La science, telle que présentée dans le PFEQ (MEQ, 2001), vise à décrire et à expliquer le monde qui nous entoure. Elle consiste également à « établir de[s] relations permettant de faire des prédictions et de déterminer les causes de phénomènes naturels » (MEQ, 2001, p.144) pouvant survenir dans notre environnement. La technologie, pour sa part, s’appuie sur la science et tente de la faire évoluer en étudiant les moyens de « modifier le monde et de l’adapter aux besoins des êtres humains » (MEQ, 2001, p.144). En ce sens, la technologie a pour objet l’élaboration d’outils et d’instruments novateurs pour servir à la discipline de la science ou à tout autre champ de l’activité humaine. Les visées des apprentissages ciblés dans la discipline de la science et de la technologie s’orientent pour amener l’élève à comprendre le monde dans lequel il vit pour qu’il s’y adapte (MEQ, 2001). L’enseignement de cette discipline vise aussi à amener l’élève à utiliser les modes de raisonnement et les langages propres aux sciences en plus de développer chez lui une culture scientifique et technologique (MEQ, 2001). Cette culture amène entre autres l’élève à prendre conscience de l’apport des sciences dans l’histoire et l’évolution de la société et à adopter une position critique vis-à-vis les limites et les impacts de la discipline sur le monde qui l’entoure.
Depuis 1960, plusieurs réformes des programmes d’enseignement des sciences ont vu le jour un peu partout sur la scène internationale (Boilevin, 2013; Couture, Dionne, Savoie-Zajc et Aurousseau, 2015; Minner et al., 2010). Bon nombre d’objectifs ont été poursuivis par ces réformes. Parmi ceux-ci, deux visaient à augmenter l’intérêt et la motivation des élèves face aux sciences ainsi qu’à améliorer la réussite de ces derniers dans cette discipline (Dorier, 2012). Le développement de programmes et de pratiques d’enseignement des sciences permettant non seulement aux élèves de construire des connaissances, mais aussi d’apprendre à utiliser les démarches employées par cette discipline, était également un objectif commun à ces diverses réformes (Boilevin, 2013).
En ce sens, les pratiques d’enseignement des sciences doivent mettre l’élève dans des situations où il peut manipuler et expérimenter pour tenter d’expliquer et de comprendre le monde qui l’entoure (Savard & Corbin, 2012). Une analyse de programmes et de travaux de recherche en didactique des sciences faites par Couture et al. (2015) a permis à ces auteurs de cibler six critères à retenir pour le développement de pratiques efficaces d’enseignement en sciences. Selon ces critères, une pratique d’enseignement répondant aux attentes des programmes et des travaux de recherche en didactique des sciences devrait : 1) susciter le questionnement ; 2) engager l’élève dans des démarches d’investigation riches et variées ; 3) établir des liens avec des problématiques sociales ; 4) mobiliser différentes formes de langage utilisées en science et en technologie ; 5) intégrer des technologies de l’information et des communications dans un processus de construction de connaissances et 6) intégrer autant les démarches que les connaissances dans l’évaluation des compétences en sciences (Couture et al., 2015, p. 122).
Il est possible d’établir des liens entre certains des critères venant d’être énoncés et les visées de la discipline de la science et de la technologie présentées dans le PFEQ. Ce dernier suggère de placer l’élève dans des situations tirées de son environnement pour qu’il apprenne en sciences. Cette orientation peut être reliée au troisième critère énoncé ci-haut, soit celui stipulant d’établir des liens entre les sciences et les problématiques touchant la société. Il est également possible de lire, dans le PFEQ, que le programme de science et technologie « vise à développer la culture scientifique et technologique des élèves » (p.144). Par cette visée, qui est également en lien avec le troisième critère, le ministère entend, entre autres, qu’il faut amener l’élève à percevoir que les sciences sont omniprésentes autour de lui, à prendre conscience des impacts que ces disciplines ont sur l’évolution de la société et sur notre vie quotidienne et à identifier les manifestations qu’elles ont dans notre environnement (MEQ, 2001, p.144).
Le PFEQ propose aussi de faire vivre à l’élève des situations faisant appel aux démarches de l’esprit nécessaires en sciences pour résoudre les problèmes que pose la discipline. Ces démarches de l’esprit sont « le questionnement, l’observation méthodique, le tâtonnement, la vérification expérimentale, l’étude des besoins et des contraintes, la conception de modèles et la réalisation de prototypes » (MEQ, 2001, p.144). Nous pouvons relier cette visée au deuxième critère de Couture et al. (2015) qui suggère d’engager les élèves dans des démarches riches et variées au cours d’activités de sciences. À ce sujet, l’importance d’intégrer les démarches d’investigation se retrouve dans les diverses réformes des programmes d’enseignement des sciences depuis quelques décennies. En effet, selon Minner et al. (2010), les différentes réformes qui ont vu le jour ont un objectif en commun : encourager les enseignants à utiliser l’investigation scientifique dans le but d’améliorer la compréhension que peuvent avoir leurs élèves des concepts et des processus scientifiques. Il est nécessaire de préciser que l’exploitation des démarches d’investigation dans un enseignement des sciences amène non seulement l’élève à développer des connaissances dans ce domaine, mais elles l’incitent aussi à comprendre et à recourir aux modes de langage utilisés dans cette discipline. Le MEQ (2001) soutient, à ce sujet, que « c’est en s’engageant dans ce type de démarches […] que l’élève sera graduellement amené à mobiliser les modes de raisonnement auxquels font appel l’activité scientifique et l’activité technologique, à comprendre la nature de ces activités et à acquérir les langages qu’elles utilisent ». Un lien peut donc être établi entre cette orientation et le quatrième critère établi par Couture et al. (2015) stipulant qu’une pratique d’enseignement en sciences doit inciter l’élève à mobiliser les différentes formes de langage utilisées en sciences.
