Enquête sur les figures de la démarche de projet en technologie

Enquête sur les figures de la démarche de projet en
technologie

 Le projet de la deuxième année, un alibi pour des savoirs

L’enseignant désire présenter sa pratique en corrélation avec les données issues des questionnaires passés en classe de sixième. La démarche de projet est présentée comme une logique de raisonnement. Le double sens du projet –penser et action– s’oppose au processus d’évolution présent antérieurement, soit dans la DPI, utilisée en formation l’an passé, soit dans la notion de cycle de vie. A partir des pratiques présentées en annexe pp. 320-324 et des documents complémentaires joints au rapport CNM/INRP (M. B, pp. 12-50), nous pouvons repérer les grands traits de la démarche de projet visée par l’enseignant. Le contexte est assimilé aux ressources et aux conditions scolaires. Le processus correspond aux activités des élèves qui toutes donnent des productions. L’acteur doit avoir prise sur ces trois volets : ressources, activités, productions. La démarche vise des savoirs à apprendre alors qu’antérieurement le projet était à vivre. Ce qui fait apparaître les savoirs construits au cours des activités. 125 Enquête sur les figures de la démarche de projet en Technologie A. – ENS Cachan – 2001 Comme nous le verrons dans le texte fondateur du CRDP d’Aix-Marseille, le projet idéal semble n’avoir rien transformé dans sa pratique. Le projet alibi reste présent pour pouvoir faire passer les connaissances. Le projet technique émerge dans une structure qui organise la lecture des activités.

Des hésitations persistantes entre un projet idéal et un projet technique

En classe de quatrième, dans une matrice articulant les ressources, les activités et les productions, la concentration sur les savoirs apparaît à nouveau. En classe de troisième, le projet reprend le chemin d’un idéal de développement de la personne. L’activité en projet joue le rôle d’un catalyseur, sans doute fusionnel, entre les intentions pédagogiques de l’enseignant et la motivation des élèves. La conscience collective d’une anticipation partagée et d’une volonté de technique souhaitée fait que l’enseignant affirme tenir un projet en commun à mettre en démarche. Son modèle théorique s’arrête à l’extrait sur la méthode présent dans le texte de la COPRET, alors qu’il choisit une forme pédagogique que l’on pourrait référencer au management participatif : entre laisser faire et travail dirigé. L’enseignant poursuit encore sa quête d’équilibre entre les deux pôles du contexte des démarches : l’implication pour les élèves et la technique pour l’enseignant ressource. Dans cet esprit, chaque projet (quatorze sous-projets se réalisent en même temps) est raconté comme une histoire singulière et dynamique. Elle est source de compétences construites, de connaissances, de productions et de mises en œuvre (et non plus de simples produits). Les prises de décision sont partagées entre enseignant et élèves. Le professeur reste l’acteur extérieur, critique ou médiateur. Si, dans l’idéal, chaque lot de pratiques poursuit un projet commun, la réalité des normes scolaires en perturbe le fonctionnement. Le temps planifié n’est jamais en accord avec la durée réelle. La lecture fine des activités échappe à l’enseignant en raison de la multiplicité et de la dispersion des tâches mais aussi des limites de sa disponibilité. Cette pratique pédagogique flexible s’avère insoutenable, elle nécessite une reprise en mains par l’enseignant. Le séquencement des activités dans la séance scolaire est soumis aux normes. Un programme d’action est décidé. Un contrôle de l’avancée des activités est systématisé dans l’analyse réfléchie des élèves sur leurs pratiques : agir, expliquer, comprendre, réagir. De cette façon, le point de vue de chaque acteur peut conduire à réorienter la démarche de son projet. Nous retiendrons de cette expérience en deux temps que l’activité de projet dans sa nature anticipatrice banale suppose une prise de risque dans un réel social et matériel qui résiste souvent aux plus belles planifications.  Enquête sur les figures de la démarche de projet en Technologie A.  Le rôle de l’enseignant est primordial pour que ce risque ne devienne pas un échec personnel des élèves sous prétexte d’une autonomie qui s’apparente plus souvent à une simple indépendance vis à vis du maître. Chef de projet, expert technique ou médiateur, le professionnalisme de l’enseignant est celui d’un pédagogue-technologue capable d’amener les élèves à réfléchir sur l’action technique dans le cadre d’un monde scolaire dont la maîtrise s’exprime sur trois gestes professionnels : – l’adaptation des activités aux normes scolaires ; – la gestion du temps scolaire incompressible ; – les médiations sur les chemins de la faisabilité. Mais la peur d’un risque non maîtrisé ne doit pas entraîner le formalisme excessif d’un programme d’activités tout fait où toutes les occasions de réflexion, de choix et de discussion sur l’optimisation des pratiques sont évacuées a priori. Dans ce type d’approche, l’essence du projet technique y perdrait beaucoup. Peut-il y avoir projet sans une part de risque ? 3. 2. 3. 5 La figure d’une démarche souhaitée pour la classe de troisième La structure de la démarche suivie est très différente de celle mise en ouvre en classe de sixième. Le moment d’intention prend plus de temps. La conception est mise en relation avec l’exécution pour traiter des dysfonctionnements (nous sommes presque dans le même schéma que celui du site A). Si nécessaire, la négociation permet une nouvelle décision qui demande, soit un retour partiel à la conception, soit la poursuite de l’exécution. La figure est complexe dans la mesure où l’enseignant souhaite viser l’ensemble des traits. Entre la figure en sixième et cette figure pour la classe de troisième, l’enseignant a plus orienté ses pratiques sur la structure des activités et sur la place à attribuer au contexte, mais, comme pour le site A, les pratiques sociales sont absentes de ses préoccupations, ce qui fait que les points de vue sont moins diversifiés. 127 Enquête sur les figures de la démarche de projet en Technologie A. C

