Enjeux des solitons spatiaux
Ce chapitre introduit la notion de soliton à partir de l’exemple des solitons hydrodynamiques. Puis les solitons optiques sont présentés en détail, notamment leur intérêt pour les télécommuni- cations ; qu’ils s’agissent des solitons temporels ou des solitons spatiaux. Nous considérons ensuite un premier exemple de soliton spatial optique : le soliton Kerr. Le soliton photoréfractif constitue le second exemple détaillé. Nous finissons en mentionnant l’existence d’autres familles de solitons spa- tiaux qui ne font pas l’objet d’études approfondies au cours de cette thèse et sont, pour cette raison, plus succinctement présentés.Le 26 décembre 2004 un terrible tsunami a dévasté l’Indonésie, les côtes du Sri Lanka et du sud de l’Inde, ainsi que le sud de la Thaïlande, faisant plus de 200 000 morts. Un violent séisme sous-marin à l’origine du tsunami a provoqué un brusque déplacement de toute la colonne d’eau, ce qui a en- gendré une série d’ondes de très grande longueur d’onde (plusieurs dizaines de kilomètres). La vague ainsi formée, quasi indécelable en pleine mer, à cause de sa très grande longueur d’onde, s’est alors propagée très rapidement, pratiquement sans se dissiper, jusqu’à ce que son énergie soit entièrement libérée sur la côte. . . En effet, à l’abord du continent, la remontée du fond océanique et les réflexions- réfractions sur le rivage induisent une diminution la longueur d’onde de la vague et son amplitude augmente, avant de déferler sur les côtes avec les conséquences que l’on connaît. Ainsi sur le plancher océanique, un tsunami peut être considéré comme une onde solitaire (ou soliton). En effet, c’est une impulsion (vague) qui se propage en conservant un profil invariant, grâce à la profondeur constante de l’eau, dans un milieu qui est ici bidimensionnel.
D’autres vagues spectaculaires peuvent être décrites par les solitons : les vagues scélérates et les mascarets. Les vagues scélérates (freak waves) sont des vagues solitaires de même longueur d’onde que les tsunamis, mais au profil beaucoup plus abrupt, et dont la hauteur du creux à la crête peut at- teindre 30 mètres. L’origine de leur apparition est encore mal connue ; une explication avancée serait que la vague scélérate apparaît, en absorbant l’énergie contenue dans les vagues voisines, formant un paquet de vagues (paquet d’ondes) analogue au paquet d’ondes de l’équation de Schrödinger. Nous retrouverons ce rapprochement entre les paquets d’ondes que forment les solitons et l’équation de Schödinger de la mécanique quantique, au paragraphe 1.2.1.1.Dans des conditions très particulières (fort coefficient de marée, fleuve à gros débit et très faible niveau d’eau), on peut encore observer ce que l’on appelle un mascaret. Il est lié à la marée montante qui remonte un fleuve à contre-courant. Le flux de marée se heurte alors au courant du fleuve, et par l’effet d’entonnoir de l’estuaire, ainsi que de la diminution de la profondeur, une série de vagues se créent. Le mascaret grossit au fur et à mesure de sa progression et peut atteindre jusqu’à 3 m de hauteur. Cet ensemble de vagues (une dizaine séparées les unes des autres d’une dizaine de mètres) remonte l’estuaire à très grande vitesse. Loin en amont on finit par obtenir un soliton.
La première mention d’un soliton remonte à 1844. On la doit à l’ingénieur écossais John Russel [1]. Alors qu’il montait à cheval le long de l’Union Canal, proche d’Edimbourg, il remarqua qu’une barge, en s’arrêtant soudainement, produisit une vague importante qui continua de se propager en amont, sans atténuation de sa forme, ni de sa vitesse. Il suivit ainsi cette vague, sur plusieurs kilomètres, vague qui remontait le courant en semblant ne pas vouloir faiblir. Il remarqua aussi que les vagues de forte amplitude se déplaçaient plus vite que celles d’amplitude faible (phénomène de propagation non-linéaire).L’interprétation mathématique du soliton hydrodynamique sera faite dès 1895 par deux mathé- maticiens hollandais, Korteweg et Vries, avec l’équation dite « KdV » [2] qui restera oubliée jusqu’en 1965, puis sera redécouverte par Zabusky et Kruskal qui, poussant plus loin les travaux, découvri- ront que deux solitons peuvent entrer en collision et tout de même garder la même enveloppe et leur vitesse propre après séparation [3]. Quand deux solitons se rapprochent, ils se déforment graduel- lement, devenant un simple paquet d’ondes qui se redivise ensuite en deux solitons ayant conservé leur forme et leur vitesse.