ou d’un désengagement [15]. Le burnout peut également conduire à une dépression [16]. Lupien S J et al [17] ont trouvé des différences physiopathologiques importantes entre les personnes souffrant de burnout et celles dépressives. Les premières produisent insuffisamment de cortisol, comme « si le corps décidait de faire la grève ». Les secondes ont une production accrue de cortisol. Cette hormone permet ainsi aux spécialistes de détecter précocement les cas à risque de développer un burnout.
Historique
Le burnout a émergé récemment. Les bouleversements civilisationnels d’après-guerre avec une valorisation de l’individualisme, limitaient les espaces d’échange dans le cadre professionnel. La recherche constante de profits pouvant lui donner l’impression qu’il se trouve embarqué dans une voiture folle [18]. En 1768, Tissot [19] décrivait les méfaits de l’acharnement au travail sur la santé. Un siècle et demi plus tard, le psychiatre français Claude Veil [20] introduisait le concept d’épuisement professionnel dans l’histoire médicale. Selon cet auteur, l’état d’épuisement est la résultante de la rencontre d’un individu et d’une situation donnée. En effet pour Veil, chaque individu possède des ressources, une marge d’adaptation, qui lui est propre. Il assimile ainsi l’individu à une banque ; dès qu’il est « à découvert, tout tirage si petit soit-il, devient impossible ». Le terme burnout a été utilisé pour la première fois par Bradley. La description clinique a été faite par Freudenberger [12] en 1974. Il renvoie à une perte d’enthousiasme accompagnée de divers symptômes physiques (fatigue, insomnie, maux de tête, troubles gastro-intestinaux, etc). Ce constat était fait chez des bénévoles travaillant depuis quelques temps dans la clinique pour toxicomanes à New York. En 1976, la chercheure en psychologie sociale Christina Maslach [22] s’est intéressée aux stratégies que déploient les soignants pour faire face à la charge émotionnelle dans leurs professions. Elle a constaté la même phénoménologie chez des personnes (psychiatres, avocats, travailleurs sociaux…) exerçant auprès de personnes en grandes difficultés. En 1996, Hoffman A [21] décrivait le burnout dans toutes les occupations ou les individus sont psychologiquement engagés dans leur travail, y compris celles n’impliquant pas une relation d’aide. Depuis Mai 2019 L’épuisement professionnel fait spécifiquement référence aux phénomènes du contexte professionnel et ne doit pas être utilisé pour décrire des expériences vécues dans d’autres domaines de la vie [13].
Nosographie
Le burnout ne figure pas dans les classifications médicales de référence que sont la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) de l’Association américaine de psychiatrie. Le DSM-V [23] et la CIM-10 [24] soulignent les troubles liés à la profession. En effet, dans la Cim10 le burnout peut être considéré comme un surmenage professionnel (codé Z73.0). Dans le DSMV, il peut être 5 assimilé spécifiquement chez les militaires aux problèmes liés à un déploiement militaire (codé V62.21), ou aux autres problèmes liés à la profession (codé V62.29). 4. Ethiopatogénie 4.1 Les théories biologiques Le burnout est la résultante du stress professionnel chronique. Dans une revue systématique, Nakata A [25], a montré l’existence de paramètres de l’immunité en réponse au burnout. Il s’agissait des lymphocytes CD3, CD4 et CD8, des cytokines inflammatoire …) Une seconde théorie envisagerait une susceptibilité génétique dans le burnout. Cette susceptibilité serait modulable par l’environnement. Bakusic [26] a identifié douze gènes dont le gène du récepteur aux glucocorticoïdes, celui du transporteur de la sérotonine et de la tyrosine hydroxylase. Ils présentaient des méthylations en cas de stress. Une relation causale entre ces phénomènes épigénétiques et stress éventuellement le burnout a été établis. 4.2 Les approches psychopathologiques
Approche psychanalytiques
Approche de Freudenberger
Dans cette approche, le burnout résulte du conflit entre un idéal du moi à atteindre et la réalité du travail. La perte d’enthousiasme et le sentiment de vide intérieur survenaient à la suite d’un engagement excessif dans le travail et du désaccord entre l’idéal et la réalité sensée le concrétiser. L’Idéal du Moi peut correspondre à une instance de personnalité résultant du Narcissisme et des identifications aux parents, à leur substitut et aux idéaux collectifs. Le Surmoi est l’instance qui surveille le Moi et le mesure à son Idéal [27, 28]. Dans l’état limite, le clivage évoqué dans ce cas concerne les représentations objectales, le Moi de l’état limite se «déforme ». Le sujet limite éprouve une grande dépendance envers l’autre. La frustration lui est difficilement supportable et l’échec annonce pour lui un risque de « perte d’objet » intolérable d’où les prédispositions au burnout [29]. Freudenberger [27] a également décrit le rôle de la société dans la survenue des traits de personnalité chez les individus en burnout. Elle exerçait une pression sur l’individu et en participait à l’élaboration de la personnalité. Le sujet pense que s’il devient différent de ce qu’il est réellement plus il est récompensé. C’est des personnes à l’idéal élevé, un désir de réussite accru, hyperactives, compétentes professionnellement, corrélant l’estime de soi à leurs performances professionnelles et dont les intérêts se limitent souvent au travail. Il peut aussi être observé un manque d’estime de soi (sens de l’autocritique exacerbée, désir de plaire à tout le monde, difficulté à gérer les émotions) ; un manque d’affirmation de soi (incapacité à dire non, difficulté à demander de l’aide) [30]
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