Le système de surveillance électronique autonome en Belgique
Pour rappel, la surveillance électronique est aujourd’hui subdivisée en quatre alternatives dans notre législation pénale. Nous avons la surveillance électronique en tant que modalité d’exécution de la détention préventive, en tant que modalité d’exécution des peines d’emprisonnement égales ou inférieures à trois ans, en tant que modalité d’exécution des peines d’emprisonnement de plus de trois ans et en tant que peine autonome. C’est uniquement cette dernière qui fera l’objet de toute notre attention dans le cadre de ce travail19. Comme énoncé ci-dessus, la peine de surveillance électronique autonome trouve sa source dans la loi du 7 février 2014. Nous allons, dans ce chapitre, donner la définition de cette surveillance électronique autonome ainsi que ses objectifs. Ensuite nous présenterons la loi de 2014 sous ses différents aspects.
a) Définition L’article 37ter §1, al. 2 du Code pénal définit la peine de surveillance électronique autonome comme « l’obligation de présence à une adresse déterminée, exception faite des déplacements ou absences autorisés, durant une période fixée par le juge conformément au paragraphe 2. Le contrôle de la présence est assuré, notamment, par le recours à des moyens électroniques et, conformément au paragraphe 5, cette obligation est assortie de conditions ». Selon Luc Holsters20, le concept de « surveillance électronique » n’est linguistiquement pas bien choisi. Il serait plus adéquat de parler de « détention à domicile » ou de « placement sous surveillance électronique ». Lors des annexes du rapport fait au nom de la commission de la justice par Madame Sophie De Wit, Madame Van Cauter, l’une des initiateurs de la proposition de loi21, a reconnu qu’il serait plus judicieux de parler de « placement sous surveillance électronique » mais la terminologie n’a pas été modifiée dans la loi22.
b) Objectifs Les objectifs de la loi du 7 févier 2014 sont : favoriser la réinsertion, lutter contre la récidive23, diminuer la surpopulation24, diminuer les coûts25, individualiser la fixation de la peine et éviter la non-exécution des courtes peines de prison26. Nous nous concentrerons sur les quatre premiers objectifs dans le cadre de l’analyse comparée qui fait l’objet de notre travail. Luc Holsters apporte une précision au sujet d’un des objectifs de la loi, à savoir éviter la nonexécution des courtes peines de prison. Cet objectif était déjà réalisé à l’époque où la proposition de loi de 2013 fut déposée puisque, dans la pratique, les courtes peines entre 6 mois et 3 ans étaient déjà exécutées sous la forme d’une surveillance électronique27. Cela posait cependant un problème en vertu du principe de légalité des peines car ce dernier garantit à chaque citoyen qu’aucune peine ne peut leur être infligée sans base légale28. L’entrée en vigueur de la loi du 7 février 2014 va régulariser cette pratique. Section 2. Description de la loi du 7 février 201429
Champ d’application
En vertu de l’article 37ter §1, al.1er du Code pénal, le juge peut condamner l’auteur d’une infraction à une peine principale de surveillance électronique autonome si le fait est de nature à entrainer une peine d’emprisonnement d’un an au maximum. Il s’agit de la peine concrète prononcée après l’application des circonstances atténuantes. Ainsi, on peut prononcer une peine de surveillance électronique pour une infraction dont le maximum punissable est compris entre quinze et vingt ans d’emprisonnement30. Pour les infractions punies d’une peine de réclusion de vingt à trente ans ou de perpétuité (notamment l’homicide volontaire, le viol, la prise d’otage et l’abus sexuels sur mineur), une interdiction est faite au juge d’infliger une peine de surveillance électronique31 (article 37ter §1, al. 3 du Code pénal). L’interdiction doit s’étendre en cas de tentative d’une des infractions exclues par l’article 37ter §132. Soulignons que la peine de surveillance électronique autonome n’est pas inscrite dans le casier judiciaire délivré aux particuliers (article 595, al. 1er, 1° du Code d’instruction criminelle)33. Cela est très positif pour le condamné car il ne sera pas discriminé lors de la recherche d’un emploi.
