Énonciation polyphonique et argumentation l’ « éditorial de saison » de la régie SCOP
..apparente neutralité des textes descriptifs257 se voit rompue, dans le discours du programme, par la présence d’un éditorial qui ouvre l’objet-programme de la régie signé du nom de la régie « Scènes et Cinés Ouest Provence », puis par celui d’élus d’Ouest Provence (Le Président, Bernard Granié ou Yves Vidal, Président de la régie Scènes et Cinés Ouest Provence). Au vu de ces premières analyses nous nous posons un certain nombre de questions : Quelles sont les différentes traces de l’énonciation dans le programme ? Que nous disent-elles quant au statut qui est accordé à l’objet-programme et à son éditorial ? Que pouvons-nous dire de ce surgissement du sujet de l’énonciation dans l’introduction du programme alors que les autres textes du programme sont marqués par un quasi-anonymat ? Quels sont les effets de ces énoncés sur les destinataires du programme ? Ce que nous cherchons à mettre au jour dans ce chapitre ce sont les stratégies des acteurs de ces discours qui composent le programme, c’est-à-dire les rapports de pouvoir et de légitimité qui peuvent se manifester par le biais de ce type de dispositif médiatique. La posture qui sera la nôtre pour ce travail considère l’énonciation du point de vue des manières dont le sujet de l’énonciation se manifeste dans le texte (activité de production de l’énoncé), c’est-à-dire qu’il nous faut déceler les marques énonciatives qui soulignent le surgissement du sujet dans l’énoncé. Sur la base de l’analyse de ces marques qui sont des indices de la relation que l’énonciateur entretient, par le biais du texte, avec son destinataire, nous aborderons la question des fonctions des énoncés. Ensuite, notre approche de l’énonciation abordera le langage comme une action. Cette double dimension de l’énonciation est soulignée par Oswald Ducrot dans Les mots du discours : « ce qui est important pour la compréhension d’un texte, ce sont non seulement les indications qu’il apporte au destinataire, mais tout autant les manœuvres auxquelles il le contraint, les cheminements qu’il lui fait suivre » (Ducrot, 1980 : 11).
La dimension épitextuelle du programme s’explique en partie par les caractéristiques de son instance d’énonciation. Le destinateur d’un programme de saison artistique et culturelle est l’institution culturelle qu’elle soit un théâtre, une salle de concert, une maison d’opéra, un centre chorégraphique, une association, etc. Pour ce qui concerne la régie culturelle SCOP, la situation est un peu plus complexe, car elle ne concerne pas une structure mais plusieurs. De même qu’elle fait coexister différents types d’acteurs qui, sur ce territoire, n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble dans une aussi grande proximité et dont les relations ont été dégradées du fait de la création de la régie : les acteurs politiques communautaires et les professionnels de la culture. Avant la création de la régie culturelle SCOP, chaque directeur d’équipement (aujourd’hui directeur artistique intercommunal) avait pour tâche de composer une programmation selon ses propres normes esthétiques (en collaboration avec son équipe), les contraintes et les atouts du lieu de la représentation mais aussi selon les publics qu’il souhaitait attirer et fidéliser. Avec la régie, ces pratiques de programmation ont été bousculées par l’implication directe des élus dans la gestion des théâtres, par leur présence majoritaire au sein du conseil d’administration, mais aussi par la délocalisation des compétences des directeurs qui, devenus directeurs artistiques d’un genre à l’échelle intercommunale, se sont vus être en situation d’avoir à travailler ensemble pour mettre sur pieds la programmation pour l’ensemble des lieux de théâtre, un programme.
..programmations mais aussi plusieurs manières de composer une saison théâtrale ont été regroupées. À côté des professionnels de la culture, les élus jouent un rôle important au sein de la régie puisqu’ils participent directement, par la médiation de ce dispositif, à la mise en œuvre de la politique culturelle. Le changement sans précédent dans les pratiques des élus communautaires et des professionnels de la culture est lié au fait que ces acteurs sont désormais en situation de travailler directement ensemble. Plusieurs voix se font désormais entendre au sein de la régie culturelle, et correspondent aux différentes pratiques de gestion de la politique culturelle et de programmation des directeurs artistiques. Au regard de cette situation, on est en droit de se demander si l’on retrouve cette pluralité de voix dans le discours qu’est le programme ? Les programmateurs artistiques revendiquent-ils une certaine forme d’auctorialité concernant la réalisation du programme ? Ya-t-il des traces dans le programme de leur présence énonciative ou au contraire s’effacent-ils devant l’instance institutionnelle que représente la régie ? Et puisque la création de la régie est le résultat d’une volonté des élus communautaires d’Ouest Provence de s’impliquer plus fortement dans la politique culturelle du territoire et d’être plus visibles sur la scène du spectacle vivant à l’échelle intercommunale, comment les acteurs politiques marquent-ils leur implication dans le programme ?