Carie et algie dentaire
Dans la Nouvelle Encyclopédie pratique de médecine et d’hygiène de 1922, on peut lire : « La carie dentaire est une affection caractérisée par le ramollissement et la destruction progressive des tissus de la dent […]. Aussitôt l’émail détruit, les microbes de la bouche viennent à l’attaque de l’ivoire. L’ivoire est une substance poreuse striée de fins canalicules (canalicules de Tomes), les microbes s’infiltrent dans ces conduits. »
La physiopathologie de la carie dentaire est alors bien connue, même si les termes diffèrent de ceux utilisés aujourd’hui (on parle à cette époque d’ivoire pour la dentine, de carie sèche pour la carie arrêtée). En outre, on peut s’amuser de la perception de la carie et de son épidémiologie lorsqu’on lit dans une encyclopédie médicale : « La carie des dents commence fréquemment de 15 à 25 ans et atteint les femmes plus que les hommes. Certaines personnes y sont prédisposées par leur tempérament faible. On doit toujours conseiller à un jeune homme qui veut se marier pour avoir de beaux enfants de choisir une jeune fille ayant des dents saines et belles. Elles sont l’indice d’une belle santé et d’une bonne hérédité ». Le traitement étiologique de la carie est l’éviction carieuse (à l’aide de fraises en acier et d’un tour à pied, ou à l’aide d’un excavateur manuel) et l’obturation à l’amalgame.
Quant à la gestion de la douleur, il n’y a aucun consensus. L’une des méthodes est de nature pharmacologique. Il est préconisé pour calmer la rage de dents de recourir à une obturation temporaire après débridement. Placer dans la cavité un coton imbibé de liquide de Bonain (menthol, cocaïne, acide phénique) recouvert d’un bouchon de gutta percha, ou poudrer la cavité avec un mélange de cocaïne et de sous nitrate de bismuth. Une autre méthode est le recours à l’électricité médicale. Le but recherché avec la haute fréquence est de diminuer une douleur dentaire existante et même de prévenir la douleur avant qu’elle ne s’installe. «Ceci peut-il être réalisé ? Aisément. Et sans toucher la dent et sans demander au patient d’ouvrir la bouche.». D’après les manuels d’électrothérapie, il suffit de placer l’électrode au contact de la dent causale et d’appliquer un courant jusqu’à la disparition de la douleur. Le praticien peut alors commencer son soin dans de bonnes conditions.
Traitement des dents nécrosées
Une nécrose du tissu pulpaire peut survenir à la suite d’une carie, un traumatisme, etc. En cas de canal long, étroit ou tortueux, le traitement endodontique est parfois difficile et l’accès à l’apex impossible (il faut se remettre dans le contexte des années 1900 : il n’existe pas d’instrument endodontiques rotatifs, d’aides optiques, etc..). Il est fréquent qu’aucun instrument n’accède à l’apex, ceci étant particulièrement problématique en cas de parodontite apicale suppurée. Les praticiens de l’époque recommandent alors la méthode suivante : Le canal ne doit pas être élargi, et le tissu pulpaire et/ou le pus doivent être retirés au mieux. Il faut ensuite remplir le canal avec une solution électrolytique (chlorure de zinc à 5% le plus souvent). Une fine électrode de platine ou d’acier est introduite au plus près de l’apex sans le dépasser. Un courant est appliqué progressivement (de 3 à 5 mA) durant 5 minutes. Ceci imprègne les parois canalaires d’ions antiseptiques avec un effet rémanent. Les ions vont aussi dépasser le foramen et agir dans le péri-apex.
Lésion parodontale d’origine endodontique
C’est une manifestation de la pathologie pulpaire sur le parodonte. Après avoir subi de multiples agressions, le tissu pulpaire se nécrose. Les bactéries et leurs toxines diffusent via les voies de communication entre l’endodonte et le parodonte, provoquant une réaction inflammatoire des structures parodontales profondes. Ceci peut survenir lorsque l’endodonte de la dent nécrosée n’est pas ou insuffisamment traitée.
D’après les manuels d’électrothérapie, l’ionisation du canal par des ions antiseptiques est un bon moyen de palier ce défaut d’asepsie. Tout d’abord, irriguer le canal avec une solution antiseptique pour éliminer le maximum de matière organique. Enrouler ensuite une électrode dans une compresse et saturer celle-ci avec une solution de chlorure de zinc à 5%. Introduire l’électrode dans le canal aussi loin que possible et appliquer un courant de5 mA pendant 8 minutes. En plus du traitement intra-canalaire, il est recommandé d’agir aussi au niveau muqueux. Appliquer une compresse imbibée de teinture d’iode sur la muqueuse en regard de la lésion. Plaquer la compresse contre la zone avec une électrode de platine plate et appliquer un courant de 3 à 4 mA pendant 5 minutes. « Ce traitement viendra souvent à bout d’un abcès en moins de temps qu’avec la méthode osmotique ordinaire consistant à sceller des antiseptiques dans le canal ». Une autre possibilité est l’utilisation d’une solution de nitrate d’argent. Mais compte tenu des propriétés colorantes des ions argent, son utilisation doit se restreindre aux secteurs postérieurs. Les situations les plus favorables sont les dents avec des canaux larges et rectilignes permettant aux électrodes d’atteindre l’extrémité du canal.