Un programme d’action issu des représentations contrastées des élèves

Comme dans les deux sites précédents, les enseignants du site de l’académie C sont confrontés au nomadisme de la notion de projet et à l’orientation à donner aux tâches. Trois champs de possible s’ouvrent à leur questionnement : – la résolution de problème, en se concentrant sur les méthodes, serait une façon pour approcher les difficultés techniques que l’on rencontre dans les projets ; – la pédagogie de projet, comme dans les deux autres sites, a longtemps orienté les pratiques d’enseignants engagés vers la mise en place de relations signifiantes avec l’activité scolaire ; – la réalisation d’un projet technique est une tradition de l’éducation technologique mais n’eston pas toujours guidé par le produit ? Plutôt que de tenter de déterminer le sens précis des pratiques de projet, les deux enseignants de ce terrain ont souhaité prendre en compte les représentations qui se dessinaient dans les résultats du questionnaire réalisé dans leurs deux classes de sixième (voir pp. 329-331). Ces résultats les surprennent dans la différence qu’ils soulignent entre la perception d’un projet vécu et celle d’un projet imaginé, mais aussi dans les défaillances qu’ils mesurent en comparaison avec les trois autres sites. Ils déterminent trois facteurs pénalisant leur population : – la curiosité est absente, – les réponses sont le fruit d’une incapacité d’anticipation, – la communication technique est pauvre. Pour les deux années de 6e et de 5e, la distance entre l’élève et l’expression d’une technique est telle qu’il est impossible de demander à l’élève de s’impliquer autrement que par la volonté d’aboutir. Ce constat va orienter leurs pratiques pour les années à suivre dans une stratégie simple mais essentielle. La majorité de leurs élèves étant en grande difficulté scolaire, ils choisissent de se servir de la quasi-immédiateté attendue pour exciter leur curiosité. En même temps, ils décident de la dépasser pour traiter les obstacles de l’anticipation manquante et de la communication technique pauvre. Un contournement est donc à effectuer pour amener les élèves à acquérir des outils, leur faire prendre conscience de leurs compétences et ensuite seulement les solliciter dans un embryon d’attitude projective. Ils se concentrent donc sur deux innovations capables de répondre aux obstacles perçus : – adaptation de l’organisation des activités pour minimiser les flux d’informations entre acteurs (la charge relationnelle serait trop lourde dans un collectif d’acteurs en projet) ; – mise en place d’une activité réflexive systématique dans la séance, conjointement avec les activités de réalisation. Ils déterminent un principe adapté à leur public : Être en projet : c’est avoir la représentation d’une finalisation, même à très court terme. Enquête sur les figures de la démarche de projet en Technologie A. Ces pratiques réflexives, typiquement technologique, sont déclarées par les enseignants comme indispensables pour pouvoir enseigner la technologie à des populations en difficulté. Trois étapes caractérisent la progressivité des activités : – pour une première approche, chaque étape de fabrication constitue déjà en soi un projet ; – la réalisation d’un mini-projet serait une seconde étape. Dans ces deux cas, les activités sont accompagnées des carnets de bord ou d’une courte phase réflexive, pour prendre conscience du rapport entre anticipation et finalisation 163 ; – les tâches de conception ne sont proposées qu’après avoir acquis les compétences techniques minimales, ce qui permet de ne pas faire fonctionner la capacité d’anticipation à vide. C’est à partir de là que les scénarios peuvent être introduits. Le travail collectif n’intervient que dans cette ultime étape

