La littérature africaine contemporaine a un lien direct avec l’histoire immédiate de l’Afrique de par sa dénonciation de la violence dans les régimes postcoloniaux. Écrire en dehors de la baleine est devenu un impératif car beaucoup d’auteur(e)s sont « embarqué[e]s dans la galère de [leurs] temps » et il n’ont pas d’autre choix que d’écrire tout ce qui peut être imaginé . Dans cet imaginaire, la femme africaine évolue dans un espace où elle n’est ni rêvée ni idéalisée, mais confrontée à différentes formes de violence.
La présente thèse est née d’une interrogation sur la représentation de la femme africaine évoluant dans un contexte violent tel les conflits armés et/ou les dictatures. Lors d’un séminaire sur la littérature contemporaine africaine, nous avons éprouvés le besoin de nous interroger sur la représentation des femmes dans Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma. Ces images féminines contrastent avec celles que nous avions trouvés dans Une si longue lettre de Mariama Bâ et dans la poésie de la négritude. Difficile de ne pas se demander pourquoi ces personnages sont différents et de vouloir approfondir ce sujet de plus en plus prégnant : la représentation de la violence dans la littérature africaine. Une étude approfondie d’autres romans sur ce sujet, nous a révélée des particularités fascinantes dans la représentation de la femme dans les périodes de violence. Dans leurs choix d’écriture, les romanciers/romancières africain(e)s se font visionnaires, véhiculant des nouvelles interprétations de l’Histoire. Des nouvelles formes d’écritures sont nécessaires, dans lesquelles le texte garde son autonomie tout en dénonçant les régimes postcoloniaux. Les personnages féminins évoluent dans un univers littéraire où le fond et la forme participent tous deux d’une littérature de la violence.
Les études concernant la littérature africaine et le contexte socio-historique de l’Afrique sont nombreuses. Les premières difficultés de notre recherche ont été effectivement de repérer des sources secondaires traitant de notre sujet, au milieu de très nombreuse d’ouvrages et d’articles intéressants à propos de la littérature africaine. Notre intérêt principal cible le rôle des femmes dans les conflits armés et les dictatures, cependant, nous trouvons surtout des études sociologiques et historiques traitant de ce sujet dont les livres de Meredeth Turshen What women do in wartime et plus récemment, Gender and the political economy of conflict in Africa où elle décrit de quelle manière les femmes sont affectées par les conflits en République Démocratique du Congo et en Sierra Leone. Ces femmes dont parle Turshen, sont représentées dans les romans de notre corpus, mais se trouvent-elles également dans les études spécialisées dans la littérature africaine ? En 2010, une thèse intitulée Des pensées politiques subversives aux conduites révolutionnaires : les personnages féminins dans les littératures francophones de l’Afrique subsaharienne : (1975 à 2005) a été soutenue, tandis que dans les études concernant la femme africaine nous pouvons mentionner Émancipation féminine et roman africain publié en 1980, Femmes rebelles: naissance d’un nouveau roman africain au féminin de 1995 et plus récent encore, Révolutions et femmes en révolution dans le roman francophone au sud du Sahara apparu en 2002. Dans le contexte anglophone nous pouvons citer une étude sur l’identité et le genre dans le contexte de l’Afrique de l’Est : Transgressing Boundaries: gender, identity culture and the other in postcolonial women’s narratives in East Africa . D’autres thèses consacrent une partie de leurs recherches aux personnages féminins dans les romans sur les périodes de violence, telles Guerre et survie chez Cyprian Ekwensi et Ken Saro-Wiwa qui parle brièvement des « femmes dans la guerre » et des « femmes castratrices », et La représentation des conflits chez Ahmadou Kourouma et Alain Mabanckou (1998-2004) qui consacre une partie de son travail aux figures du conflit toutefois la discussion sur les personnages féminins se limite au viol.
Les articles consacrés à un auteur en particulier, proposent en général une approche intéressante de la représentation des femmes dans les romans, dont « New war stories: women, heroes and violence in Yvonne Vera’s novels » et « Civil War and Woman’s Place in Léonora Miano’s L’intérieur de la nuit ». Beaucoup d’études sur les romans d’Ahmadou Kourouma et d’Emmanuel Dongala sont disponibles, néanmoins elles sont le plus souvent consacrées au langage et au style dans le cas du premier, ainsi qu’à la figure de l’orphelin et de l’enfantsoldat. Les approches sur le style et la polyphonie chez Dongala, en revanche, s’intéressent aussi au rôle de Laokolé dans la narration des événements et aux défis auxquels elle est confrontée pour survivre dont Nouvelles tendances du roman africain francophone contemporain (1990-2010) De la narration de la violence à la narration narrative et Johnny chien méchant d’Emmanuel Dongala . Le roman de Koulsy Lamko est indissociable du rôle et de la question de l’engagement chez l’intellectuel, puisqu’il a participé à Écrire par devoir de mémoire, dont parle Contemporary Francophone Writers and the Burden of Commitment, mais la Reine-narratrice du roman se retrouve également au centre de la discussion dans l’un des chapitres du livre Writing and filming the genocide of the Tutsis in Rwanda: dismembering and remembering traumatic history . Par contre les romans de Delia Jarrett-Macauley et Donato Ndongo-Bidyogo, qui nous inéressent ici, n’ont pas fait l’objet de beaucoup d’études. Il est ainsi de Moses, Citizen and me, qui pourtant a été le premier roman couronné par le prix Orwell . Dans un article, bref mais intéressant, sur un journal en ligne, intitulé « Children who only know how to kill »prend en compte les personnages féminins du roman. Pour Ndongo-Bidyogo, deux publications sont pertinentes : An Introduction to the Literature of Equatorial Guinea: Between Colonialism and Dictatorship et « Lectura Del Espacio En Los Poderes De La Tempestad De Donato Ndongo Bidyogo » .
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