Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est un enjeu de santé publique. Au-delà de cette généralité, je manifeste un intérêt particulier pour cette pathologie à travers l’exercice de ma discipline médicale, qui est la gériatrie. Les patients âgés, et principalement ceux atteints de pathologies neurodégénératives, sont très sensibles sur un plan cognitif au stress résultant de conditions inflammatoires, qu’elles soient aigues ou chroniques. Des situations cliniques bien décrites en sont la conséquence : syndrome confusionnel, aggravation du déclin cognitif chez le malade Alzheimer. La compréhension des mécanismes moléculaires qui favorisent la progression des lésions de la maladie d’Alzheimer en cas de stress inflammatoire a motivé ce travail de thèse. J’ai eu l’opportunité de rejoindre une équipe qui conduit une recherche translationnelle, experte tant sur les aspects fondamentaux que neuropathologiques et cliniques de la maladie d’Alzheimer. A travers ses différents travaux, elle a démontré que l’activation de PKR, une kinase de stress initialement décrite pour son rôle dans la réponse antivirale, était étroitement liée à la pathologie Alzheimer. Cette thèse s’inscrit dans la continuité de ces travaux. Elle s’est concentrée sur l’étude du contrôle exercé par PKR sur la neuroinflammation et les processus pathologiques de la maladie d’Alzheimer, à partir d’un modèle d’endotoxémie expérimentale.

En France, la prévalence de la maladie d’Alzheimer (MA) est de 3 % chez les sujets de plus de 65 ans. Elle augmente avec l’âge pour atteindre 15 % des sujets de plus de 85 ans et dans le temps du fait de la progression de la population de personnes âgées.

Prévalence en France en 2010 : 860 000
Prévalence estimée en France en 2020: 2 000 000
(Chiffres INSERM) .

Première étiologie de démence
La maladie d’Alzheimer est la première étiologie de démence (70 % des cas). Il s’agit d’une pathologie neurodégénérative caractérisée par une détérioration progressive et inexorable des fonctions cognitives. Les autres causes de démence dégénérative primaire sont la dégénérescence lobaire fronto-temporale, la démence à corps de Lewy, la démence au cours de la maladie de Parkinson, la paralysie supra-nucléaire progressive. Toutes ces pathologies dégénératives peuvent être isolées ou associées à une pathologie vasculaire (démence mixte), les démences secondaires à des lésions vasculaires constituant la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer.

Conséquences socio-économiques
La perte d’autonomie est constante dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer, de même que les troubles psycho-comportementaux, ce qui implique une prise en charge spécifique et coûteuse. Les patients devenus dépendants ont recours à des aidants familiaux et professionnels. Plus d’un tiers vivent en institution, en particulier les patients dits « fragiles » : les plus âgés, les plus isolés socialement, ceux présentant une dépression associée (Dorenlot et al., 2005; Drame et al., 2012).

De part le nombre de sujets atteints et son coût pour la société, la maladie d’Alzheimer est devenue un enjeu majeur de santé publique pour les pays industrialisés où l’espérance de vie augmente.

Formes sporadiques
Les formes sporadiques de maladie d’Alzheimer sont les plus fréquentes (95 %), les symptômes débutant pour la majorité des patients après l’âge de 65 ans. Leur origine est plurifactorielle et encore imparfaitement connue. La recherche épidémiologique a permis de déterminer des facteurs de risque et des facteurs de protection et cherche à mettre en évidence des facteurs modifiables, qui interviendraient notamment durant la période des 40-50 ans (Fratiglioni et al., 2004).

Facteurs de risque
– l’âge
– le sexe féminin
– les antécédents familiaux de démence
– facteurs génétiques :
➤ l’allèle ε4 du gène codant pour l’ApoE (Ritchie and Lovestone, 2002). L’ApoE est une lipoprotéine ubiquitaire qui assure une fonction de transport et de redistribution du cholestérol et des phospholipides (Zhong and Weisgraber, 2009). Elle a trois isoformes, ApoE ε2, ε3 et ε4. Le risque de maladie d’Alzheimer est multiplié par 2 en cas d’allèle ε4 unique et par 5 en présence de deux allèles ε4 (Kuusisto et al., 1994)
➤ certains polymorphismes génétiques identifiés récemment par des études d’association pangénomique : SORL1 (impliqué dans le transport de l’APP), CLU (ou Apolipoprotéine J, participant également au transport des lipides), CR1 (un récepteur cellulaire faisant partie du complément), PICALM et BIN1 (qui pourraient jouer un rôle dans la clearance du peptide βamyloïde) (Reitz and Mayeux, 2014), TREM2 (un récepteur des cellules myéloïdes impliqué dans la phagocytose) (Jonsson et al., 2013)
– les facteurs de risque cardiovasculaires : hypertension artérielle (Posner et al., 2002), diabète de type 2 (Biessels et al., 2006), obésité (Kivipelto et al., 2005), indépendamment ou réunis dans un syndrome dit syndrome métabolique lui-même associé indépendamment au risque de maladie d’Alzheimer (Solfrizzi et al., 2011)
– facteurs socio-économiques : bas niveau d’éducation (Sharp and Gatz, 2011)
– facteurs psychosociaux : dépression (Li et al., 2011) .

Facteurs de protection
– la consommation modérée d’alcool (définie par 1 à 2 verres de vin par jour) (Mukamal et al., 2003)
– le régime alimentaire méditerranéen (Gu et al., 2010)
– la pratique d’une activité physique régulière (Rovio et al., 2005)
– l’entretien d’un riche réseau social et d’activités de loisirs (Verghese et al., 2003)
– le traitement au long cours par anti-inflammatoires non stéroïdiens (traitement pris pendant au moins 2 ans dans l’indication d’une pathologie inflammatoire chronique) (Etminan et al., 2003) .