Enfin, il est possible de dire que le sixième critère de Couture et al. (2015), prônant l’intégration des démarches lors de l’évaluation des compétences en sciences, transparait dans les critères d’évaluation de l’une des compétences à développer et à évaluer en sciences au primaire. Au cours du développement de la compétence «Proposer des explications ou des solutions à des problèmes d’ordre scientifique ou technologique » (MEQ, 2001) chez l’élève, l’enseignant doit porter un jugement sur la capacité de ce dernier à « [utiliser] une démarche appropriée à la nature du problème ou à la problématique » (MEQ, 2001, p. 151) auquel il est confronté. Ainsi, l’enseignant doit veiller à ce que l’élève soit en mesure de recourir à des stratégies d’exploration variées, de se documenter, de planifier son travail et de recueillir des données pour satisfaire aux exigences de la compétence. Par conséquent, l’évaluation en sciences devrait aussi porter sur les démarches permettant à l’élève de résoudre un problème scientifique ou technologique, comme il est possible de le voir dans le cadre d’évaluation des apprentissages de la discipline (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2011).
Constat lié à l’enseignement des sciences et de la technologie au primaire
On constate que de nombreuses réformes ont été mises sur pied pour développer des programmes d’enseignement qui suscitent l’intérêt et la motivation des élèves envers les sciences. De plus, l’approche interdisciplinaire est une voie ayant été proposée dans le but de donner plus de place et de pertinence aux sciences dans la grille-horaire des enseignants. Malgré tout ce qui a été fait, le constat relatif à l’enseignement des sciences fait par le Conseil supérieur de l’éducation en 2013 demeure le même, sur plusieurs points, que celui qui avait été fait en 1990 : « la science et la technologie constituent encore l’une des matières qui subissent le plus de contractions dans l’aménagement de l’horaire » (Brisson et al., 2013, p.77). Le CSÉ avait également établi que l’enseignement des sciences à l’école primaire est grandement défavorisé (Brisson et al., 2013).
Des chercheurs américains ont conclu que dans certaines écoles élémentaires, la grande place attribuée aux activités du domaine des langues et des mathématiques a contribué à diminuer l’importance accordée à l’enseignement des sciences (Marx & Harris, 2006; Maxwell et al., 2015). De plus, les sciences, dans les activités se disant interdisciplinaires au primaire, sont souvent utilisées comme thématique servant à faire développer des compétences et construire des savoirs s’inscrivant dans d’autres disciplines (Larose et al., 2008 ; Lenoir, 2006, 2008). Force est de constater qu’en sciences, un fort accent est mis sur des activités de lecture. Dans le cas d’activités présentes dans certains manuels scolaires utilisés en sciences, la conceptualisation et la compréhension des concepts scientifiques reposent, par exemple, souvent sur la lecture de glossaires ou de textes en marge (Hasni, 2010). Hasni et al. (2007 ; repéré dans Roy, 2010) ont mené une étude sur le sujet des manuels scolaires utilisés en enseignement des sciences. Les résultats montrent que souvent, dans les manuels, les savoirs scientifiques sont acquis à la suite d’explications ou de lecture des sections qui leur sont attribuées. D’ailleurs, d’autres travaux menés par Roy (2010) mènent au même constat. Plummer and Kuhlman (2008) énoncent eux aussi que les manuels scolaires utilisés en science contiennent souvent beaucoup de textes par rapport aux activités scientifiques, comme l’expérimentation. Ajoutons également à cela que les cahiers contenant des exercices à compléter sont largement utilisés par les enseignants du primaire lorsqu’ils enseignent les sciences (Plonczak, 2008).
On constate qu’en proposant aux élèves des tâches de lecture en sciences, ceuxci se retrouvent à vivre des activités dont les caractéristiques s’éloignent des critères définissant une pratique gagnante d’enseignement des sciences (Couture et al., 2015) et s’éloignent également des visées de la discipline établies dans le PFEQ. Ainsi, en plaçant les élèves devant ces activités de lecture ou ces cahiers d’exercices, on se rapproche davantage d’activités mettant en avant plan la compréhension en lecture et mettant en arrière-plan les démarches d’investigation scientifique ou de conception technologique par lesquelles l’élève « est amené à mobiliser les modes de raisonnement auxquels font appel l’activité scientifique et l’activité technologique, à comprendre la nature de ces activités et à acquérir les langages qu’elles utilisent » (MEQ, 2001, p.144). Lorsqu’elles sont suggérées dans les manuels scolaires d’enseignement des sciences, les démarches scientifiques entreprises par les élèves viendraient, bien souvent, uniquement confirmer des savoirs lus ou expliqués préalablement à l’investigation scientifique (Hasni et al. 2007, repéré dans Roy, 2010). Les textes ou les explications ne serviraient donc pas à soutenir la construction de ces savoirs chez l’élève.
INTRODUCTION |