« Elévage et développement durable S’entendre sur les termes de l’évaluation »
La recherche agronomique a été bousculée dans ses pratiques et dans son organisation par la mise à l’agenda du « développement durable ». Il en a résulté un véritable séisme remettant en cause les méthodes éprouvées, notamment dans le domaine du développement de l’élevage. Dès lors, il s’est agit d’enrichir les approches disciplinaires « classiques » par des méthodes permettant de prendre en compte cette révolution de pensée. Réfléchir sur « l’amélioration du bien‐être des individus, des A l’invitation du Cirad, une quarantaine chercheurs et doctorants se sont réunis à Gorée du 16 au 19 octobre 2016 réfléchir à l’émergence de ces nouvelles méthodes d’évaluation de la durabilité des activités d’élevage. Les participants à l’atelier provenaient du Sénégal, de France, du Burkina‐Faso, du aliments tout en préservant la planète ? L’élevage contribue‐t‐il vraiment à 17 % des émissions de gaz à effets de serre ? Quels rôles sociaux joue l’élevage dans les différents territoires où il est pratiqué ? Comment les effluents d’élevage sont recyclés de manière efficace en fumure organique pour les cultures ? Quels techniques et systèmes d’élevage sont susceptibles de favoriser le développement de l’agro‐écologie ? La réponse à ces questions nécessite de s’entendre sur la définition de l’adjectif « durable », et sur la manière de le mesurer. C’est‐à‐dire qu’il s’agit de s’entendre sur les termes de l’évaluation.
En deuxième lieu, l’évaluation doit déterminer les objectifs de durabilité qui sont pris en compte. S’agit‐il de considérer le caractère durable du système choisi ? On peut alors parler d’exploitation de manière intégrée des critères économiques, sociaux et environnementaux ? S’agit‐il de considérer de manière prioritaire certains de ces critères qui apparaissent « critiques » ? Comment se construisent les « arbitrages » propres au développement durable entre impératifs de rentabilité économique, gestion de l’environnement, et projet de société ? (Photo 3) On le voit, la démarche de l’évaluation suppose de s’entendre sur ce qu’on souhaite évaluer (le système « objet » de l’évaluation), pourquoi on souhaite l’évaluer (les « objectifs » de durabilité), et enfin sur comment on souhaite l’évaluer (les « critères »). Dans cette démarche, le niveau d’analyse que l’on choisit est donc central. Il définit non seulement l’objet de l’analyse (évaluation de pratiques, de techniques, de système d’élevage, d’exploitations, de systèmes de production..) et les objectifs de durabilité (gestion locale des biomasses, gestion des effluents au niveau du terroir, impact sur l’emploi dans un territoire, ou grands équilibres écologiques de la planète). Enfin, le quatrième élément central de l’évaluation tient au processus de « choix collectif » des termes de l’évaluation.
Comment les protagonistes de l’évaluation « s’entendent » sur la démarche choisie, et avec quels acteurs de terrain ou décideurs politiques les « stakeholders » ? Comment l’évaluation procède d’une construction sociale, c’est‐à‐dire de négociations, de rapports de force, de L’évaluation de la durabilité est un processus socialement construit s’intéressant à l’impact des processus de production sur différents critères et à différentes échelles. La méthode d’évaluation est donc « spécifique » à chaque question posée à un moment donné, dans un espace donné, et pour une communauté particulière. Les méthodes portent en elles des choix implicites sur les objets considérés, les objectifs de l’évaluation, et les critères à considérer. La mobilisation des différentes méthodes participe ainsi à des choix de sociétés. Le chercheur doit en être conscient et il doit s’y investir (figure 1). Quelles méthodes mettre en œuvre ? Au cours de ces quatre jours de formation, nous avons passé en revue différentes méthodes, différentes approches d’évaluation qui illustrent cette diversité de méthode, et la nécessité de les adapter à chaque contexte. Les choix méthodologiques relèvent ainsi de l’inscription de la démarche de recherche dans des questions socialement posées, dans une « problématique » de recherche. Lors de la première journée, la visite de terrain à Niakhar a permis d’illustrer la nécessité de cet « ancrage » local des réflexions sur le développement durable des systèmes d’élevage.
La visite a permis de discuter des questions de durabilité qui se posaient dans les systèmes d’agriculture‐ Puis les 3 jours suivants ont été consacré à un atelier de formation alternant les présentations en plénières et les études de cas. Ces 3 jours étaient découpés en 4 Sessions. Nous avons vu d’abord les méthodes qui permettent d’évaluer les dimensions environnementales de la durabilité (Session 1). Ces méthodes s’intéressent à de multiples dimensions environnementales : les gaz à effet de serre, l’eau, la biomasse, le cycle de l’azote, du phosphore etc. Mais elles relèvent toutes de la même approche de départ : l’analyse du cycle de vie (ACV). C’est cette approche qui permet finalement de recenser l’ensemble des processus biophysiques impliquées en amont et en aval de l’activité de production. Ces approches environnementales sont mises en œuvre à plusieurs échelles : parcelle, territoire, planète…, mais leur caractéristique est de raisonner en système « ouvert », c’est‐à‐dire en considérant les liens entre le système étudier et l’extérieur de ce système.