En quoi la démarche d’investigation peut-elle être source grande motivation chez les élèves ?
La motivation chez un élève : Qu’est-ce que ça veut dire ? La motivation des élèves est un sujet qui a fait et qui fait encore couler beaucoup d’encre chez les grands didacticiens et pédagogues. Pour essayer de comprendre le sens de ce concept si fort, partons de son étymologie. Motivation tient son origine du mot « motif », mot emprunté au latin « motivus » qui veut dire « mobile » et de « movere » dont l’équivalent en français n’est autre que mouvoir. Il signifiait donc en ancien français « ce qui met en mouvement ». “Mouvement” est un terme qui interpelle et qui est hautement significatif dans le domaine qui nous intéresse. Il laisse présager une action, une prise de pouvoir de celui qui est motivé. Mais nos élèves sont-ils beaucoup mis en mouvement dans nos salles de classes ? Nous pourrions résumer ce sens premier en concluant que celui qui est motivé est celui qui est en action, donc qui est actif dans une situation déterminée. Cette donnée étymologique peut déjà nourrir une certaine réflexion.
La motivation : innée et propre à l’élève ?
Philippe Perrenoud nous dit dans son article paru en 1993 que lorsque la motivation est évoquée dans les bulletins des élèves, c’est souvent quand elle fait défaut. Quand on ne sait quoi dire d’un élève peu actif on évoque son manque de motivation, et on sous-entend donc que c’est cet élève le seul responsable de son propre échec, puisqu’il n’est “pas motivé”. Mais n’est-ce pas à ce même enseignant d’y trouver aussi sa part de responsabilité ? Cette façon d’invoquer la motivation laisserait à penser que c’est un trait de personnalité chez l’élève, que c’est du domaine de l’inné. Un élève naîtrait donc motivé ou non-motivé. Mais comme monsieur Perrenoud nous l’explique dans son article, la motivation n’est-elle pas plutôt liée à la relation, l’interaction et la situation dans laquelle l’élève se trouve ? La motivation serait donc du domaine de l’acquisition, et que chacun pourrait développer dans certaines conditions et dans un certain contexte. Selon Jacques Lévine, psychanalyste, cité dans l’article de Jean-Michel Zackhartchouk paru en 2003, les problèmes de motivation rencontrés par les élèves ne sont dus ni aux parents, ni aux enfants, ni même aux enseignants mais à la trop grande place faite à l’abstraction dans l’enseignement, impulsée par l’institution. Certes le recours à l’abstraction est à un moment donné essentiel aux élèves, au fur et à mesure que leur apprentissage se 5 complexifie. Ce recours est nécessaire pour gagner du temps et approfondir ses connaissances. Mais il est tout de même aussi nécessaire de passer par la pensée concrète, pragmatique et inductive en amont. Les mathématiques sont un domaine d’apprentissage réputé pour angoisser plus d’un élève. Combien de fois avons-nous entendu dans les établissements scolaires du secondaire : “Mais à quoi ça va me servir d’avoir telle ou telle compétence en mathématiques ?” “C’est trop dur !” “Les maths, ça ne sert à rien !” etc… Alors que les mathématiques sont réellement présentes partout dans notre monde et très concrètement : dans la fabrication de n’importe quel objet, bâtiment, moyen de transport, mais aussi dans notre énergie, dans notre comptabilité, dans nos actions de tous les jours… Pourtant beaucoup d’élèves ne le voient pas, car ils ne se figurent les mathématiques que de façon abstraite, étant donné qu’ils y ont été confrontés le plus souvent presque que comme ça. Pour Levine, les élèves doivent être confrontés davantage au réel, au concret pour trouver la motivation d’apprendre, et donner du sens à ce qu’ils apprennent. 2. L’estime de soi : condition nécessaire à la motivation ? Madame Lacroix et monsieur Potvin nous expliquent dans leur article que la motivation d’un élève varie selon plusieurs facteurs, dont la perception qu’il a de lui-même. Selon s’il pense pouvoir ou non réussir la tâche qui lui est demandée, l’élève n’aura pas la même motivation à entreprendre son travail. S’il pense en être capable, il aura envie d’y arriver. Nous sommes tous d’accord pour dire que la motivation influe directement sur la réussite de l’élève et la volonté que celui-ci à de faire ou de comprendre. C’est donc le serpent qui se mord la queue. Mais si un élève part de ses propres représentations, de ses propres croyances pour tenter de répondre à un problème ou à une question, ne se sentira-t-il pas alors plus capable d’y répondre ? L’estime de soi aurait donc un rôle à jouer dans la motivation de l’apprenant. S’il se sent capable de relever le défi, il sera d’autant plus motivé au travail. Dans la démarche d’investigation la majeure partie des élèves se sentent capables, puisqu’ils partent de leur propre croyance sur le monde, pour ensuite trouver un moyen de la vérifier. Au départ de la démarche d’investigation, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, aucune réponse n’est attendue. Les élèves ont le champ des possibles devant eux, ils doivent juste le vérifier. Ils peuvent, et c’est même encouragé, changer d’avis, donc d’hypothèses en cours de route. Ils créent leur savoir, découvrent par eux-mêmes : ils sont 6 acteurs de leur propre enseignement. Si la séquence est suffisamment pensée, construite, et préparée par l’enseignant, celui-ci n’est qu’un régulateur, un guide sur le chemin des élèves qui découvrent et apprennent par eux-mêmes. Quoi de plus gratifiant que de se rendre compte seul, grâce à son propre cheminement, d’une réalité, d’une vérité, d’un apprentissage. Le fait de découvrir par soi-même est non seulement vécu comme une victoire, mais aussi comme une fierté. Quoi de plus valorisant que d’y arriver tout seul. Et comme tous les chercheurs que l’on a cité jusqu’à présent s’accordent à le dire : la perception de soi et le fait de croire en sa réussite, ne peut que participer à une grande motivation de l’élève.
