Le carcinome hépatocellulaire est un problème de santé publique majeur sur le plan mondial car il constituerait environ 5,6% de tous les cancers et serait responsable du tiers de la mortalité par cancer. Son incidence est variable selon les régions avec un taux élevé en Asie, en Afrique, en Europe, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord.
Toutes les études rapportent que ce cancer est plus fréquent chez l’homme et fréquemment observé à un âge avancé, bien que l’âge moyen en Afrique soit inférieur à celui rapporté en milieu occidental [1-8]. Une prédisposition raciale a été évoquée surtout aux Etats-Unis avec une fréquence plus élevée chez les caucasiens, et les Afro-Américains par rapport à la race blanche autochtone [1]. Les facteurs de risque associés à la survenue d’un carcinome hépatocellulaire sont hétérogènes, mais les plus fréquemment en cause sont le virus de l’hépatite B, le virus de l’hépatite C, l’alcool et la cirrhose. Le virus de l’hépatite B est responsable de la grande majorité du carcinome hépatocellulaire en Asie et en Afrique [1, 5, 6,7] et le virus de l’hépatite C est prédominant en milieu occidental [1].La cirrhose est le facteur de risque le plus important indépendamment de la cause[1].Dans les pays à forte prévalence du virus de l’hépatite B, la vaccination contre le virus de l’hépatite B à large échelle a été une véritable révolution dans la prévention de l’infection par le virus de l’hépatite B en général et de la prévention du carcinome hépatocellulaire en particulier comme l’atteste l’exemple de Taiwan.
Au Mali une étude ancienne a rapporté une fréquence hospitalière du carcinome hépatocellulaire à 9,6% des hospitalisations [5] et dans une autre étude plus récente un carcinome hépatocellulaire est survenu chez 12 patients cirrhotiques sur 40 après 12 mois de suivi [5,6]. L’antigène HBs a été retrouvé chez 55 à 66,2% des patients ayant un carcinome hépatocellulaire [5,11]. Quant au virus de l’hépatite C il a été retrouvé chez 15,4% des patients ayant une hépatopathie chronique [12]. La vaccination contre le virus de l’hépatite B a été introduite au programme élargi de vaccination en 2002 au Mali et étendue à d’autres couches de la population.
Rappels sur l’épidémiologie du carcinome hépatocellulaire
Définition
Le carcinome hépatocellulaire est une tumeur primitive développée aux dépens des hépatocytes, le plus souvent sur un foie cirrhotique.
Anatomie-pathologique
Aspects macroscopiques
La tumeur peut être unique ou multiple, hyper vascularisée. Elle peut présenter un aspect :
-nodulaire: avec une pseudo capsule de réticuline entourant partiellement ou complètement la tumeur;
– infiltrant : sans marge distincte et sans pseudo capsule
– mixte: associant un nodule et une infiltration
– Diffus : constitué de petits nodules de 0,5 à 1 cm de diamètre .
Aspects microscopiques
Les hépatocytes sont disposés en travées séparés par des sinusoïdes contenant des cellules de Küpffer et des cellules étoilées. Ces hépatocytes ont des anomalies cytonucléaires avec des cellules polygonales à cytoplasme dense, éosinophile, granuleux parfois marqué de pigments biliaires avec un noyau rond, central, un nucléole volumineux, proéminant, vésiculeux bien visible. Le tissu extra tumoral est généralement cirrhotique. Le carcinome hépatocellulaire correspond à une tumeur maligne de différenciation hépatocytaire. Au sens large, c’est un adénocarcinome glandulaire car les cellules tumorales hépatocytaires fabriquent et exportent des substances (bile, albumine, etc). Il existe plusieurs variantes dont deux sont à connaitre :
– Le carcinome hépatocellulaire fibrolamellaire. Il survient chez le sujet jeune, habituellement sur un foie non cirrhotique et serait le meilleur pronostic ;
– L’hépato-cholangiocarcinome. La tumeur présente deux composantes intriquées : Une composante de carcinome hépatocellulaire et une composante de cholangiocarcinome. Les modalités de traitement de ce type de tumeur ne sont pas clairement codifiées.
