Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH) et Evaluation des apprenants
Historiquement, les outils informatiques utilisés dans le cadre scolaire ou de la formation ont toujours intégré des moyens d‟évaluer les apprenants. Les Environnements Informatiques pour l‟Apprentissage Humain (EIAH) (Tchounikine, 2002) ne dérogent pas à cette règle. L‟évaluation joue un rôle particulier en EIAH. Selon Charles (Juwah, 2003), chercheur dans le domaine des EIAH, l‟évaluation doit : – Etre motivante pour l‟apprenant ; – Encourager une activité d‟apprentissage soutenue ; – Contribuer à la progression de l‟apprenant ; – Etre faible en coût humain et facilement maintenable. Son point de vue est que l‟évaluation joue un rôle primordial dans l‟activité pédagogique, non seulement comme le moyen de vérifier les acquisitions mais aussi comme le moyen de motiver ces apprentissages et d‟inciter les élèves à progresser. C‟est la volonté d‟obtenir de bons résultats qui doit inciter l‟élève à apprendre et c‟est la satisfaction qu‟il éprouve à réussir qui doit lui donner l‟envie de persévérer et d‟aller plus loin. L‟enseignant n‟est plus seulement confronté à la nécessité de comprendre ce qui fait obstacle à la réussite de ses élèves mais il peut aussi, lorsqu‟il utilise certains outils informatiques, se servir de l‟évaluation comme un « moteur » pour les apprentissages (Dintilhac& Rac, 2005), l‟évaluation devenant un moyen pédagogique. CommeditPapert, « It was hard but it was fun » (Jaillet, 2003). La dimension ludique est exploitée, au risque du consumérisme et de l‟abandon des objectifs pédagogiques. Les études réalisées par exemple sur l‟outil TDmaths(Dinet et Rouet, 2002), (Dinet et Rouet, 2003) montrent que les apprenants apprécient l‟aspect ludique, le fait par exemple de gagner des récompenses lorsqu‟ils réussissent une tâche (les bons points de notre enfance). Pourtant, les enseignants utilisent assez peu les scores réalisés par les élèves pour noter leurs compétences, comme s‟ils ne prenaient pas ces évaluations au sérieux (Dinet et Rouet, 2002), (Dinet et Rouet, 2003). Les méthodes de calcul des scores sont bien souvent opaques et pas toujours adaptées aux besoins de l‟enseignant. Les pratiques d‟évaluation en EIAH sont cependant plus variées qu‟il n‟y paraît. Dans ce chapitre, nous tentons de présenter et commentons une vue exhaustive de ces pratiques.
Les pratiques d’évaluation
Pour mener les nécessaires évaluations (Dintilhac et Rac, 2005) liées à ses enseignements, l‟enseignant dispose de plusieurs types d‟évaluation : – l‟évaluation pronostique ; – l‟évaluation formative ; – l‟évaluation formatrice ; – l‟évaluation diagnostique ; – l‟évaluation sommative. Sont absentes de cette typologie les évaluations normatives (Hadji, 1990) et critériées (Hadji, 1997). L‟évaluation normative consiste à comparer les résultats d‟un apprenant par rapport à ceux d‟autres apprenants. En outre, nous pensons que tout type d‟évaluation repose sur des critères, explicites ou non. Les évaluations normatives et critériées sont donc transversales aux cinq autres présentées ici
L’évaluation pronostique
L‟évaluation pronostique « fonde des décisions de sélection ou d‟orientation en fonction de l‟aptitude présumée à suivre un nouveau cursus, par exemple telle filière du secondaire ; elle se situe en amont d‟un cursus et sous-tend un choix » (Perrnoud, 2001). L‟évaluation pronostique permet d‟évaluer la capacité d‟un apprenant à commencer un apprentissage, un cycle d‟étude ou à exercer une profession. C‟est une évaluation en amont d‟une réalisation ou d‟un apprentissage. II.2. L’évaluation formative L‟évaluation formative est une « évaluation dont l‟ambition est de contribuer à la formation » (Hadji, 1990). Dans ce contexte, elle a pour but de réguler l‟enseignement. L‟évaluation fournit des informations