Pyorrhée alvéolaire (ancien abcès parodontal)
«C’est une infection externe qui débute au collet de la dent, descend de proche en proche, attaque le ligament alvéolo-dentaire […] On voit les dents déchaussées, s’allonger en apparence, elles branlent dans les alvéoles, la gencive saigne très facilement. La chaleur et le froid sont douloureux.»
Au début de la maladie, l’infection est bien présente mais sans suppuration. On observe du tartre et un saignement gingival au contact. On utilisera en première intention une électrode de zinc placée dans le sulcus à laquelle on applique un courant de 3 mA. Si un autre traitement est nécessaire, on utilisera en plus une solution de teinture d’iode. Cette condition de la gencive est trop souvent considérée comme un simple état inflammatoire, et devrait être considérée comme la première étape menant à la pyorrhée alvéolaire.
Si une hygiène stricte et un traitement antiseptique ne sont pas mis en place rapidement, l’infection peut aboutir à une suppuration. A ce stade, l’os alvéolaire est impliqué et se résorbe, formant des espaces autour des alvéoles où le pus et les bactéries stagnent et prolifèrent.
Lorsqu’apparait une suppuration, le drainage chirurgical peut être complété en insérant une électrode de cuivre ou de zinc dans le sulcus voire si possible dans l’abcès après drainage. L’électrode doit être maintenue dans une position fixe. Il faut ensuite appliquer des compresses imbibées d’une solution de chlorure de zinc à 3 ou 4 %, en faisant pénétrer la solution au maximum. On applique un courant de 5mA, sauf dans les espaces interdentaires des molaires où on peut parfois monter à 10 ou 15 mA. «Au plus le courant est élevé, au plus les ions pénètreront profondément, et au plus l’effet de stérilisation sera parfait.»
L’électrode est laissée dans sa position 2 minutes puis est déplacée sur les sites voisins jusqu’à avoir traité toutes les zones concernées. Il est aussi possible de rester sur la même zone pendant 5 minutes si la lésion est assez localisée (peu d’inconfort pour le patient). L’électrode utilisée doit être la plus large possible, avec une forme incurvée pour épouser les formes des collets. Elle doit autant que possible atteindre le fond des poches parodontales.
Eclaircissement dentaire
Ceci concerne l’éclaircissement interne de la dent dépulpée, notamment après une coloration grise due à une nécrose.
La dent doit être préparée de telle sorte que deux électrodes puissent être placées dans le canal. Elles doivent être espacées d’un millimètre ou deux mais ne doivent pas pour autant être séparées par des structures dentaires : il faut un contact liquidien pour permettre le passage du courant d’un pôle à l’autre. Le schéma suivant montre le protocole pour une incisive centrale. On place dans la cavité un coton imbibé d’hypochlorite de calcium entre les électrodes.
Le courant est progressivement porté à 5mA. L’électrolyse entraîne un déplacement de H2 et Cl2 vers le pôle négatif (formation d’acide chlorhydrique HCl). Les atomes d’oxygène chargés négativement migrent vers l’électrode positive. L’interaction de ces molécules avec la dentine canalaire entraine un éclaircissement chimique de la dent.
Cette technique d’éclaircissement était aussi valable avec du peroxyde d’hydrogène à la place de l’hypochlorite de calcium.
Table des matières
INTRODUCTION
I. MEDECINE ET ELECTRICITE : APPROCHE HISTORIQUE CHRONOLOGIQUE
I.1. Les prémices
I.2. Le XVIIIème siècle
I.3. Le XIXème siècle
I.4. Le XXème siècle
I.4.1. Début de siècle
I.4.2. La première Guerre Mondiale
I.4.3. L’entre-deux-guerres
I.4.4. La Seconde Guerre Mondiale
II. ELECTROTHERAPIE ET SPHERE ORO-FACIALE
II.1. Appareils utilisés
II.1.1. Appareil à haute fréquence de Gem et appareil de Fischer
II.1.2. Le Rénovateur : étude détaillée
II.2. Traitement des pathologies oro-faciales par les courants de haute fréquence
II.2.1. Carie et algie dentaire
II.2.2. Névralgie faciale
II.2.3. Traitement des dents nécrosées
II.2.4. Lésion parodontale d’origine endodontique
II.2.5. Perforation canalaire
II.2.6. Anesthésie dentaire et gingivale
II.2.7. Pyorrhée alvéolaire (ancien abcès parodontal)
II.2.8. Nécrose des maxillaires
II.2.9. Gingivite marginale
II.2.10. Eclaircissement dentaire
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE