Ce travail de Bachelor a pour but de réaliser une revue de littérature étoffée mais non exhaustive à partir d’une question de recherche précise se plaçant dans un contexte de soin, ici les soins intensifs. En réalisant ce travail nous sommes dans une démarche de recherche de données probantes. En effet, la pratique infirmière d’aujourd’hui se doit d’être argumentée à l’aide de données actuelles et probantes qui permettent de continuellement évoluer dans la qualité et vise à l’amélioration des soins.
Dans notre travail, nous avons pour intention d’aborder un thème auquel nous serons confrontées toutes les deux de par nos projets professionnels. Nous souhaitons débuter nos carrières en chirurgie et en médecine interne. Toutes deux avons pour projet de nous spécialiser par la suite dont l’une, justement, en soins intensifs. En effet, nous allons articuler notre problématique dans ce contexte, et plus particulièrement, autour de la place de la technologie dans la pratique infirmière et les conséquences que cela peut avoir sur la relation avec le patient.
Le service des soins intensifs, de par sa nature, est déjà un environnement extrêmement complexe et complet. Les patients sont plongés dans cette atmosphère, entourés de machines de toutes sortes, constamment reliés à celles-ci, sans même parfois savoir à quoi elles servent. En opposition, les soins infirmiers tendent à être calmes, réconfortants, avec des explications à chaque étape des divers soins pratiqués. Cette balance, entre bulle technologique et approche humaniste nécessite un équilibre important. C’est cette balance qui sera le centre de ce travail et les conséquences si cette stabilité est mise à mal. Nous allons expliquer la tension qui existe entre la technologie et les soins pratiqués selon l’approche humaniste de Watson (2008) dans les unités de soins intensifs et les conséquences que cela peut avoir sur la relation précieuse entre l’infirmière et le patient.
Globalement, les soins ont tendu à recourir à la technologie depuis des décennies, cette tendance est soutenue avec l’apparition d’outils de plus en plus performants. Ceci est promu par les institutions de santé, la bioingéniérie et les gouvernements. C’est un sujet actuel, en pleine émergence, au point que nous n’avons eu aucun cours sur cette problématique. Il y a un intérêt de notre part à connaître l’implication directe de la technologie sur les soignants et les soignés au niveau de la relation humaine et non pas sur l’efficacité des soins. Le human caring est une théorie issue des sciences infirmières qui est basée sur des soins relationnels et à “l’âme” et nous nous demandons si les nouvelles technologies n’ont pas un impact sur l’application infirmière de celle-ci. En effet quelle est l’influence de la technologie sur l’approche humaniste du patient? Comment concilier la vision holistique de la personne et la vision dans le prisme des outils technologiques? Est-ce possible? Sachant que les progrès en matière de technologie sont rapides, nous pensons intéressant de nous attarder sur les questions d’impact que cela peut avoir. Afin de mener à bien notre revue de littérature, nous avons décidé de prendre un exemple quelque peu poussé à l’extrême qui est celui des soins intensifs, un milieu de soins très aigus et hautement technologique. Nous avons décidé de prendre comme technologie de référence les appareillages de monitoring. Le patient y est relié et ils constituent l’environnement ainsi qu’une partie de la charge de travail de l’infirmière. C’est quelque chose que nous avons pu observer sur pratiquement tous nos lieux de formation pratique et qui nous a amenées à des réflexions et à des expériences qui nous ont motivées à nous intéresser à l’impact qu’a la technologie sur la relation soignant-soigné.
La dimension humaniste (selon Larousse (n.d.) “Philosophie qui place l’Homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs”) de la pratique infirmière est remise en question dans un environnement hautement technologique. Notre questionnement se porte sur les tensions entre ces deux éléments. Cette approche humaniste est abordée dans notre problématique via la théorie du human caring, car notre vision des soins infirmiers en est très proche. Une prise en soin se doit d’être holistique et individuelle. Lors d’une discussion avec notre directeur de travail de Bachelor, nous avons pu partager notre vision de la profession de laquelle en résulte une question profonde que nous nous posons: “Comment rester infirmière, au sens noble du terme, dans un espace de déshumanisation du patient?”.
Au cours de notre formation Bachelor, cette problématique n’a jamais été abordée durant aucun des modules que nous avons suivis. La question des technologies a été mise en avant le 10 mai 2016 lors de la présentation de l’Arkathon par la fondation The Ark (évènement sur plusieurs jours durant lequel des professionnels de l’informatique et du monde médical font équipe afin de développer des projets technologiques au service de la santé) et malgré l’information communiquée à l’ensemble des étudiants de l’école, nous n’étions que trois étudiants à être présents. Cela nous incite à penser que c’est encore un sujet peu soumis à la réflexion dans la formation Bachelor en soins infirmiers. Nous apprenons à intégrer la technologie à notre pratique durant les périodes d’exercices cliniques à l’école puis sur le terrain, mais nous n’avons pas de réflexion de son impact sur nos compétences en matière de communication avec le patient ainsi que d’expert en soins infirmiers.
Les premiers articles du début de nos recherches de littérature ne concernaient que des questions de qualité, de sécurité et d’optimisation des soins avec les technologies. Mais ce qui nous intéresse à présent est l’impact des technologies de surveillance sur la relation soignant-soigné et plus précisément sur l’application du concept de human caring.
Le but de notre travail est de nous intéresser à la problématique de l’impact des technologies dans les soins sur la relation soignant-soigné en nous centrant sur le contexte des soins intensifs. Pour ainsi mettre en lumière les résultats des quelques études sur le sujet concernant ce milieu et donner un éclairage des interventions possibles, des interrogations et de sensibiliser la pratique infirmière sur cette question d’impact de la technologie dans d’autres milieux de soins.
Théorie du human caring de Dr J. Watson (1979/2008)
C’est une théorie appartenant aux théories du caring, «prendre soin», qui a été développée entre 1975 et 1979 et qui a depuis évolué. Watson est d’orientation existentialiste, phénoménologique et spirituelle. Sa théorie peut être lue sous différents axes; comme une philosophie, une éthique, un paradigme, une théorie ou encore comme un modèle de science élargie. Elle est ancrée dans le paradigme de la transformation. Selon Didier Lecordier (2011) le paradigme de la transformation définit la santé comme issue d’expériences et d’un changement perpétuel. L’essence de cette théorie est le moment: chaque occasion bienveillante est un moment pour prendre soin. Le soin est un ensemble entre science et art.
Encrage de la théorie dans les sciences infirmières
Définition des quatre concepts centraux du métaparadigme infirmier selon cette théorie ainsi que de son champ phénoménal:
● Personne: assemblage de l’âme, du corps et de l’esprit de manière indissociable, possédant une hiérarchie des besoins. Elle est composée de sentiments, sensations physiques, croyances spirituelles, buts et espérances, considérations environnementales et significations de ses perceptions. Pour Watson, le respect et la dignité de l’âme sont essentiels.
● Santé: c’est une expérience subjective chez la personne. Elle est présente lorsqu’il y a une unité et une harmonie entre l’esprit, le corps et l’âme et qu’il y a une cohérence entre le soi perçu et le soi vécu. Elle est liée à la nature entière de la personne, composée de différentes sphères, physique, sociale, esthétique et morale.
● Environnement: il y a influence de l’environnement sur la personne et vice-versa. L’environnement interne est composé de la subjectivité, des perceptions, de la culture, de l’éducation, de la spiritualité, des attitudes de la personne et des mécanismes de régulation biologiques. L’externe englobe l’univers, le milieu de vie et la formation. Ils sont en constante influence l’un sur l’autre.
● Soin: vise à assister la personne dans son harmonie corps-âme-esprit pour promouvoir sa perception de soi, son estime de soi et sa guérison. Le soin aide la personne à poser une signification sur l’événement traversé pour permettre sa prise de décisions en matière de santé (autodétermination). Le soin est un processus et une transaction intersubjective de caring qui commence au moment où l’infirmière pénètre le champ phénoménal de l’autre, qu’elle perçoit sa condition et ainsi aide cette personne dans le partage de ses sentiments et pensées.
1. INTRODUCTION |