permettant à l‟enseignant d‟adapter son enseignement aux particularités de l‟apprenant, elle entre dans le cadre d‟un enseignement différencié (Allal, Cardinet et Perrnoud, 1979). Comme l‟explique P. Perrenoud (1997), « toute différenciation appelle une évaluation formative ». Pédagogie différenciée et évaluation formative sont intimement liées. L‟évaluation formative joue le rôle d‟une « discrimination positive » qui vise à emmener chaque apprenant, en tenant compte de ses différences, à un niveau de connaissances. La pédagogie différenciée s‟inscrit dans un processus égalitaire d‟acquisition d‟un savoir. En ce sens, cette pédagogie et l‟évaluation formative qui l‟accompagne ont du mal à faire leur place dans l‟enseignement scolaire encore habitué à une pédagogie élitiste qui vise à sélectionner les élèves. Contrairement aux autres évaluations, l‟évaluation formative ne se contente pas d‟évaluer les productions des élèves mais aussi les situations actives permettant de comprendre la démarche des apprenants, leurs rapports aux savoirs, leurs capacités de métacognition, etc. (Perrnoud, 1997). II.3. L’évaluation formatrice C‟est une forme particulière d‟évaluation formative. Selon (Bonniol, 1986), l‟évaluation formative s‟inscrit dans une visée de régulation de l‟apprentissage par l‟enseignant tandis que dans l‟évaluation formatrice, la régulation est assurée par l‟apprenant. En ce sens, l‟activité d‟auto-évaluation, qu‟elle soit individuelle, mutuelle ou collective, est une évaluation formatrice. L‟auto-évaluation est une « évaluation interne conduite par le sujet de sa propre action et de ce qu‟elle produit. C‟est un processus d‟altération de son référentiel d‟action au cours de confrontations entre son propre référentiel et celui ou ceux d‟autrui » (Campanale, 1997). L‟auto-évaluation ne peut donc pas être contrainte, elle est tributaire du bon vouloir de l‟évalué.
L’évaluation diagnostique
L‟évaluation formative s‟appuie en partie sur l‟évaluation diagnostique. L‟évaluation diagnostique permet d‟évaluer un niveau de compétence bien souvent juste avant une nouvelle phase d‟apprentissage. Dans le cadre d‟une évaluation formative, ce diagnostic permet la remédiation et la mise en œuvre d‟une pédagogie différenciée. La notion de compétence abordée ici est récurrente dans la littérature sur l‟évaluation. Selon Chomsky (1965), la compétence en linguistique désigne le système de règles intériorisées qui permet de comprendre et de produire un nombre infini de phrases inédites. Tandis que la performance désigne la manifestation de la compétence des locuteurs et réfère à la diversité des actes de langage et des contextes d‟énonciation et de communication. Ainsi, la performance peut être considérée comme la mise en application, en pratique d‟une compétence. C‟est donc par la performance qu‟on évalue la compétence de l‟apprenant. En sciences de l‟éducation, une compétence est souvent vue sous l‟angle d‟un ensemble de savoir-faire conceptualisés (Malglaive, 1990), (vergnaud, 1995). II.5. L’évaluation sommative C‟est l‟ »évaluation par laquelle on fait un inventaire des compétences acquises, ou un bilan, après une séquence de formation d‟une durée plus ou moins longue » (Hadji, 1990).L‟évaluation met donc l‟accent sur les performances, elle contrôle les connaissances. Elle est en opposition avec l‟évaluation formative, elle ne régule pas l‟apprentissage, elle le contrôle. L‟évaluation sommative peut prendre la forme d‟examens périodiques qui valident un apprentissage. Elle conduit à l‟obtention d‟une note qui sanctionne une activité d‟apprentissage afin d‟établir un classement, sélectionner les apprenants ou certifier leur niveau. En mettant l‟accent sur les performances, l‟évaluation sommative s‟intéresse essentiellement aux productions réalisées par les apprenants (Campale, 2001).