Définition et grands principes de la démarche d’investigation
Définition et histoire de la démarche d’investigation
La démarche d’investigation n’est pas une invention pédagogique faite dans le but de motiver ou d’apprendre les sciences à nos élèves. C’est une réalité scientifique, qui existe depuis que l’homme s’est posé la question “Pourquoi ?”. Toutes les grandes découvertes scientifiques, qu’elles soient spécifiquement recherchées ou bien fortuites, sont le fruit de la démarche d’investigation. Ce qui a permis à Isaac Newton de découvrir la loi de la gravité, selon la légende, est parti d’une problématique, d’une question: “Pourquoi cette pomme tombe-t-elle de l’arbre ?”. De là il a posé des hypothèses, établit des protocoles, expérimenté, testé, validé, invalidé… jusqu’à aboutir à sa loi légendaire. La démarche scientifique est donc appliquée par tous les hommes de sciences, puisqu’elle est le cheminement naturel de l’éveil et de la démonstration scientifique. Le fait d’appliquer la démarche d’investigation dans nos salles de classe est donc un gage d’estime pour nos élèves, car finalement nous ne les traitons pas comme des apprenants mais bel et bien comme de véritables scientifiques. Nous les mettons dans la même situation, même position que n’importe quel chercheur : nous les invitons à découvrir, à éveiller leur curiosité et leur intérêt en partant d’une question. La démarche d’investigation peut être définie comme l’enchaînement de cinq étapes décisives, schématisées synthétiquement sur le site de la fondation La main à la pâte : 8 Edith Saltiel, auteure de La démarche d’investigation, comment faire ? propose un schéma adapté spécifiquement à la mise en œuvre de la démarche dans le cadre de l’enseignement, également consultable sur le site de la fondation : Madame Saltiel insiste aussi sur le fait que de travailler collectivement lors de la mise en place de la démarche d’investigation participe aux plaisirs de faire des sciences : “Faire des sciences et de la technologie est source d’un plaisir partagé par tous, même avec une finalité pédagogique. Construire avec les autres une conclusion valide, aussi petite soitelle, participe de ce plaisir. L’élaboration de cette conclusion, en réponse aux questions que 9 l’on se pose, est le véritable moteur de l’activité scientifique” (document L’accompagnement en sciences et technologie à l’école primaire disponible sur le site de la main à la pâte). Effectivement le fait de pratiquer la démarche d’investigation dans sa classe, est aussi l’occasion, presque systématique, de faire travailler les élèves en groupes, ou au moins en binôme, afin de permettre d’enrichir, d’ouvrir leur réflexion sur l’objet d’étude ou la problématique de l’activité. Les idées se répondent, se font écho et permettent une ouverture. Le travail en groupe est un formidable moteur de cette curiosité scientifique.
Une démarche naturelle et émanant de la curiosité de l’homme
Ces différentes étapes représentent donc le cheminement naturel de la pensée scientifique, qui permet d’aboutir à une conclusion rationnelle et vérifiée, en partant d’un problème donné. Si elle a toujours été de mise et innée chez les scientifiques, elle n’a pas toujours été évidente dans l’histoire de l’enseignement des sciences à l’école primaire. Comme le dit Jean-Pierre Astolfi dans son ouvrage, “les sciences ont longtemps été le parent pauvre de l’école primaire.” Jean-Pierre Astolfi évoque avec admiration et met en relief le travail de Victor Host dans son ouvrage Comment les enfants apprennent les sciences ? Victor Host, inspecteur de l’école primaire se voit confier par Louis Legrand en 1969 la direction de la section sciences à l’Institut Pédagogique National (ancêtre de l’INRP). Il a prôné toute sa carrière, à contre-courant des idées de l’époque, les potentialités de l’éveil scientifique. Il veut développer dans les écoles, non pas un savoir encyclopédique auquel il apporte peu de crédit, mais au contraire un pouvoir sur les choses et leur interprétation, une prise de position des élèves. A travers l’enseignement scientifique, il vise un savoir plus large encore : le développement des compétences intellectuelles de chaque élève. Il pensait qu’à travers un enseignement scientifique vivant, les compétences acquises par les élèves pouvaient aller bien au-delà des sciences seulement. Il n’hésitait pas à s’appuyer sur les travaux de Piaget, Bruner et Bachelard, qui n’étaient pourtant pas encore à la mode chez les professionnels de l’enseignement de l’époque, pour étayer son positionnement. Comme nous dit Louis Legrand dans sa pédagogie fonctionnelle pour l’école élémentaire, citée aussi chez Jean-Pierre Astolfi : “Un esprit scientifique se reconnaît d’une part à la curiosité, à la capacité de s’étonner devant tout (…) et d’autre part à la volonté de chercher une réponse au lieu de se contenter d’hypothèses non-vérifiées.” Donc tout comme Victor Host, il est d’accord pour dire que développer l’esprit scientifique est utile dans tous les domaines d’apprentissage et développe tout simplement un esprit vif, curieux et soucieux de 10 comprendre. Il pense que la démarche scientifique “engage toute notre personnalité : affectivité, imagination, créativité, volonté, même si elle aboutit toujours à une expression rationnelle.” (p.220). Elle développe tout simplement l’esprit critique, esprit que chaque enseignant rêve de pouvoir contribuer à construire chez chacun de ses élèves. Un esprit qui est une acquisition dépassant les simples domaines d’apprentissages de l’école et qui est utile au long de toute la vie.
Introduction |