Prévalence, incidence et mortalité du carcinome hépatocellulaire
Prévalence
Cancer fréquent dans le monde, il occupe le 5e rang des cancers chez l’homme et le 8e rang des cancers chez la femme avec de forts taux en Asie, Afrique, Europe, Amérique du Nord et du Sud [16]. Au Mali il a représenté 9,6% des hospitalisations dans le service d’hépato-gastroentérologie du CHU Gabriel Touré de Bamako.
Incidence annuelle
Elle est globalement variable selon les régions. Elle est de 14-41 cas /100000 habitants en Afrique et en Asie [18] ; 5 – 10 cas pour 100000 habitants en Europe ; 2 – 5 cas pour 100000 habitants aux USA, en Australie et au Nouvelle Zélande [16-17]. En cas de migration le risque est identique au pays d’origine pendant au moins deux générations.
*pour les Cas particuliers en Afrique, cette incidence est variable selon les sous régions avec des taux plus élevés en Afrique Subsaharienne [18]. Elle est ainsi estimée :
-en Afrique du nord à 9,29 cas pour 100000 habitants/an en Egypte.
-en Afrique de l’Ouest l’incidence à 20,9 cas pour 100000 habitants.
-en Afrique de l’Est à 29,7cas pour 100000 habitants.
– en Afrique centrale à 41,2 cas pour 100000 habitants.
Mortalité
Le carcinome hépatocellulaire est la 3e cause de mortalité par cancer dans le monde avec 500000 à 1 million de décès par an.
Age
L’âge de découverte dans les pays occidentaux diffère de celui de l’Afrique. Il est de 65-70 ans dans les pays occidentaux [16]. En Afrique l’âge de découverte est plus précoce. L’âge moyen est de 52 ans au Mali, 48 ans au Togo, 39 ans au Burundi. Le carcinome hépatocellulaire est rare chez l’enfant [18].
Sexe
C’est une tumeur à prédominance masculine avec un sex-ratio en moyenne 3,7/1 en zones à haut risque ; 2,4/1 en zones à risque intermédiaire et 1/1 dans les pays industrialisés en l’absence de cirrhose [16]. En Afrique Sub-saharienne le carcinome hépatocellulaire est le 2e cancer chez l’homme et le 3e cancer chez la femme [18]. Le sex-ratio est de 2,9 au Togo et 3,5 au Mali.
Les facteurs de risque
Le principal facteur de risque est la cirrhose quelle que soit la cause, mais le rôle carcinogène direct de certains facteurs de cirrhose a été évoqué.
Cirrhose
Elle constitue un état pré cancéreux quelle que soit la cause. L’incidence annuelle du carcinome hépatocellulaire sur cirrhose varie de 2 à 8% selon la cause [19]. Cette dégénérescence de la cirrhose est due aux altérations chromosomiques induites par des phénomènes de nécrose et de régénération.
Facteurs infectieux
Virus de l’hépatite B
On estime à 350 à 400 millions de porteurs chronique dans le monde dont 25% feront un carcinome hépatocellulaire. Le virus de l’hépatite B est retrouvé chez plus de 80% des malades atteints d’un carcinome hépatocellulaire en Asie de l’Est et en Afrique Le risque est plus élevé en présence d’une forte réplication (charge virale élevée, Ag HBe +) et du génotype [19]. Le mécanisme de survenue du carcinome hépatocellulaire est double par :
– une action directe par effet oncogène du virus causé par l’intégration du génome viral au génome de la cellule hôte et expression protéine X du virus de l’hépatite B ;
– un effet indirect par la nécrose inflammatoire chronique et la cirrhose ;
**Le virus de l’hépatite D (delta) peut exister en co infection avec le virus de l’hépatite B.
virus de l’hépatite C
Dans le monde 170 millions de personnes infectées soit 3% de la population. L’infection chronique par le virus de l’hépatite C entraine un risque élevé de survenue du carcinome hépatocellulaire. Le carcinome hépatocellulaire survient le plus souvent par le biais de la cirrhose. Des cas exceptionnels de carcinome hépatocellulaire sans cirrhose ont été rapportés suggérant le rôle de transformation des lésions parenchymateuses chroniques. Les voies sont inconnues car l’intégration du virus dans le génome de l’hôte n’est pas encore prouvée.
1- INTRODUCTION |