Formes familiales
Il existe des formes familiales de maladie d’Alzheimer. Moins de 5 % correspondent à des formes monogéniques. Les troubles cognitifs sont ici précoces, bien antérieurs à l’âge de 65 ans. Leur mode de transmission est autosomal dominant. Trois gènes différents ont été identifiés : le gène de la préséniline 1 (chromosome 14), le gène de la préséniline 2 (chromosome 1), et le gène codant pour la protéine APP, l’Amyloid Protein Precursor (chromosome 21). Les mutations de ces gènes conduisent de façon directe ou indirecte à une augmentation de la production de peptide β amyloïde. Celui-ci s’accumule dans le cerveau des patients sous formes de plaques, formant une des principales lésions de la maladie d’Alzheimer (Guerreiro et al., 2012). Les formes familiales de maladie d’Alzheimer ont servi de modèle à la théorie de la cascade amyloïde. Cette hypothèse physiopathologique concentre depuis vingt ans la majeure partie de la recherche de nouveaux traitements contre la maladie d’Alzheimer.

Table des matières

Introduction
I. Maladie d’Alzheimer
A. Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer
1. Prévalence
2. Première étiologie de démence
3. Conséquences socio-économiques
4. Formes sporadiques
5. Formes familiales
B. Neuropathologie de la maladie d’Alzheimer
1. Généralités
2. Atrophie cérébrale
3. Amyloïdose cérébrale
4. Taupathie
5. Inflammation cérébrale
C. Maladie d’Alzheimer: aspects diagnostiques
1. Diagnostic clinique
2. Biomarqueurs de la cascade pathologique de la MA
D. Maladie d’Alzheimer : aspects thérapeutiques
1. Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et mémantine
2. Traitements anti-amyloïde
3. Traitements ciblant la protéine Tau
4. Traitements basés sur les données épidémiologiques
II. Inflammation cérébrale
A. Système nerveux central et immunité innée
1. Immunité innée
2. Barrière hémato-encéphalique
3. Microglie
4. Toll-likereceptors (TLRs)
5. LPS
B. Inflammation systémique et système nerveux central (SNC)
1. Voies de signalisation de l’inflammation de la périphérie vers le système nerveux central
2. Effets de l’inflammation systémique sur les fonctions cognitives : sickness behaviour
3. Exemples d’inflammation systémique avec neuroinflammation
C. Inflammation systémique et maladie d’Alzheimer
1. Relation entre inflammation, delirium et maladie d’Alzheimer
2. Relation entre inflammation périphérique, inflammation centrale et neurodégénérescence
3. Inflammation périphérique et activation des voies de signalisation pathologiques de la maladie d’Alzheimer
III. PKR
A. Structure et localisation cellulaire
B. Activateurs de PKR
1. ARN double brin
2. TRBP, PACT
3. TLRs
4. Cytokines
5. Autres stress cellulaires
C. Rôle physiologique de PKR
1. eIF2α kinase
2. Transduction du signal
3. Apoptose (mort cellulaire programmée)
D. Rôle de PKR dans la maladie d’Alzheimer
1. Chez l’homme
2. In vivo
3. In vitro
Matériel et méthodes
I. Animaux
A. Lignées
1. Animaux wild type
2. Animaux PKR -/-
B. Traitement des animaux par le LPS
C. Induction de la carence en thiamine
D. Préparation des tissus
E. Imagerie fonctionnelle
II. Techniques
A. Immunoblot et ELISA
1. Extraction des protéines
2. Immunoblot
3. ELISA
B. Immunofluorescence sur lames
C. Quantitative RT-PCR
III. Analyses statistiques
Résultats
I. Travaux réalisés pendant la thèse
A. Article 1 : « Neuroinflammation and Aβ accumulation linked to systemic inflammation are decreased by genetic PKR down-regulation »
B. Résultats complémentaires ne figurant pas dans l’article
1. Activation de PKR par le LPS
2. Effet de l’endotoxémie sur le poids des animaux
3. Invalidation de PKR dans la lignée PKR -/-
4. Effet de l’endotoxémie sur la production d’Aβ42 dans le cortex
5. Effet de l’endotoxémie sur la voie de la protéine Tau
6. Effet de l’endotoxémie sur la mort neuronale
7. PKR module l’hypométabolisme cérébral induit par le LPS
II. Travaux réalisés en collaboration
Article 2 : « PKR down-regulation prevents neurodegeneration and β-amyloid production in thiamine deficient model »
Discussion
I. Choix du modèle
A. Injections de LPS 68
1. Induction d’un sickness behaviour
2. Activation de la microglie
3. Activation de PKR
B. Invalidation de PKR
II. PKR contrôle l’inflammation cérébrale
A. Transfert de l’inflammation de la périphérie vers le SNC
B. Rôle de PKR
C. Voie de signalisation du NF-κB
D. Voie de l’inflammasome
III. PKR contrôle l’amyloïdogénèse dans ce contexte inflammatoire
IV. Etat de phosphorylation de Tau en réponse au stress inflammatoire
V. Mort neuronale en réponse au stress inflammatoire
VI. PKR module le métabolisme cérébral en réponse au LPS
VII.L’inhibition de PKR prévient dégénérescence et production d’Adans un modèle de carence en thiamine
Conclusion

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