Caractéristiques de la population
Cette étude est la première étude comparant les échanges gazeux d’enfants atteints de Trisomie 21 et ceux d’enfants non syndromiques, tous adressés pour une suspicion clinique de SAOS. Elle montre notamment que les enfants atteints de Trisomie 21 ont une capnie transcutanée nocturne plus élevée de manière statistiquement significative, indépendamment du degré de sévérité d’un éventuel SAOS. Les caractéristiques générales de notre population montrent une prévalence plus importante de garçons dans les 2 groupes avec un sexe ratio d’environ 2/1. Ceci est concordant avec les données de la littérature, en effet il est décrit que les garçons sont plus fréquemment atteints de SAOS que les filles (environ 60% de garçons)28,29. Le sexe masculin est également majoritaire chez les enfants atteints de Trisomie 21 (environ 55% de garçons)30. Dans notre étude, les patients atteints de Trisomie 21 ont un poids et une taille inférieurs à la moyenne pour l’âge. Cette petite taille est connue comme étant l’une des caractéristiques phénotypiques de cette anomalie génétique31. En revanche en ce qui concerne l’IMC, nous n’avons pas observé de différence entre les 2 groupes. L’IMC moyen était normal pour l’âge dans les 2 populations, les échanges gazeux n’étaient donc pas modifiés par un éventuel surpoids. Il est établi que l’obésité a une prévalence plus importante chez les enfants atteints de Trisomie 21 que dans la population générale pédiatrique32. Celle-ci va de 23% à 40% selon les études33–35 et pourrait être due à des facteurs endocriniens comme l’hypothyroïdie36 ou encore aux troubles du comportement et au manque d’activité physique37. Le fait que nous ayons une prévalence d’obésité moindre dans notre étude peut s’expliquer par le jeune âge moyen de notre population (5 ans). Toutefois, une perspective intéressante pourrait être d’étudier s’il existe une corrélation entre l’importance de l’hypoventilation alvéolaire et un IMC plus élevé.
Dans notre étude, 43% des enfants du groupe Trisomie 21 présentaient une cardiopathie congénitale, cela est similaire aux 40% habituellement décrits dans cette population41. Parmi ces enfants, 5 avaient une CAV, 3 une CIV, 3 une CIA, 1 un foramen ovale perméable et 1 une fuite mitrale. Cela est représentatif de la population pédiatrique ayant une Trisomie 21 car les anomalies cardiaques congénitales les plus fréquentes dans cette population sont les CIA, CAV, CIV mais aussi la tétralogie de Fallot42. Dans la mesure où les malformations cardiaques retrouvées dans notre population étaient non cyanogènes, nous n’avons pas observé de différences entre les enfants du groupe T21 ayant une cardiopathie ou non en ce qui concerne les valeurs de SpO2. Dans notre groupe Trisomie 21, 24% des enfants étaient asthmatiques, cela est supérieur à la prévalence d’environ 10% dans la population pédiatrique générale43. Cependant tous ces enfants avaient un asthme bien contrôlé (pas d’exacerbation récente ni de prise de Ventoline). Weijerman et al ont montré en 2011 que les enfants atteints de Trisomie 21 présentaient plus fréquemment un wheezing que la population pédiatrique générale mais que ce wheezing n’était pas dû à un asthme44. Dans cette étude rétrospective nous n’avons pas les données précises qui ont amené à porter le diagnostic d’asthme mais celui-ci était exclusivement clinique, notamment sur la présence d’un wheezing Il n’y avait pas de confirmation par des EFR car il s’agissait de nourrissons. Il n’y avait pas de différence de SpO2 entre les patients du groupe T21 asthmatiques et ceux non asthmatiques. En ce qui concerne l’hypothyroïdie, le RGO et l’épilepsie, la prévalence était moins importante dans notre étude que dans la littérature (23.5% d’hypothyroïdie)45, cela peut s’expliquer par le petit nombre de l’échantillon.
Dans notre étude, les patients atteints de Trisomie 21 ont eu une PSG du fait de signes cliniques faisant évoquer un SAOS. Ces symptômes ont été recherchés à l’interrogatoire des parents en s’appuyant sur un questionnaire de sommeil. A partir de 2017, le questionnaire proposé par Spruyt-Gozal et traduit en français par Nguyen et al46 a été utilisé, permettant de calculer un score prédictif de SAOS. Ce questionnaire (Annexe 2) se compose de 6 questions ayant une importance croissante dans la cotation ; elles concernent, par ordre décroissant : la fréquence du ronflement, puis l’intensité du bruit du ronflement, l’inquiétude parentale liée à la respiration de l’enfant, les difficultés à respirer, les arrêts de respiration durant le sommeil, la nécessité de secouer l’enfant pour qu’il se remette à respirer. Dans cette étude nous n’avons pas pu collecter les réponses à ces 6 questions pour tous les enfants du fait du recueil rétrospectif des données, notamment pour la question de la nécessité de secouer l’enfant. Nous n’avons donc pas pu établir le score ni confirmer s’il pourrait être appliqué chez les patients atteints de Trisomie 21. Nous avons observé que, de manière statistiquement significative, les enfants atteints de Trisomie 21 avaient une PtcCO2 moyenne nocturne plus élevée que les patients du groupe témoin (44.7mmHg vs 42.4mmHg, p = 0.0089) et également un pourcentage de temps de sommeil avec une PtcCO2 supérieure à 50 mmHg plus élevé (9.1 vs 1.4, p = 0.011). Nous avons également observé que les cas avaient une SpO2moyenne plus basse que les témoins (95.7% vs 96.3%, p = 0.048), tout comme la PtcO2 moyenne (75.8 mmHg vs 82.7 mmHg, p = 0.001). Ces résultats n’étaient pas influencés par la sévérité du SAOS. Les différences observées entre les 2 groupes pourraient être expliquées par une hypotonie des muscles respiratoires chez les patients atteints de Trisomie 21.