Durée de la peine
La peine de surveillance électronique doit avoir une durée comprise entre un mois et un an (article 37ter §2, al. 1 du Code pénal). Il s’agit donc d’une peine correctionnelle34. L’article 85 du Code pénal sur les circonstances atténuantes étant d’application, on pourrait tout de même envisager la peine de surveillance électronique comme peine de police dans les cas où elle ne dépasserait pas 7 jours35. Cette durée de 7 jours parait en opposition avec l’avis des experts interrogés dans le cadre de la proposition de loi de 2011, qui estimaient que cette période trop courte était disproportionnée en termes de coût et de profit36. Il nous semblerait donc plus judicieux, dans tous les cas de figure, de ne pas déroger à la durée minimum d’un mois. La durée maximale d’un an est justifiée par le fait que, si la peine dépassait ce délai, elle serait contre-productive37. En effet, plus une peine est longue et plus elle peut avoir des effets néfastes pour la personne condamnée, qui peut se sentir frustrée, et pour son entourage qui subit une certaine pression à la suite de cette peine. En résumé, plus la peine est longue et plus le risque d’échec sera grand38. Dans le même ordre d’idée, le maximum d’un an ne semble pas pouvoir être doublé en cas de récidive39. La peine de surveillance électronique devra être exécutée dans les 6 mois de la décision judiciaire passée en force de chose jugée (article 37ter §2, al. 2 du Code pénal). Ce n’est pas l’exécution complète de la peine qui doit avoir lieu dans ce délai mais le commencement d’exécution de la peine40. La longueur de ce délai de 6 mois, avant que la peine ne soit effectivement exécutée, peut paraître aberrante pour le condamné qui vient de passer ce laps de temps dans la société sans que cela ne pose aucun problème41.
Conclusion
Notre travail a permis de mettre en évidence que la surveillance électronique autonome prend effectivement de plus en plus une place importante dans notre système législatif car les objectifs qu’on en attendait semblaient en faire une alternative adéquate à la prison. L’objectif de ce travail visait à confronter les quatre objectifs principaux de la loi du 7 février 2014 (c’est-à-dire la réinsertion ainsi que les diminutions de la récidive, de la surpopulation carcérale et des coûts) avec ceux du curfew order with electronic monitoring afin de constater si les objectifs de la surveillance électronique autonome belge pourraient se concrétiser. Nous avons relevé que pour presque tous ces objectifs, très peu de statistiques avaient été menées, ce qui ne nous permet pas de donner des chiffres clairs sur ce que nous avançons. Il serait dès lors très intéressant de faire plusieurs études à ce sujet pour donner une dimension plus scientifique à notre recherche. En ce qui concerne la réinsertion, nous pensons que cet objectif est réalisable dans la mesure où l’on dispose d’un budget suffisant pour engager le personnel compétent pour les guidances et enquêtes sociales. De plus, il faudrait penser à mettre en place un horaire plus flexible permettant de s’adapter aux aléas quotidiens. Le taux de récidive dépend ici aussi de la guidance qui est offerte aux personnes condamnées. Il faut donc se donner les moyens pour arriver à ce but. Plus le suivi sera de qualité, moins il y aura de risques de récidive. Si ces exigences sont appliquées, une diminution de la récidive serait effective.
L’objectif de diminution de la surpopulation ne peut être correctement évalué car aucune étude n’apporte actuellement de preuve significative que cet objectif serait atteint. Enfin, la diminution des coûts ne sera que partiellement atteinte. On peut supposer que la peine de surveillance électronique autonome aura un coût moindre que la prison au vu des chiffres qui nous sont présentés. Toutefois, ces chiffres doivent être analysés avec grande prudence puisqu’ils ne tiennent pas compte d’un certain nombre de variables. Par contre, le budget nécessaire pour répondre aux autres objectifs de la loi sera quand même conséquent. Il faudrait notamment engager le personnel compétent pour la guidance et l’enquête sociale ainsi que prévoir suffisamment de bracelets électroniques et autres matériels pour permettre le bon fonctionnement du système. N’oublions pas que le net-widening aura un impact négatif sur tous les objectifs que nous venons d’étudier mais que la réinsertion et la diminution de la récidive peuvent quand même être atteintes si on met en place un budget suffisant. Malgré une application du Droit qui n’est jamais totalement similaire d’un pays à un autre, cette étude comparée nous a permis de mettre en évidence que seuls deux des objectifs sur les quatre pourront être totalement atteints ; à supposer que les moyens nécessaires soient disponibles. Rappelons que les deux objectifs dont nous parlons sont la réinsertion et la diminution de la récidive. L’objectif de diminution des coûts serait, quant à lui, partiellement atteint mais pourrait l’être davantage sur une vision à long terme. Pour terminer, avec trois objectifs sur quatre atteints, en partie ou en totalité, nous dirons que la surveillance électronique autonome aura beaucoup d’impacts positifs. Elle ne sera sûrement pas oubliée des critiques mais présente une belle alternative. Cette dernière, bien que restant relativement coûteuse, nous semble néanmoins apporter une belle perspective d’avenir en terme d’humanité et de qualité de vie pour la personne condamnée.
Introduction |