Ce n’est un secret pour personne : la procédure pénale belge n’a pas fait l’objet d’une réforme en profondeur depuis l’adoption du Code d’instruction criminelle de 1808. La loi « Franchimont » et la loi dite « Pot-Pourri II » , ainsi que quelques lois ponctuelles , ont certes modifié certains aspects de cette procédure, mais sans toucher à la structure du Code et encore moins à sa philosophie générale.
La Commission de réforme de la procédure pénale instituée en 2015 par le ministre de la Justice Koen Geens a pour mission de s’atteler à cette tâche d’ampleur. L’objectif : moderniser la procédure pénale belge, notamment en se conformant aux récents développements en matière de droits et libertés fondamentaux. En effet, tant la doctrine que la jurisprudence ont mis en lumière, au cours de ces dernières années, certaines carences du droit belge au regard de la protection des droits fondamentaux pendant le procès pénal. Or, la procédure pénale doit être considérée comme la gardienne de ces droits, dans une matière par essence particulièrement attentatoire à ceux-ci. Une réforme globale devrait donc impérativement en tenir compte.
Ce travail a pour ambition de pointer les problèmes rencontrés dans le Code d’instruction criminelle (ci-après C.I.Cr.) concernant le respect des droits fondamentaux et de déterminer si les solutions proposées dans le projet de nouveau Code de procédure pénale semblent adéquatement y répondre. Cette analyse permettra, à terme, de déterminer si le nouveau Code de procédure pénale permettrait de tendre vers une meilleure protection des droits et libertés fondamentaux.
Dans un souci de clarté, de précision et de concision, l’exposé se limitera à étudier la phase d’enquête préliminaire. La détention préventive, sujet particulièrement vaste, ne sera pas abordée, bien que liée également à la phase préliminaire. Il n’est en effet pas possible d’être exhaustif sur cette problématique dans les limites de ce travail.
Bien que chaque point de la réforme présente un certain intérêt, il convient de limiter le propos. Or, les droits fondamentaux ne sont pas mobilisés et protégés de la même façon dans la phase préliminaire et dans la phase de jugement. Cela s’explique notamment par le caractère inquisitoire de la première et accusatoire de la seconde. Ces caractéristiques influencent les raisons que le législateur peut avancer pour justifier l’atteinte à tel ou tel droit fondamental. Il ne paraît pas opportun de traiter ces deux phases dans un seul et même travail dont la nature implique que son ampleur soit modérée. Il semble donc nécessaire de faire un choix entre ces deux parties de la procédure pénale, que la réforme a toutes deux revues en profondeur. C’est pourquoi cet exposé ne concernera que la phase d’enquête préliminaire.
Même s’il serait intéressant de comparer des réformes proposées par la Commission avec les choix opérés par d’autres Etats qui ont, plus ou moins récemment, questionné et entrepris de remanier leur procédure pénale, en particulier en ce qui concerne la figure du juge d’instruction, une analyse de droit comparé dépasserait les limites de ce travail. Cette analyse se limitera donc à l’examen du droit belge, à la lumière du droit européen lorsque celui-ci s’avèrera pertinent.
La nouvelle phase d’enquête préliminaire
L’idée de la Commission est de supprimer la distinction entre information et instruction, en mettant sur pied un type d’enquête unique, dirigée par le parquet sous le contrôle d’un juge de l’enquête. De plus, les droits de participation du suspect et de la personne lésée se voient renforcés et clarifiés. Ils disposeront d’un droit de regard plus étendu et de recours plus effectifs, de manière à se trouver plus impliqués dans la phase d’enquête.
La réforme de la détention préventive
L’objectif de la Commission est de rendre à la détention préventive son caractère exceptionnel. Outre des conditions plus strictes pour la délivrance d’un mandat d’arrêt, la réforme prévoit un passage devant une juridiction n’étant pas partie prenante à l’enquête – comme c’est le cas du juge d’instruction actuel – et, devant celle-ci, un renforcement du principe du contradictoire. Le maintien de la détention préventive fait également l’objet de réformes allant dans le sens d’une protection plus accrue des droits du suspect.
La réorganisation des juridictions de fond
Il s’agit sans doute de la partie de la réforme qui suscitera le plus de réactions de la part de l’opinion publique. En effet, la Commission souhaite supprimer la cour d’assises et son jury pour les remplacer par une chambre criminelle à trois juges. Le paysage judiciaire en matière pénale se dessinerait alors comme suit :
– Un tribunal de police compétent pour connaître des contraventions et des infractions liées à la matière du roulage ;
– Un tribunal pénal, composé de chambres correctionnelles – correspondant au tribunal correctionnel actuel – et des nouvelles chambres criminelles remplaçant la cour d’assises.
La réforme se propose également de renforcer les droits de la défense devant ces juridictions et de modifier certains aspects des voies de recours, en particulier les délais et formalités à respecter pour interjeter appel.
La nouvelle manière de sanctionner la preuve irrégulière
Tout d’abord, la Commission a décidé de déplacer le contrôle de la régularité de la preuve vers le juge du fond, supprimant ainsi le système de la « purge des nullités », instauré par la réforme « Franchimont ».
Ensuite, le projet va plus loin en renversant, dans certains cas, le principe de la jurisprudence Antigone (consacrée légalement à l’article 32 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale). En effet, lorsque la preuve a été obtenue en méconnaissance de certains droits fondamentaux, la réforme impose d’exclure cette preuve des débats, sauf décision contraire du juge sur base de critères déterminés par la loi.
La nouvelle conception de la prescription et du délai raisonnable
Dans le nouveau Code de procédure pénale, la distinction entre prescription et délai raisonnable est précisée. La prescription se conçoit comme le temps endéans lequel l’enquête préliminaire doit être réalisée. Ce délai, qui ne peut plus faire l’objet d’interruptions et qui ne sera suspendu que dans des cas limités, est fixé in abstracto par le Code en projet. Une fois les juridictions de fond saisies, on ne parle plus de prescription mais uniquement d’écoulement du délai raisonnable, dont le dépassement peut désormais être sanctionné par l’extinction de l’action publique dans les cas les plus graves.
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