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Table des matières

Avant-propos
1. Le projet en éducation technologique
1 L’existence du projet dans l’éducation technologique
1 Une situation liée à l’histoire de la mise en place d’une discipline
1 Les transformations de la technologie
s’inscrivent dans l’évolution des autres disciplines
1 Les enseignements conduisant à la technologie de 1996
1 Une variété de solutions et un choix français construit progressivement
1 Le projet, une des spécificités pour la technologie
1 Au cours de cette histoire la notion de projet a pris différentes acceptions
1 Le projet dans la technologie d’aujourd’hui
1. 4 L’hypothèse d’une variabilité de sens accordée à la notion de projet
1. 4 Un débat peu ouvert
1. 4 Pour l’éducation technologique le projet se définit en dehors de l’école
1. 4 Une qualification hasardeuse
1. 5 L’hypothèse de l’inscription des démarches de projet en dehors des normes du curriculum
1. 5 Des emprunts discutables à d’autres disciplines p6
1. 5 Des dérives sont annoncées
1. 6 Les questions qui guident l’enquête
1. 6 Discerner les acceptions accordées à la notion de démarche de projet
1. 6 Caractériser les types de variations apportées aux démarches de projet
1. 6 Confronter ce qui se dit, se pratique et se prescrit puis estimer
l’impact de ces représentations sur les situations scolaires
1. 7 Ces questions massives depuis 1985 ont-elles été traitées ?
1. 7 Les processus de réalisation en technologie sont très peu étudiés
1. 7 Les équipes de recherche étudiant la technologie sont peu nombreuses
2. Problématique de l’enquête
2 Pratiques de références et activités scolaires
2 Quels projets dans les entreprises ?
2 Quelles démarches pour les équipes-projet ?
2 Des choix et des traductions … sur quels modèles référents ?
Enquête sur les figures de la démarche de projet en technologie
2 Les concepts de projet
2 Démarches pour des projets
Des méthodes … à la démarche de projet en technologie
Esquisse historique et conceptuelle
La méthodologie et les méthodes
2 L’éducation technologique : des projets
L’approche de sens commun
Le projet comme concept existentiel
Le projet comme méthode
Le projet technique
Un éclairage historique sur le projet technique comme méthode d’enseignement
2 Le dispositif d’enquête
2 Schéma d’analyse des conceptions et des pratiques de projet
Une schématisation pour lire toutes les démarches de projet
Un système moins étroit que celui du simple processus
Les points de vue des acteurs
La tension du contexte de la situation technique
Le processus qui caractérise le développement du projet
2 Visualisation des conceptions et des pratiques par des figures
La construction des figures
Les limites de la visualisation de ces figures
2 Recueil de données : questionnaires, entretiens, documents
2. 4 Analyse et interprétation
2. 5 Exemple de construction d’un trait significatif de figure
2. 6 Un banc d’essai pour l’idée de figure
Rendre compte des pratiques de professionnels
Repérage de traits grossiers
La figure du projet technique pour l’opératrice
La figure du projet technique pour le chef d’atelier
La figure du projet technique pour l’audit qualité
La figure du projet technique pour l’infirmière
La figure du projet technique pour la vendeuse en magasin de bricolage
La figure du projet technique pour le négociant
La figure du projet technique pour le responsable d’une petite PME
Une autre lisibilité des démarches de projet technique
3. Les enquêtes : les démarches de projet et leurs figures
3 Points de vue des élèves : vécu et représentations
3 Traits caractéristiques des projets vécus et non vécus
Le choix des indicateurs
La construction de figures moyennes
3 Quelles représentations du projet pour des élèves de sixième ?
Analyse des traits relatifs aux points de vue des élèves de sixième
Analyse des traits relatifs au contexte du projet
Analyse des traits relatifs au processus associé au projet
Projet vécu, projet non vécu : deux figures hétéromorphes
Enquête sur les figures de la démarche de projet en technologie
3 Les représentations du projet chez des élèves de quatrième
Le même questionnement sur le projet non vécu, deux ans plus tard
Analyse des traits relatifs aux points de vue
Analyse des traits relatifs au contexte du projet
Analyse des traits relatifs au processus du projet
Des traits se différencient selon les origines académiques des populations questionnées
Une figure du projet non vécu qui enrichit son contexte
3. 4 De la lisibilité à l’utilité des figures, pour organiser les projets
