Tabagisme
Nous avons déjà un aperçu des différences de consommation de tabac entre hommes et femmes1. Bien que l’on comptabilise de plus en plus de fumeuses régulières, on sait néanmoins que le tabagisme est davantage répandu dans les rangs masculins. Cette forme d’addiction, nous allons le voir, varie aussi en fonction de certaines caractéristiques sociales2 . La prévalence du tabagisme est tout d’abord liée à la situation par rapport à l’emploi, en particulier chez les hommes : 52 % des chômeurs fument contre 38 % des hommes exerçant une profession, et 32 % des femmes au chômage fument contre 28 % de celles ayant un emploi. A âge contrôlé, les hommes appartenant aux ménages dont le niveau de vie (revenu par unité de consommation) est le plus faible sont proportionnellement plus nombreux à fumer ; pour les femmes, le lien entre tabagisme et niveau de vie est moins évident. Parmi les hommes exerçant une profession, les ouvriers et les employés fument davantage que les cadres (v. p. 276) : en 2003, 48,5 % des ouvriers fument contre 23,8 % des cadres ; du côté des femmes, on compte environ 30 % de fumeuses parmi les ouvrières et les employées, alors que la proportion dépasse à peine les 20 % pour les cadres.
On constate aussi que depuis les années 1980, la baisse est beaucoup plus nette chez les hommes cadres, passés de 45,2 % en 1980 à 23,8 % en 2003, que chez les ouvriers, où le taux ne s’est réduit que de 55,5 à 48,5 %. L’écart est aujourd’hui du simple au double entre ces deux catégories. L’Observatoire des inégalités fait justement remarquer que les campagnes de prévention n’ont pas le même impact suivant les milieux sociaux et la baisse actuelle masque en réalité un accroissement des inégalités entre catégories sociales. Ces différences reflètent plus largement les écarts de mode de vie entre milieux, notamment en ce qui concerne l’attention portée à la santé.
Alcoolisme
En France, le risque d’alcoolisation excessive, ponctuel ou chronique, concerne majoritairement les hommes. Il est d’ailleurs un des facteurs explicatifs de la mortalité prématurée de ces derniers1. Toutefois, si les disparités entre hommes et femmes en matière de consommation d’alcool sont assez facilement identifiables, les études qui prennent en compte des caractéristiques sociales et économiques révèlent que les liens entre le risque d’alcoolisation et les catégories sociales sont contrastés2 . Même si les modes de consommation varient (consommation ponctuelle, modérée, chronique, excessive…), tous les milieux sont plus ou moins concernés. L’analyse est donc moins évidente car il est plus difficile d’établir des grandes tendances en matière de consommation d’alcool. Examinons cela.
Il faut d’abord relever un point commun avec le tabagisme, qui concerne la situation matrimoniale. Il apparaît en effet que la famille semble avoir un réel effet « protecteur » contre les conduites à risque (alcool, tabac…). Toutes choses égales par ailleurs, les femmes vivant au sein d’un ménage formé d’un couple avec enfant(s) se déclarent en moyenne moins souvent consommatrices d’alcool que celles qui vivent seules. Elles présentent aussi très rarement un risque d’excès. Chez les hommes, le risque de consommation excessive d’alcool concerne aussi davantage ceux qui vivent seul. Ainsi, le risque d’alcoolisation excessive concerne surtout les personnes seules, hommes ou femmes, tandis que les modes de boire plus modérés, plus « raisonnables », sont plus fréquents dès lors que l’on vit au sein d’une famille. Cela s’explique sans doute par l’effet régulateur de la vie de famille, incitant à plus de prudence et de modération..
Environnement, Habitat : quelles incidences sur la santé ?
– A propos de l’environnement
Autant que l’habitat et les conditions de logement, l’environnement, par les qualités de vie inégales qu’il réserve aux populations, les avantages ou les divers désagréments qu’il peut procurer, constitue un facteur supplémentaire qui favorise des espérances de vie plus ou moins longues. Il serait préférable de disposer de données un peu plus récentes, mais on peut déjà prendre acte de quelques enseignements puisés dans des recherches menées dans les années 1990.1 Sur cette période, on constate que l’environnement (rural/urbain/périurbain, ville/campagne, taille de l’agglomération, etc.) est vécu différemment en fonction des positions sociales. Si pour les catégories « moyennes/intermédiaires » (techniciens, artisans et commerçants, cadres moyens) la mortalité revêt un caractère relativement homogène, qu’ils résident en ville ou à la campagne, pour les professions libérales et les cadres supérieurs, on relève des probabilités de vies plus longues à Paris ou dans des agglomérations importantes – comme s’ils évoluaient et s’intégraient avec aisance dans un cadre et un style de vie que leur position, leurs ressources économiques, culturelles, ou même sociales, leur permettent de mener confortablement. Pleine adéquation – symbiose – avec le milieu… ? Pour les ouvriers et les enseignants, c’est le schéma inverse qui se produit : les grandes cités n’ont pas cet effet bénéfique sur leurs existences puisqu’ils voient leur longévité s’accroître avec le mode de vie rural. Déjà à l’époque, et certainement plus encore maintenant, le statut d’enseignant faisait sans doute davantage l’objet d’une certaine reconnaissance sociale, évoquant tout un système de valeurs – discipline, respect, autorité, légitimité, transmission de 1 Cf. G. Desplanques, « l’inégalité sociale devant la mort », op. cit. 284 savoirs, etc. – à la campagne que dans les grandes agglomérations où d’autres difficultés existent, où les problèmes sociaux se conjuguent…