3 Stratégies d’enseignants pour mettre en œuvre les projets techniques
3 Données disparates et tendances régionales
3 Académie A
Le projet en sixième, sous l’influence du projet pédagogique et de la DPI
La dévolution du processus et l’abandon du modèle de la DPI en classe de 5ème
Des pratiques de projet technique pour impliquer les élèves de quatrième
3 Académie B
Enseigner, former et analyser ses pratiques, trois postures
Les pratiques questionnées par la polysémie du projet
Le projet de la deuxième année, un alibi pour des savoirs
Des hésitations persistantes entre un projet idéal et un projet technique
La figure d’une démarche souhaitée pour la classe de troisième
3. 4 Académie C
Un programme d’action issu des représentations contrastées des élèves
Le carnet de bord : un outil pour développer des compétences spécifiques
Une figure à minima en cinquième qui décline l’essentiel du projet technique
Le carnet de bord en classe de quatrième associe réflexion et anticipation
3. 5 Académie D
Un constat d’association difficile à la recherche-action
Des représentations obstacles qui récusent les pratiques de projet
La découverte déstabilisante d’un projet sans démarche
3. 6 Pouvons-nous tirer un enseignement d’une lecture comparative
de ces différentes figures des pratiques enseignantes ?
3 Figures refondatrices dans des textes prescripteurs de la discipline
3 Un échantillon représentatif des prescriptions nationales et régionales
3 Une figure mythique «La démarche de projet industriel»
3 Une figure de projet référencée dont la démarche est occultée
3. 4 Une figure de démarche opaque au projet
3. 5 Une figure théorique dissociée de celles de ses transpositions pratiques
3. 6 Des prescriptions en désaccord qui augmentent la diversité
3. 4 Ruptures et continuités des figures des nouveaux programmes
3. 4 De 1995 à 1999, une transformation pas à pas des programmes
3. 4 Pourquoi envisager des changements à propos de “la démarche de projet” ?
3. 4 Ruptures et continuités pour la démarche de projet dans les programmes
3. 4. 4 Construction des figures
3. 4. 5 Figure correspondant au programme de la classe de sixième
3. 4. 6 Figure correspondant au programme du cycle central
3. 4. 7 Figure correspondant au programme de la classe de troisième
3. 4. 8 En fixant les minima, ces figures questionnent les ambiguïtés des textes
Enquête sur les figures de la démarche de projet en technologie
3. 5 Evolution des conceptions des enseignants (dossiers de CAPET interne)
3. 5 Le nomadisme des concepts de projet et de démarche dans les rapports de jury
3. 5 Des pratiques de projet en concours issues des expériences en classe
3. 5 Les mouvements d’évolution de chacun des traits du projet
3. 5. 4 Des figures initiales consistantes… aux figures finales décontextualisées
3. 6 Conceptions contrastées en formation d’enseignants
3. 6 Caractéristiques du projet vécu et du projet de formation
3. 6 Des images simplifiées hétérogènes et parfois contradictoires
3. 7 Le projet personnel vécu : des “existentiels”, “des pragmatiques”
3. 6. 4 Divergence des projets techniques imaginés pour la formation
3. 6. 5 Quels apprentissages pour maîtriser les situations de réalisation sur projet ?
4. Discussion : diversité et variabilité des figures,
questions pour la technologie
4 Variation et diversification des figures
4 Le répertoire des figures : un tableau bigarré
4 Comparer des figures pour distinguer les projets
En termes d’absence de traits
En termes de fréquence et d’importance accordée à chaque trait
En termes d’évolution d’une catégorie de traits
En termes mixtes d’évolution et de fréquence de traits
4 Variation et diversification
Une variation non maîtrisée
Une diversification réfléchie
Un paysage hétérogène qui peut désorienter
4 Cohérence et lisibilité des démarches, un problème fondamental
4 Des figures insensées
4 La cohérence se lit dans les ruptures successives des trois cycles
4 La pluralité nécessaire des représentations
4. 4 Correspondance entre pratiques de référence et pratiques scolaires
Des trames d’écriture pour les scénarios
D’autres connaissances à recueillir sur les pratiques socio-techniques
4 Questions pour la technologie
4 Modéliser et scénariser, des ruptures avec les anciennes pratiques
4 Jouer sur la variabilité des démarches de projet
4 Eloigner la progression pour admettre et utiliser la progressivité
4. 4 Changer le genre professionnel
4. 5 Des propositions finales
Bibliographie
Index des auteurs
Liste et développement des principaux sigles utilisés

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